Édits de pacification » XV. Édit de Nantes. Brevet des garnisons

XV. Édit de Nantes. Brevet des garnisons

  • E : Bibl. nat. de France, 4° Ld. 176. 50, p. 2-7 (E1) ; ibid., 4° Ld 176. 43, p. 1-4 (E2) ; Anquez, p. 498-502 ; Garrisson, p. 93-98 ; Thomas, p. 75-78Dans les éditions du XVIIe siècle, le texte du brevet n’est pas réparti en articles, pas plus que dans les éditions récentes de Janine Garrisson et de Danièle Thomas. Dans un souci de commodité, nous avons fragmenté le texte en paragraphes numérotés, comme l’avait fait L. Anquez en 1859, sans toutefois reprendre sa numérotation..  : Bibl. nat. de France, 4° Ld. 176. 50, p. 2-7 (E1) ; ibid., 4° Ld 176. 43, p. 1-4 (E2) ; Anquez, p. 498-502 ; Garrisson, p. 93-98 ; Thomas, p. 75-781.
Articles : Préambule, 01, 02, 03, 04, 05, 06, 07, 08, 09, 10, 11, 12, 13, 14, 15, Clause finale, Date.

Aujourd’huy dernier jour d’avril 1598, le roy etant à Nantes, voulant donner tout le contentement qu’il luy est possible à ses sujets de la Religion pretendue reformée2 sur les demandes et requestes qui luy ont esté faites de leur part pour ce qu’ils ont estimé leur estre necessaire, tant pour la liberté de leurs consciences que pour l’asseurance de leurs personnes, fortunes et biens, et pour l’asseurance que Sa Majesté a de leur fidelité et sincere affection à son service, avec plusieurs autres considerations importantes au bien et repos de cet Estat, Sad. Majesté, outre ce qui est contenu en l’edict qu’elle a nouvellement resolu et qui doit estre publié pour le reglement de ce qui les concerne, leur a accordé et promis  :

XV, [01]^ Voir aussi, V.39, VII.59, VIII.59, IX.39, X.17, XI.30.

Que toutes les places, villes et chasteaux qu’ils tenoient jusques à la fin du mois d’aoust dernier, esquelles y aura garnisons, par l’estat qui en sera dressé et signé par Sa Majesté, demeureront en leur garde sous l’authorité et obeïssance de Sad. Majesté par l’espace de huict ans à compter du jour de la publication dud. edict. Et pour les autres qu’ils tiennent, où il n’y aura point de garnisons, n’y sera point alteré ni innové.

XV, [02]^ Sur Chavigny, XIII.28.

N’entend toutesfois Sad. Majesté que les villes et chasteaux de Vendosme et Pontorson soient comprises au nombre desd. places laissées en garde à ceux de lad. Religion. N’entend aussi comprendre aud. nombre la ville, chasteau et citadelle d’Aubenas, de laquelle elle veut disposer à sa volonté, sans que si c’est entre les mains d’un de lad. Religion, que cela fasse consequence qu’elle soit aprés affectée à un autre de lad. Religion, comme les autres villes qui leur sont accordées. Et quant à Chauvigny, elle sera rendue à l’evesque de Poitiers, seigneur dud. lieu, et les nouvelles fortifications faites en icelle rasées et demolies.

XV, [03]^

Et pour l’entretenement des garnisons qui devront estre entretenues esd. villes, places et chasteaux, leur a Sad. Majesté accordé jusques à la somme de neuf-vingts mille escus, sans y comprendre celles de la province de Dauphiné, ausquelles sera pourveu d’ailleurs de lad. somme de cent quatre-vingts mille escus par chacun an, leur promet et asseure en faire bailler les assignations bonnes et valables sur les plus clairs deniers où seront establies lesd. garnisons. Et où elles n’y suffiroient, et qu’il n’y eust en icelles assez de fonds, leur sera parfourny le surplus sur les autres recetes plus prochaines, sans que les deniers puissent estre divertis desd. recetes que lad. somme n’ait esté entierement fournie et acquitée.

