LEMERCIER Rose, *Joseph

Nom: 
LEMERCIER
Prénom: 
Rose, *Joseph
Date de début d'activité: 
05/07/1828
Date de fin d'activité: 
01/01/1887
Adresses professionnelles: 

2, rue Pierre Sarrazin (1828)
55,  rue du Four Saint-Germain (janvier 1829)
57, rue de Seine (1852)

Ville - Département: 
Paris
Adresse personnelle: 

62, rue Mazarine (1839)
2, rue Pierre Sarrazin (1828)

Prédécesseurs: 
Informations personnelles: 

Né le 29 juin 1803 à Paris, d'un père vannier dans une famille de 17 enfants, il se tourne très tôt vers la lithographie ainsi que deux de ses frères, Gabriel (1807-1889) et Ambroise (1817-1889). Il embauchera un professeur particulier pour lui donner des leçons le soir et pallier son manque d'instruction initial. En 1824, il épouse Marguerite Drancy, fille d'un propriétaire (un "bon mariage"). Ils auront deux fils morts en bas-âge.
Sa rapide réussite lui permet d'acheter, en 1838, un vaste terrain à Auteuil qui, revendu en 23 lots , donnera naissance au hameau Boileau ; les gains de cette opération seront investis dans le rachat des parts de son associé Bénard et dans l'imprimerie. En  mai 1852, le préfet de Police reconnaît "une intelligence supérieure et une belle position de fortune" à celui qu'il considère comme "l'un des premiers industriels de France".
Il est nommé chevalier de la Légion d'honneur le  28 avril 1847 et promu officier le  20 octobre 1878. Il a aussi reçu de nombreuses décorations étrangères.  Il meurt le 1er janvier 1887.

 

Informations professionnelles: 

