L’établissement

Historique

Le diocèse de Chartres est l’un des plus anciens et des plus importants de la Gaule à la fin de l’Empire romain. La légende veut que dans la forêt des Carnutes, des druides aient fondé un temple en l’honneur d’une vierge devant enfanter, et que les saints évangélisateurs Altin et Eodald aient trouvé la région déjà chrétienne avant l’heure dès le Ier siècle de notre ère. Plus probablement, la région a été évangélisée au cours du IIIe siècle, sous l’action des mêmes personnages. Au moment de la chute de l’empire romain, le diocèse de Chartres est l’un des plus vastes de Gaule, au premier rang de ceux de la province de Lyonnaise quatrième. La ville romaine, Autricum, était déjà un centre économique important dès avant l’arrivée du christianisme. La puissance de l’évêque et du chapitre de Chartres trouve l’une de ses sources dans la richesse du pays environnant, la Beauce, où le chapitre possède de grands domaines.

En 876, un don du roi Charles le Chauve à l’évêché de Chartres, la relique du voile de la Vierge, est à l’origine d’un important mouvement de pèlerinage qui fait la fortune de la cité et la puissance des institutions religieuses locales. L’éclat matériel de la cité se double d’une grande renommée intellectuelle, cristallisée autour de la figure de Fulbert de Chartres. Ce saint évêque est à l’origine du développement de la célèbre « école de Chartres » qui s’épanouit pendant plus de deux siècles, sous l’action de maîtres tels que Thierry de Chartres, Bernard de Chartres, et surtout le juriste Yves de Chartres, figure éminente de la réforme de l’Église au XIe siècle.

Le chapitre est probablement formé à l’époque carolingienne, soumis dès l’origine à la règle édictée pour les chanoines par Chrodegang de Metz au VIIIe siècle, puis à sa nouvelle forme donnée par le diacre Amalcaire au IXe siècle. En 889-890, des documents mentionnent un conseil de canonici autour de l’évêque Aimery. La vie canoniale semble s’être plutôt relâchée autour de l’an mil, si l’on en juge par la pugnacité qui anima Fulbert dans sa lutte contre le non-respect de la règle. Son œuvre a été poursuivie par Yves, puis par une série de prélats remarquables, qui ont restauré aux XIIe et XIIIe siècles l’observance des préceptes canoniques.

Un texte cité par les éditeurs de ce cartulaire, intitulé Vieille Chronique, prétend que dès l’origine l’église de Chartres aurait bénéficié d’abondantes richesses. Rien n’est moins sûr : l’évêque et ses serviteurs semblent vivre en commun et partager les ressources disponibles jusque vers le IXe siècle, époque où les évêques décident de diviser le temporel. Cette répartition a d’ailleurs suscité des conflits incessants. De même, la puissance de l’évêque ne va pas sans faire de l’ombre au comte dont dépend la ville. Les deux personnages exercent chacun une part de la puissance publique : ainsi, le comte jouit du droit de battre monnaie, tandis que l’évêque conserve les coins ; tous deux se disputent les revenus du droit de ban et des tonlieux. Cette rivalité débouche sur des rixes parfois sanglantes entre partisans de l’évêque et partisans du comte, qui tente régulièrement de s’emparer par confiscation des biens de l’église à l’occasion de la mort de l’évêque.

Malgré ces conflits, la puissance temporelle et matérielle du chapitre cathédral de Chartres connaît un accroissement constant, ce qui ne va pas sans heurts. En 855, les Normands mettent à sac et détruisent l’église cathédrale. En 962, l’édifice est à nouveau incendié par le duc Richard de Normandie, alors en guerre contre le comte de Blois Thibaud le Tricheur.

En 1020, Fulbert fait reconstruire sa église, encore une fois détruite par un incendie. Le XIe siècle voit la cathédrale s’agrandir et s’embellir grâce aux donations abondantes des puissants comme des humbles. La façade et le narthex sont achevés vers 1050 grâce aux dons des chanoines, puis le comble est bâti grâce à la générosité du roi Henri Iᵉʳ. En 1087, on achève d’élever le clocher aux frais de Guillaume le Conquérant, pour le repos de l’âme de sa fille. Vers 1100, sous l’épiscopat d’Yves, on construit un jubé et on pose dans le choeur un dallage de marbre offert par le doyen Zacharie. On place une statue dorée de Notre-Dame à la porte de l’église aux frais de Richer, archidiacre de Dunois. La salle capitulaire est achevée vers 1090.

Les donations et legs continuent sans tarir, permettant par exemple l’installation de verrières. En 1194, un grand incendie dévaste la cathédrale, suscitant un nouvel afflux de donations des chanoines, qui permet d’élever le vaste édifice gothique existant aujourd’hui. Aux XIIIe et XIVe siècles, les fondations de chapelles abondent et permettent d’entrevoir le réseau des bienfaiteurs et des personnes attachées à l’église, qui seront évoqués plus en détail. Parallèlement, le profil des donateurs se diversifie. On peut alors mesurer l’importance que le chapitre de Notre-Dame de Chartres a acquise et conserve tout au long du Moyen Âge, et même au-delà.

Localisation du patrimoine à grands traits

Le diocèse de Chartres est l’un des plus importants de la Gaule chrétienne, le second après celui de Sens. Il s’étend sur 200 km de long et 60 de large. Il comprend la Beauce, mais aussi le saltus du Perche, le pays de Dreux, une bonne partie du Pincerais, le Dunois, le Blésois et la presque tout le Vendômois. Au Nord, la limite est formée par les méandres de la Seine.

Bonne approche du temporel du chapitre dans A. Chédeville, Chartres et ses campagnes…, carte des « Exploitations du chapitre N.-D. de Chartres en 1300 », p. 185.

Réseaux de bienfaiteurs

Comme on l’a déjà esquissé, le chapitre de Notre-Dame de Chartres bénéficie des largesses des chanoines et des évêques issus des plus hauts lignages (Fulbert, Guillaume aux Blanches Mains, Jean de Salisbury). Tout au long du Moyen Âge, les donateurs laïcs ne sont pas moins illustres : parmi eux, les comtes de Blois et de Champagne et leurs épouses, telles Adèle, femme du comte Étienne-Henri, Ermengarde, femme d’Eudes II, ou Marie, femme d’Henri le Libéral, mais aussi les rois de France, de Charles le Chauve jusqu’à Louis XIII et Anne d’Autriche, en passant par Berthe, épouse du roi Philippe Ier. Les comtes de Bretagne rivalisent de prodigalité avec les souverains anglais, au premier rang desquels Guillaume le Conquérant et la reine Mathilde. Les riches laïcs chartrains ne sont évidemment pas en reste, et les documents montrent combien matrones ou marchands fortunés savent se montrer généreux.