XV, [04]^

Leur a en outre Sad. Majesté promis et accordé que, lorsqu’elle fera et arrestera l’estat desd. garnisons, elle appellera auprés d’elle aucuns de ceux de lad. Religion pour en prendre leur advis et entendre sur ce leurs remonstrances, pour aprés en ordonner ; ce qu’elle fera toujours le plus à leur contentement que faire se pourra. Et si, pendant le temps desd. huit années, il y a occasion de faire quelque changement sur led. estat, soit que cela procede du jugement qu’en fera Sad. Majesté ou que ce soit à leur requisition, elle en usera de mesme qu’à le resoudre pour la premiere fois. Et quant aux garnisons de Dauphiné, Sa Majesté dressant estat d’icelles prendra sur ce l’advis du sieur de Lesdiguieres.

XV, [05]^

Et advenant vaquation d’aucuns gouverneurs et capitaines desd. places, Sad. Majesté leur promet aussi et accorde qu’elle n’en pourvoira aucun qui ne soit de lad. Religion pretendue reformée, et qu’il n’ait attestation du colloque où il sera resident qu’il soit de lad. Religion et homme de bien. Se contentera neantmoins que celuy qui en devra estre pourveu sur le brevet qui luy en aura esté expedié soit tenu, auparavant que d’en obtenir la provision, de rapporter l’attestation du colloque d’où il sera, laquelle aussi ceux dud. colloque seront tenus de luy bailler promptement, sans le tenir en aucune longueur ; ou, en cas de refus, feront entendre à Sad. Majesté les causes d'iceluy.

XV, [06]^

Et ce terme desd. huit années expiré, combien que Sad. Majesté [soit] quitte de sa promesse pour le regard desd. villes, et eux obligez de les luy remettre, toutesfois elle leur a encore accordé et promis que, si esd. villes elle continue aprés led. temps d’y tenir garnisons ou y laisser un gouverneur pour commander, qu’elle n’en depossedera point celuy qui s’en trouvera pourveu pour y en mettre un autre.

XV, [07]^

Comme pareillement declare que son intention est, tant pendant lesd. huit années qu’aprés icelles, de gratifier ceux de lad. Religion et leur faire part des charges, gouvernemens et autres honneurs qu’elle aura à distribuer et departir indifferemment et sans aucune exception selon la qualité et merite des personnes, comme à ses autres sujets catholiques, sans toutesfois que les villes et places qui leur pourront cy aprés estre commises pour y commander, autres que celles qu'ils ont à present, puissent tirer à consequence d'estre cy aprés particulierement affectées à ceux de lad. Religion.

XV, [08]^

Outre ce, Sad. Majesté leur a accordé que ceux qui ont esté commis par ceux de lad. Religion à la garde des magazins, munitions, poudres et canons d’icelles villes, et ceux qui leur seront laissez en garde, seront continuez esd. charges, en prenant commission du grand maistre de l’artillerie et commissaire general des vivres. Lesquelles lettres seront expediées gratuitement, mettant entre leurs mains les estats signez en bonne et deue forme desd. magazins, munitions, poudres et canons, sans que pour raison desd. commissions ils puissent pretendre aucunes immunitez ou privilege. Seront neantmoins employez sur l’estat qui sera fait desd. garnisons, pour estre payez de leurs gages sur les sommes cy dessus accordées par Sa Majesté pour l’entretennement de leurs garnisons, sans que les autres finances de Sa Majesté en soient aucunement chargées.

XV, [09]^

Et d’autant que ceux de lad. Religion ont supplié Sa Majesté de leur vouloir faire entendre ce qu’il luy a pleu d’ordonner pour l’exercice d’icelle en la ville de Metz, d’autant que cela n’est assez donné clairement à entendre et compris en son edict et articles secrets3, declare Sa Majesté qu’elle a fait expedier lettres patentes par lesquelles il est porté que le temple cy devant basty dans lad. ville par les habitans d’icelle leur sera rendu pour en lever les materiaux ou autrement en disposer comme ils verront estre à faire, sans toutesfois qu’il leur soit loisible d’y prescher ni faire aucun exercice de lad. Religion ; et neantmoins leur sera pourveu d’un lieu commode dans l’enclos de lad. ville où ils pourront faire led. exercice public, sans qu’il soit necessaire de l’exprimer par son edict.

XV, [10]^

Accorde aussi Sa Majesté que, nonobstant la defense faite de l’exercice de lad. Religion à la cour et suite d’icelle4, les ducs, pairs de France, officiers de la couronne, marquis, comtes, gouverneurs et lieutenans generaux, mareschaux de camp et capitaines des gardes de Sad. Majesté qui seront à sa suite, ne seront recherchez de ce qu’ils feront à leur logis, pourveu que ce soit en leur famille particuliere tant seulement, à portes closes et sans psalmodier à haute voix, ni rien faire qui puisse donner à connoistre que ce soit exercice public de lad. Religion ; et si Sad. Majesté demeure plus de trois jours es villes et lieux où l’exercice est permis, pourra led. exercice aprés led. temps y estre continué comme il estoit avant son arrivée.

