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Li livres de jostice et de plet

A. Présentation de l’œuvre

Li livres de jostice et de plet (désormais LJP) est une compilation organisée en vingt livres rassemblant des dispositions du droit coutumier et des extraits traduits du Corpus juris civilis et des Decretales, le tout organisé suivant le plan du Digeste médiéval (Digeste vieux, Infortiat, Digeste neuf)1.

Cet ensemble, composé dans l’Orléanais autour de 1260, est probablement l’œuvre d’un praticien du droit ou d’un officier royal lié à l’entourage de Louis IX. Texte important pour l’étude de la réception du savant et de ses rapports avec la coutume, le LJP constitue aussi le seul témoin de l’existence d’une traduction française médiévale du Digeste neuf.

Jusqu’à présent, l’œuvre n’était connue qu’à travers une édition partielle (éd. P.-N. Rapetti, 1850), ne livrant qu’à peine une moitié de l’ouvrage ; les extraits traduits d’après le Digeste, constituant l’essentiel du LJP, n’étaient connus qu’à travers quelques sondages lexicographiques, ne permettant pas d’études complètes sur l’ensemble de la compilation.

L’unique manuscrit connu du LJP est conservé à Paris, à la Bibliothèque nationale de France, sous la cote français 2844 (200 f., parchemin, 350 x 270 mm.) ; il est l’œuvre d’un seul scribe qui a travaillé dans le Centre-Ouest du domaine d’oïl entre 1260 et 1270.

B. Introduction de l’édition en ligne

1. L’édition de P.-N. Rapetti et son complètement

Le but de la présente édition est de donner à lire l’intégralité du Livre de jostice et de plet d’après le ms. Paris, BnF, fr. 2844.

Comme l’édition partielle de P.-N. Rapetti annonce tous les chapitres qui composent le LJP, même ceux des sections que cet éditeur n’a finalement pas prises en compte, la structure formelle de l’édition de 1850 a servi de base à la création de la version numérique.

De ce fait, l’édition numérique reproduit fidèlement la partie éditée par P.-N. Rapetti, telle qu’elle apparaît dans l’édition imprimée, couplée aux sections précédemment inédites, ici éditées par les soins de G. Pastore.

Des conventions typographiques permettent d’identifier rapidement l’apport des deux éditeurs ; les parties éditées par P.-N. Rapetti apparaissent en noir alors que celles éditées par G. Pastore sont affichées en bleu (voir infra § 5 Liste des sections éditées par G. Pastore).

Dans les sections édités par P.-N. Rapetti, le lecteur trouvera entre crochets [ ] le renvoi à la page de l’édition papier, alors que dans celles éditées par G. Pastore ces mêmes crochets contiennent l’indication du folio du manuscrit. Les corrections et les conjectures que P.-N. Rapetti propose au manuscrit sont indiquées entre parenthèses ( ) et affichées en italique comme dans la version imprimée.

Une partie des noms propres évoqués dans le texte renvoie aux fiches prosopographiques disponibles dans la base de données en ligne http://josticeetplet.huma-num.fr/.

2. Indications pour la lecture du texte édité par G. Pastore (dernière mise à jour : novembre 2016)

Plusieurs passages du ms. Paris, BnF, fr. 2844 posent difficulté à l’éditeur et appellent des interventions. Le texte transmis par ce témoin est l’œuvre d’un copiste qui fait preuve d’une inattention parfois soutenue, dont témoignent des fautes de mauvaise lecture, des interprétations erronées d’une abréviation, l’omission de passages situés entre deux mots identiques ou similaires, ainsi que l’emploi d’un système de ponctuation minimal et non systématique qui peut aisément entrainer des contresens ; à sa décharge, tout au moins pour les passages qui relèvent du Digeste nouvellement édité, le scribe a sans doute recopié des modèles précédents, qui livraient déjà un texte à plusieurs endroits négligé ou corrompu.

Dans l’édition en ligne on a cherché à rendre compte des incohérences majeures, en laissant encore en suspens certains problèmes textuels qui feront l’objet de révisions ultérieures, destinées à la fois à la mise à jour du texte en ligne et à l’édition papier. De ce fait, la version numérique signale uniquement l’essentiel des observations philologiques : elle ne fournit qu’un apparat critique minimal qui prend en compte seulement les corrections au ms. et qui ne signale que quelques passages particulièrement problématiques. Bien que toutes les interventions sur le texte aient été soigneusement argumentées, on omet ici toutes les notes explicatives et linguistiques qui, tout comme une introduction détaillée, trouveront place dans l’édition papier.

§ 1 Transcription et segmentation des mots

Le scribe distingue le plus souvent entre u/v et n (sauf occasionnellement, unel et venst pour « vuel » et « veust » P1 et P3 de voloir ; denoit pour « devoit » P3 devoir ; etc.). Afin de faciliter la lecture, on a systématiquement différencié u de v et de n, ainsi que i de j selon l’usage moderne.