Issu d'un milieu modeste où domine le métier de vannier pratiqué par son grand-père et son père, il devient également vannier dès l'âge de 15 ans. Il découvre rapidement la lithographie et entre en apprentissage chez Langlumé comme "homme de peine". Il y travaille de 1822 à 1825, puis devient contremaître quelques mois chez la demoiselle Formentin, avant d'entrer chez  Knecht dans l'imprimerie fondée par Senefelder.
Après cette formation à la presse, il achète, en 1828, le brevet d'Alexandre Cheyère et s'installe 2, rue Pierre Sarrazin avec une seule presse. En janvier, il déménage pour un atelier plus grand, au 55, rue du Four. Le 25 septembre 1851, il  avise la direction de la Librairie  qu'il est devenu propriétaire  de l'imprimerie lithographique Veuve Aubert et cie, à la suite de la mort de Marie Aubert, puis demande à pouvoir utiliser le local pendant 3 mois, le temps d'incorporer presses et pierres de dessins non politiques ; il s'installera plus tard  au 57, rue de Seine, où il fondera l'imprimerie Lemercier et cie. En 1849, il possède 75 presses et emploie 120 ouvriers, en 1852,  plus de 80 presses pour 180 ouvriers. Pour pouvoir utiliser ses presses en taille-douce, il demande un brevet qu'il obtient le 3 juillet 1852 ; une autorisation de vente lui est aussi accordée en 1852 pour vendre les grands ouvrages qu'il veut imprimer (Le Moyen Âge et la Renaissance).
En 1837, il  forme avec l'imprimeur lithographe breveté Jean François Bénard la société Lemercier, Bénard et cie, qui émet 1 000 actions de 500 F  ; avec ses 60 presses, ses 10 000 pierres auxquelles s'ajoutent les 30 000 appartenant à des éditeurs, la réunion des deux entreprises est évaluée à 400 000 F. Cependant la société est dissoute en janvier 1843 et Lemercier rachète toutes les parts de Bénard. Ses deux fils étant morts en bas âge, il choisit, en 1862,  de s'associer son neveu Alfred à qui il va confier progressivement la direction de l'imprimerie. En 1865, Lemercier et son neveu s'associent avec le marchand et éditeur d'estampes Jules André Basset, puis, en 1877, avec le représentant des Papeteries du Marais, Lucien West.
L'imprimerie a connu une croissance rapide, soutenue, en l'absence de capitaux personnels, par un financement extérieur dont on ignore la source exacte. Elle est, entre 1850 et 1870, la plus grosse entreprise lithographique parisienne. Son déclin s'amorce après 1871 et s'accélère après 1887. La mode (illustrations de revues, catalogues de grands magasins, modèles, publicités) représente 40% de la production totale ; en plein essor après 1850, elle devance alors l'imagerie religieuse, les portraits et scènes de genre et, plus minoritaires, la musique, l'architecture... Si l'imprimerie Lemercier est en phase avec le développement de la grande consommation et en tire sa prospérité sous le second Empire, elle ne fait pas de travaux de ville. Elle travaille pour des éditeurs d'estampes (Bouasse-Lebel, Desgodets pour l'imagerie religieuse ; Bulla pour les portraits et les événements politiques, dont les Épisodes de la guerre d'Orient et les Batailles et combats  de la guerre d'indépendance de l'Italie, dus à Gustave Doré), de revues, des couvertures chromolithographiées de livres pour enfants (édités par Bédelet, Belin), de livres illustrés (Michel Lévy pour la Mission en Phénicie d'Ernest Renan, Hachette pour les Voyages au Soudan oriental...de Pierre Trémaux , Gide et Baudry pour le Voyage dans la péninsule arabique et le Serapeum de Memphis, Mame pour La Touraine, histoire et monuments ou Charlemagne d'Alphonse Vétault...) ; pour ces derniers, Lemercier réalise des illustrations de très grande qualité, pour une grande part en chromolithographie, comme pour Le Moyen Âge et la Renaissance, ouvrage vendu en fascicules et par souscription, dirigé par Paul Lacroix, seule entreprise pour laquelle il se fait co-éditeur. La chromolithographie étant particulièrement apte à rendre les aplats colorés des enluminures et des vitraux, Lemercier imprime aussi des livres religieux illustrés, notamment pour Curmer, mais aussi des livres pour enfants de l'éditeur Bédelet, des livres scientifiques pour Baillière, Doin, Alcan, Masson...
Il prend un brevet avec le peintre Jean-Louis Tirpenne pour imprimer par la lithographie des cahiers d'entrainement au dessin ; avec Firmin Louis Thierry un brevet pour imprimer tissus et papiers peints grâce à une pierre gravée à l'acide ; avec Marie Elisabeth Blavot, veuve Cavé de nouvelles méthodes de dessin. Toutefois, là où il est le plus novateur, c'est dans son utilisation du procédé Poitevin pour réaliser des lithophotographies ; on attend beaucoup  de la précision et du réalisme de ces impressions utilisant directement un cliché photographique pour la reproduction, notamment, des oeuvres d'art et autres fac-similés (Géographie de Ptolémée, édité par Didot, 1867) ; les résultats obtenus sont parfois décevants et les éditeurs choisissent souvent de mêler dans un même ouvrage (Serapeum, fin des Voyages pittoresques et romantiques dans l'ancienne France) lithographies et lithophotographies. Àla fin du siècle, la publicité de l'imprimerie met toujours en avant ses "travaux artistiques de grand luxe", tout en proposant  ses" travaux de commerce" grâce à un choix de procédés :"lithographie, chromolithographie, héliogravure, photogravure, taille-douce"3.
Très actif auprès de la Société d'encouragement à qui il prête ses presses pour de nombreux tests d'inventions proposées par des confrères, dès 1831, il  est distingué par la Société et reçoit une médaillle d'argent  pour la conservation des dessins sur pierre, une médaille d'or pour la fabrication d'encres et de crayons lithographiques et pour son noir d'impression ; la médaille d'or de 1847 récompense l'ensemble de ses améliorations apportées au procédé lithographique depuis 1832. Présent à toutes les grandes expositions françaises et étrangères (Londres en 1851 et 1862, Paris en 1855 et 1867, Vienne en 1869 et 1873, Porto en 1865, Rome en 1870, Russie en 1872) il y glane médailles d'or, d'argent ou d'honneur. Il préside la Chambre des imprimeurs lithographes de Paris entre 1876 et 1885.
Préparant une liste de membres de la commission chargée de réfléchir en avril 1848 aux réformes  de l'imprimerie, la direction de la Librairie écrit :  "Il a toujours été d'idées avancées et ce choix ne peut faire de doute. Il accepterait avec empressement". Le 26 mars 1848, une délégation de ses ouvriers a apporté au secrétaire général du Gouvernement  une somme de  566 F en soutien à la jeune République, augmentée de 100  F venant de Lemercier lui-même. Il est condamné le 12 juillet 1850 à 3 000  F d'amende (ramenée ensuite à 300 F) pour une production socialiste, La fraternité,  où manquait dans l'adresse la mention de la ville.
À sa mort en 1887, son neveu Alfred (1831-1900), qui a été apprenti, essayeur, puis contremaître dans cette imprimerie et qu 'il a désigné comme son légataire universel, lui succède jusqu'en 1900. Formé dans l'atelier du peintre et illustrateur Gigoux, il est le président-fondateur de la Société des artistes lithographes, ce qui renforce ses liens avec le milieu artistique. L'imprimerie tire alors une partie de son activité des affiches artistiques. Elle imprimera l'affiche de Gismonda dessinée par Mucha pour Sarah Bernhardt, mais l'affaire se terminera par un procès, et les affiches des spectacles suivants seront imprimées par Champenois. Henri Boutet (Salon des Cent, 1895), Jules Chéret, Orazi dessineront quelques-unes de ces affiches fin-de-siècle.Toutefois, l'imprimerie n'est plus si florissante et Alfred Lemercier qui s'est associé en 1887 avec son fils Léon, doit, en 1891, déposer son bilan.