XV, [11]^

Declare Sa Majesté qu’attendu l’estat present de ses affaires, elle n’a peu comprendre pour maintenant ses païs delà les monts, Bresse et Barcellonne en la permission par elle accordée de l’exercice de lad. Religion pretendue reformée. Promet neantmoins Sa Majesté que, lorsque lesd. païs seront en son obeïssance, elle traitera ses sujets d’iceux pour le regard de la religion, et autres poincts accordez par son edict, comme ses autres sujets, nonobstant ce qui est porté par led. edict ; et cependant seront maintenus en l’estat où ils sont à present.

XV, [12]^

Accorde Sa Majesté que ceux de lad. Religion pretendue reformée qui doivent estre pourveus des offices de presidens et conseillers creez pour servir es chambres ordonnées de nouveau par son edict seront pourveus desd. offices gratuitement et sans finance pour la premiere fois, sur l’estat qui sera presenté à Sa Majesté par les deputez de l’assemblée de Chastellerault, comme aussi les substituts des procureurs et advocats generaux erigez par mesme edict en la chambre de Bordeaux. Et advenant incorporation de lad. chambre de Bordeaux et de celle de Thoulouse ausd. parlemens, lesd. substituts seront pourveus d’offices de conseillers en iceux aussi gratuitement.

XV, [13]^

Sa Majesté fera aussi pourvoir messire François Pitou de l’office de substitut du procureur general en la cour de parlement de Paris ; et à ces fins sera faite erection de nouveau dud. office ; et aprés le deceds dud. Pitou, en sera pourveu d’un de lad. Religion pretendue reformée.

XV, [14]^

Et advenant vaquation par mort de deux offices de maistres des requestes de l’hostel du roy, les premiers qui vaqueront, y sera pourveu par Sa Majesté de personnes de lad. Religion pretendue reformée que Sa Majesté verra estre propres et capables pour le bien de son service, et pour le prix de la taxe des parties casuelles. Et cependant sera ordonné qu’en chacun quartier il y ait deux maistres des requestes qui seront chargez de rapporter les requestes de ceux de lad. Religion.

XV, [15]^

Permet en outre Sa Majesté aux deputez de lad. Religion assemblez en lad. ville de Chastellerault de demeurer ensemble au nombre de dix en la ville de Saumur pour la poursuite de l’execution de son edict, jusqu’à ce que sond. edict soit verifié en la cour de parlement de Paris, nonobstant qu’il leur soit enjoint par led. edict de se separer promptement5, sans toutesfois qu’ils puissent faire au nom de lad. assemblée aucunes nouvelles demandes ni s’entremettre que de la solicitation de lad. execution, deputation et acheminement des commissaires qui seront pour ce ordonnez.

Et de tout ce que dessus, leur a Sa Majesté donné sa foy et parole par le present brevet, qu’elle a voulu signer de sa propre main et contresigner par nous ses secretaires (sic) d’Estat, voulant iceluy brevet leur valoir et avoir le mesme effet que si le contenu en iceluy estoit compris en un edict verifié en ses cours de parlement ; s’estans ceux de lad. Religion contentez, pour s’accommoder à ce qui est de son service et [à] l’estat de ses affaires, de ne la presser pas de mettre cette ordonnance en autre forme plus authentique, prenans cette confiance en la parole et bonté de Sa Majesté qu’elle les en fera jouir entierement. Ayant à cette fin commandé que toutes les expeditions et depesches qui seront necessaires pour l’execution de ce que dessus leur en soient expediées.

Ainsi signé : HENRY, et plus bas : FORGET.


2 Dans E1, l’expression “ Religion pretendue reformée ” est toujours abrégée en “ Religion P. Reformée ”, comme dans le brevet des pasteurs, pour les raisons qui ont été indiquées (n° XIV, note 2). Dans E2, à partir de l’article 11, elle est abrégée en “ R.P.R. ”.
3 Cf. n° XII, art. 11 (Metz étant ville d’évêché), et n° XIII, art. 9.