Quant à la segmentation des mots, l’usage parfois flottant du scribe a été régularisé (dans le ms. on lit di retot pour dire tot, lo cist pour l’ocist, feu lon pour feulon, au torite pour autorité, etc.) ; on a opté pour les formes li quel, la quele, etc. et puis que (en suivant, dans ce cas, l’usage assez constant et systématique du scribe) mais autel, depuis, desque, nonporquant, presque, etc. qui sont écrits tantôt en un mot, tantôt en deux ou trois.

Les abréviations ont été développées en utilisant la forme la plus souvent utilisée lorsque le mot est écrit en toutes lettres. Quant à la résolution des abréviations par suspension, les formes que à, que il, que en, etc. ont été préférées aux formes élidées qu’à, qu’il, qu’en etc. Quelques particularités du scribe ont été conservées, comme l’usage de –x final à valeur de –us (on affiche ainsi uns fox de betes, les principax tables, se li travau estoit naturex, se fet servir à ex, etc.), et le –z final à valeur de –ez (amenz pour amenez, apareillz pour apareillez, assz pour assez, delz pour delez, donz pour donez, forsenz pour forsenez, mesfz pour mesfez, etc.), ce dernier étant sensiblement plus important dans les livres XIII-XX, contenant les extraits tirés du Digeste neuf.

§ 2 Intégrations et corrections

Dans le souci de faciliter la lecture, toutes les intégrations par rapport au texte du ms. ont été placées entre chevrons ‹ › ; ces intégrations comprennent les mots ou les particules intégrées par conjecture (il s’agit, en large majorité, de l’oubli d’un signe d’abréviation de la part du scribe). Pour les seules parties puisant à l’Infortiat (livres XI et XII du LJP, f. 105rB-118vA), on affiche entre chevrons les intégrations faites d’après les deux manuscrits qui témoignent de la même traduction (à savoir, Bordeaux, bibl. mun. 354 et Rouen, bibl. mun. 794 (E 1)). Les chevrons restent vides ‹…› dans le cas d’une lacune textuelle manifeste qu’il n’est pas possible de restituer.

Tous les mots supprimés et les leçons rejetées figurent dans l’apparat critique ; dans les notes de bas de page, la leçon retenue est suivie de la leçon rejetée et, le cas échéant, d’un extrait du texte latin ayant la fonction de faciliter la compréhension de la traduction française ou de justifier la correction (p.ex. : peser] prester dans le ms., cf. lat. rebus que pondere).

Sauf indications contraires, le texte latin du Digeste qui apparaît dans les notes est tiré de l’édition Mommsen-Krueger (Berlin, 1870).

§ 3 Accentuation et ponctuation

L’accent aigu est placé sur –e tonique à la finale et dans les terminaisons –es du participe passé masculin pluriel ; l’accent n’a pas été utilisé pour les monosyllabes en –e, -es, sauf pour distinguer les homographes (nés < lat. natos ou < naves / nes = ne+les) et quelques formes du verbe estre quelque peu déroutantes pour le lecteur moderne (ja sé correspondant à ja soit, ainsi que j’é, n’é à valeur de « j’ai, n’ai », etc.).

Pour rendre la lecture plus aisée, un accent a été utilisé pour distinguer à préposition de (il) a verbe, et pronom et adverbe de ou conjonction et préposition (= « avec »).

Le tréma fait l’objet d’un usage prudent : il n’est employé que pour distinguer les homographes ou presque homographes (formes et dérivés de oïr « entendre » / oir « heritier », païs « pays » / pais « paix », müer « changer » / muers « (tu) muers », vëu » part. pass. de « voir » / veu « vœu », etc.), ainsi que pour marquer des hiatus qui existent depuis l’ancien français (formes et dérivés de lëuté « loyauté », traïr « trahir », oïl « oui », etc.).

La ponctuation présente des irrégularités sur l’ensemble du ms. ; si, de manière générale, elle n’indique que les pauses fortes qui séparent les paragraphes du Digeste, elle est souvent absente à l’intérieur des paragraphes, et parfois même entre des paragraphes différents. De ce fait, sauf indications contraires, le texte ici édité affiche tous les signes de ponctuation qui figurent dans le ms., tout en intégrant ce système selon les usages de la ponctuation moderne.

§ 4 Organisation du texte édité

Étant donné que le LJP suit la structure du Digeste, les références au texte latin sont essentielles à la fois pour la meilleure compréhension de la traduction et pour mesurer l’écart entre le texte-source et le texte-cible. Dans les extraits ici nouvellement édités, les renvois au Digeste latin sont placés entre accolades { }.

Le texte reproduit également les pieds-de-mouche qui structurent les paragraphes du manuscrit, lesquels correspondent en large majorité à la répartition interne des articles telle qu’elle apparaît dans le texte latin.

En suivant le manuscrit, jusqu’à la fin du livre IX (f. 96rB, à savoir, jusqu’à la fin des chapitres puisant au Digeste vieux), le nom de l’auteur et l’incipit latin de la loi qui l’accompagne ont été mis en évidence par des moyens typographiques.

