Partie 4
Méthodes d’évaluation et de conservation
Introduction204
Parmi le très large éventail de sujets de recherche abordés par la deuxième phase du projet InterPARES, l’évaluation et la conservation des documents sont considérées par beaucoup comme le cœur de la profession d’archiviste. L’évaluation est cette fonction clé par laquelle la décision de l’archiviste détermine quels documents primaires seront disponibles dans le futur pour soutenir des procédures légales, la recherche historique, la généalogie – questions d’identité, de culture, d’histoire et de droits.
Quant aux décisions de conservation, elles peuvent garantir la survie sur le long terme des documents sélectionnés ou, tout au contraire, les conserver d’une manière qui leur enlève toute crédibilité ou toute utilité futures ou encore les détruire par erreur ou omission, annulant ainsi les effets de l’évaluation.
Contexte et mission
En dépit de l’importance de l’évaluation et de la conservation pour les archivistes, le thème 3 semble avoir eu plus de difficultés que les autres à définir le périmètre de ses activités et à se fixer un plan de travail. La proposition de recherche initiale prévoyait que l’unité de recherche thématique 3 commencerait par travailler en s’appuyant sur deux outils élaborés par InterPARES 1. Dans un premier temps, elle devait fusionner le Model of Selection Function205, de l’équipe Évaluation, et le Model of Preservation Function206, de l’équipe Conservation, avec le modèle Manage Archival Funds207 élaboré dans le cadre du projet UBC-MAS. Le « grand modèle unifié », comme il avait été initialement baptisé, qui en aurait résulté, aurait représenté le cycle de vie complet du document d’archives, depuis sa production initiale par le producteur jusqu’à sa conservation et son accès sur le long terme, une fois versé au service d’archives compétent. Le modèle achevé, des expériences de prototypage auraient été conduites afin de montrer comment les fonctions décrites dans le modèle pourraient être intégrées à des applications logicielles.
Du point de vue de l’organisation de l’équipe, il s’est révélé difficile de faire travailler ensemble les modélisateurs aguerris qui avaient participé à InterPARES 1 et poursuivaient en fait un travail initié en 1999, et les nouvelles recrues d’InterPARES 2, dont beaucoup ne connaissaient pas grand chose aux activités archivistiques ni aux subtilités de la méthodologie de modélisation adoptée par le projet. Ce problème a été résolu en juin 2003, avec la constitution d’une unité de recherche distincte, l’équipe transversale Modélisation. La décision prise en février 2004 de créer un modèle supplémentaire reposant sur le concept de records continuum et non sur celui de cycle de vie a éloigné un peu plus les chercheurs du thème 3 des travaux de modélisation208.
Les chercheurs du thème 3 ont également renoncé à l’idée d’utiliser, comme cela avait été envisagé, les études de cas d’InterPARES 1 pour valider les modèles d’InterPARES 1 préalablement à toute activité de prototypage de système. Les modifications à apporter aux modèles d’origine d’InterPARES 1 pour créer le modèle de Chaîne archivistique (Chain of Preservation, COP) indiquaient que les deux modèles originaux étaient trop dépassés pour être utiles aux travaux actuels. Quant au modèle d’Archivage orienté métier (Business-driven Recordkeeping, BDR), aucune analyse ne pouvait être engagée tant qu’il n’était pas achevé, ce qui, étant donné son lancement tardif, ne pourrait intervenir que plus tard dans le projet.
En outre, alors que les études de cas d’InterPARES 2 étaient en cours de sélection, il est apparu que les études de cas d’InterPARES 1 ne pouvaient être utilisées pour engager, en attendant, les travaux du thème 3. Les environnements d’archivage envisagés pour les travaux d’InterPARES 2 étaient en effet totalement différents de ceux étudiés dans InterPARES 1, même pour la sphère de l’administration. Comme pour le groupe de modélisation, seul un nombre réduit de membres du thème 3 avait participé à InterPARES 1 et connaissait bien les études de cas antérieures. Il est rapidement apparu que la « mise à niveau » de l’équipe exigerait un travail considérable, tout en ne présentant que peu d’intérêt scientifique relativement aux systèmes dynamiques, interactifs et expérientiels étudiés par InterPARES 2.
Au moment où le rapport de mi-parcours était diffusé au printemps 2004209, il ne restait quasiment plus rien au thème 3 de sa feuille de route initiale :
… les activités planifiées au départ pour les deux premières années de travail des équipes thématiques 1 et 3 ont été réaffectées à une nouvelle unité de recherche, l’équipe transversale Modélisation210...
Quant aux outils et documents que devait produire l’équipe - « prototypes de systèmes d’évaluation et de conservation, modèles d’activité, et principes directeurs à l’usage des services et organismes en charge de la conservation des documents sur long terme211 » -, seul le concept de principes directeurs a été maintenu.
Enfin, l’équipe thématique 3 s’est heurtée à une dernière difficulté. Malgré le nombre élevé de participants, le projet ne comptait qu’une poignée d’archivistes. Il y avait neuf groupes de travail212, regroupés en trois unités de recherche sectorielles ou en trois unités de recherche thématiques et quatre unités de recherche transversales, qui requéraient la participation d’archivistes expérimentés – petits et grands services d’archives, entreprises et organismes publics, institutions indépendantes et institutions rattachées à de grandes organisations, et des archivistes ayant une bonne connaissance des documents du secteur public et du secteur privé, et des domaines artistiques, scientifiques et de l’administration. Enfin, les vingt-trois études de cas et les onze études générales requerraient également la participation d’archivistes. De fait, les archivistes n’étaient pas en nombre suffisant et ce problème a été exacerbé par la difficulté de certaines institutions archivistiques participantes à maintenir une représentation constante tout au long du projet.