 

Associés: 
Bibliographie Sources: 

Archives Nationales F18 1792
Archives Nationales,  LH/1579/32,  Base Leonore, www2.culture.gouv.fr/LH/LH129/PG/FRDAFAN83_OL1579032v001.htm

INPI, 1 BA 7672   Nouvelle méthode élémentaire et progressive applicable à l'enseignement du dessin, 1839.
          1 BA 8318  Nouveau mode d'impression des tissus ou de papiers peints, veloutés, dorés, etc., 1839.
          1 BB 13399  Procédé de photographie lithographique, 1852. (en association avec l'opticien Lerebours et le chimiste Barreswil)
          1 BB 46060  Modèle vérificateur de dessin, 1860.
          1 BB 51439   Méthode de dessin dite exercices et modèles de dessins vérificateurs multiples, 1861.      http://bases-brevets19e.inpi.fr

  La lithographie française de 1796 à 1896 et les arts qui s'y rattachent : manuel pratique s'adressant aux artistes et aux imprimeurs / par Alfred Lemercier,..., Paris, 1896.

Annales de l'imprimerie, 1851, p. 150-151.

Bouquin (Corinne), Recherches sur l'imprimerie lithographique parisienne au XIXe siècle. L'imprimerie Lemercier (1803-1901), thèse pour le doctorat, université de Paris-I, 1993.
Bouquin (Corinne), "Influence des relations  entre éditeurs et imprimeurs lithographes dans la génèse de l'illustration des livres au XIXe siècle", dans Le livre et l'historien. Études offertes en l'honneur du professeur Henri-Jean Martin, Genève, Droz, 1997, p. 723-742.
Rebolledo-Dhuin (Vieira), Du livre à la finance, Paris, CTHS, 2019, p. 227-232.
Rosen (Jeffrey), Lemercier et cie : photolithography and the industrialization of print production in France (1837-1859), Evanston (Ill.), Northwesrern University, 1988.

Remarques: 
Pour sa thèse, Corinne Bouquin a constitué une base de données à partir de 6 200 lithographies, conservées en majorité au Cabinet des estampes de la Bibliothèque nationale de France, afin d'étudier la production de l'imprimerie Lemercier.