§ 5 Liste des sections éditées par G. Pastore

* L’astérisque indique les chapitres dont une partie figure dans l’édition de P.-N. Rapetti

  • Livre I : /
  • Livre II : /
  • Livre III : ch. 11, 12
  • Livre IV : ch. 1-3, 5, 7
  • Livre V : ch. 1-2, 4-6
  • Livre VI : ch. 1, 4-5, 6*, 7-11, 12, 13*, 14-15, 16*, 17, 18*
  • Livre VII : ch. 1-2, 4*, 5-9, 11-12, 15*
  • Livre VIII : ch. 1-2, 4-8
  • Livre IX : ch. 2-3, 5-8, 10-11, 13-14, 17
  • Livre X : /
  • Livre XI : ch. 1-4
  • Livre XII : ch. 1-2, 4
  • Livre XIII : ch. 1-3
  • Livre XIV : ch. 1-8
  • Livre XV : ch. 1-8
  • Livre XVI : ch. 1, 3-17, 18*, 19-27, 29
  • Livre XVII : ch. 1-2, 4-7
  • Livre XVIII : ch. 1, 3-6, 8-23
  • Livre XIX : /
  • Livre XX : ch. 1-10, 12

Graziella Pastore s’est occupée de l’édition des ces sections et de l'étude de l’œuvre grâce aux financements de la Ville de Paris (bourse « Research in Paris » 2014), du LabEx Hastec (contrat postdoctoral, 2015) et de l'Université Franco-Italienne (bourse « Vinci » 2016).

C. Repères bibliographiques

Edition du texte français

  • Li livres de jostice et de plet, publié pour la première fois d’après le manuscrit unique de la Bibliothèque nationale par [P.N.] Rapetti, avec un glossaire des mots hors d’usage par P. Chabaille, Paris, Firmin Didot Frères, 1850, « Collection de documents inédits sur l’histoire de France. Première série, Histoire Politique ».

Éditions du texte latin

  • Digesta Iustiniani Augusti, Editio maior, recognovit Theodorus Mommsen, retractavit Paulus Krueger, Berlin, 1870, 2 vol. [en ligne : http://droitromain.upmf-grenoble.fr/]
  • Corpus iuris civilis (I Digestum vetus, II Infortiatum, III Digestum novum), Hugues de la Porte, Lyon, 1558-1560 [en ligne : http://amshistorica.unibo.it/corpusiuriscivilis]
  • Digesti o pandette dell’imperatore Giustiniano : testo e traduzione, a cura di Sandro Schipani, con la collaborazione di Lelio Lantella, Milano, A. Giuffrè, 2005-, 5 vol. [édition en cours, contenant le texte latin et la traduction italienne des livres D.1-32].
  • The Digest of Justinian. English-language translation of the Latin text edited by Theodor Mommsen with the aid of Paul Krueger, edited by Alan Watson, revised ed., Philadelphia (Pa), University of Pennsylvania press, 1998, 4 vol.

Études

  • Foviaux J., Livre de jostice et plet, notice dans Dictionnaire des lettres françaises. Moyen Age, 1992, p. 955-958 ;
  • Giordanengo G., Livres de jostice et de plet (Li), notice dans Dictionnaire historique des juristes français XIIe-XXe siècle, 2015, p. 669-670 ;
  • Klimrath H., « Note sur le Livre de jostice et de plet », Travaux d’histoire du droit français, t. 2, Paris-Strasbourg, 1843, p. 27-132 ;
  • Olivier-Martin F., « Les Poines de la duchié d’Orliens », Revue historique de droit français et étranger, 7 (1928), p. 413-440 ;
  • Olivier-Martin F., Histoire du droit français, des origines à la Révolution, Paris, 1948, p. 116-117 ;
  • Ourliac P., Gazzaniga J.L., Histoire du droit privé français, Paris, 1985, p. 99 passim ;
  • Pastore G., Duval F., « La tradition française de l’Infortiat et le Livre de jostice et de plet », Bibliothèque de l’École des chartes [à paraître]
  • Regnault H., Manuel d’histoire du droit français, Paris, 1940, p. 86-89 ;
  • Sicard G., « Observations sur quelques chapitres du Livre de jostice et de plet concernant le droit des obligations », Etudes d’histoire du droit privé offertes à Pierre Petot, Librairie générale de droit et de jurisprudence, Paris, 1959, p. 519-532 ;
  • Stein H., « Conjecture sur l’auteur du Livre de jostice et de plet », Nouvelle revue d’histoire du droit français et étranger, 1917, p. 346-382 ;
  • Stoll A., Ueber die Sprache des Livre de jostice et de plet, Halle, in-8°, 1889, 55 pp.

1. De manière générale, les livres I-X s'appuient sur le Digestum Vetus (D. 1-24.2), les livres XI-XII sur l'Infortiatum (D. 24.3-38), et les livres XIII-XX le Digestum novum (D. 39-50).