Au printemps 2005, alors que plusieurs études de cas et études générales étaient achevées et qu’il ne manquait plus au modèle de Chaîne archivistique que son document de présentation, les membres du thème 3 ont fini par admettre que, dans InterPARES 2 comme dans la vie, l’évaluation et la conservation viennent en dernier. L’heure était venue pour le thème 3 de commencer son travail.
La proposition de recherche d’InterPARES 2 contenait une description de la fonction d’évaluation, insistant sur les différences entre l’évaluation de documents d’archives numériques et l’évaluation de documents papier :
L’évaluation juge de la valeur continue des documents, mais elle rassemble également des preuves pour la présomption de leur authenticité et identifie les composants ou les objets numériques qui doivent être stockés et reproduits en vue de garantir la conservation de documents authentiques. L’évaluation détermine également la faisabilité de la conservation d’un ensemble donné de documents électroniques en fonction des capacités de conservation actuelles et futures du service d’archives compétent213.
Cette définition reflète les conclusions d’InterPARES 1, qui avaient mis en lumière la nécessité de repenser la méthodologie traditionnelle d’évaluation afin de prendre en compte les spécificités de l’environnement numérique, et ce, à trois égards.
Premièrement, étant donné la facilité avec laquelle les documents numériques peuvent être endommages ou modifiés, il est indispensable de documenter les preuves à l’appui de l’authenticité des documents. Avec les documents analogiques, l’authenticité est souvent présumée, en particulier lorsque les documents sont acquis directement auprès du producteur, puisque dans ce cas la provenance est connue et que la chaîne archivistique est ininterrompue du producteur à l’institution en charge de la conservation.
Deuxièmement, la définition ci-dessus insiste sur le concept de « composants numériques », les divers morceaux qui doivent être identifiés et préservés pour reproduire le document complet. Avec les documents analogiques, dans la grande majorité des cas, le contenu du document et sa structure ne peuvent être modifiés ou séparés du support – les différents composants du document sont inextricablement liés. De nombreuses informations sur le contexte de production du document peuvent également être intégrées à ce tout immuable, notamment en portant sur le document des numéros de dossiers ou des cotes, et par la présence ou l’absence de caractères de forme.
Il y a, enfin, le fait que des options de conservation complexes doivent désormais être évaluées et leur coût estimé avant qu’un service ou une institution de conservation ne puisse s’engager de manière réaliste à conserver des documents numériques sur le long terme. L’éventail des politiques de conservation numérique va bien au-delà de l’adoption de dossiers et de boîtes en carton neutre, même si l’évolution des documents analogiques n’est pas allée sans un cortège de formats de plus en plus difficiles à préserver – du papier acide aux négatifs et aux pellicules contenant des nitrates, en passant par le papier thermique pour fax et les bandes magnétiques audio.
En tant qu’unité de recherche en charge d’explorer les méthodes d’évaluation et de conservation des documents d’archives numériques, il a été demandé à l’équipe du thème 3 d’évaluer si les concepts développés par l’équipe Évaluation et par l’équipe Conservation d’InterPARES 1 pouvaient être pertinents pour les environnements numériques étudiés par InterPARES 2. Ces environnements dynamiques, interactifs et/ou expérientiels sont en effet susceptibles de produire des documents sans équivalent évident dans l’univers papier.
Le rapport final de l’équipe Évaluation d’InterPARES 1 avançait un certain nombre de suggestions concernant la pratique de l’évaluation en environnement numérique214. À partir de l’analyse d’études de cas portant pour l’essentiel sur des bases de données et des systèmes de gestion électronique des documents et des documents d’archives, et sur la base d’un modèle de la fonction d’évaluation, l’équipe Évaluation est parvenue aux conclusions suivantes :
- Il est préférable de conduire l’évaluation des documents numériques lorsque ceux-ci sont toujours utilisés par leur producteur. L’évaluation des documents numériques au cours des premières phases de leur cycle de vie permet à l’archiviste de disposer d’informations plus complètes sur le rôle opérationnel des documents dans l’organisation du producteur et fournit des informations techniques sur la façon dont l’application crée et maintient les archives courantes et intermédiaires. On est en droit d’espérer que l’identification précoce des documents présentant une valeur archivistique améliorera leurs chances de ne pas être détruits de manière accidentelle ou de ne pas sombrer dans une obsolescence technologique irrémédiable.
- La nature du support des documents a une incidence sur le processus d’évaluation mais non sur l’évaluation en tant que telle. L’identification formelle d’indicateurs d’authenticité215, l’évaluation des politiques de conservation et le contrôle régulier des résultats de l’évaluation constituent de nouvelles tâches ou des tâches élargies du processus d’évaluation.
- Effectuer un suivi de la décision découlant de l’évaluation pour confirmer la valeur archivistique des documents sélectionnés est indispensable dans l’environnement numérique. L’idée que les décisions de conservation doivent être réexaminées à intervalles réguliers se justifie d’autant plus lorsque les évaluations sont conduites, comme suggéré plus haut, très en amont du versement des archives définitives à l’institution de conservation compétente, et aussi pour suivre le rythme du changement technologique.
- Les informations réunies au cours de l’évaluation doivent être « empaquetées » et transmises pour aider au suivi, au versement, au traitement, à la description, à la conservation et à l’exploitation future des documents. L’automatisation de tous les aspects du travail archivistique, y compris l’évaluation, facilitera grandement cette réutilisation continue, dans des phases ultérieures, d’informations réunies au cours du processus d’évaluation.
S’appuyant sur une méthodologie similaire, l’équipe Conservation d’InterPARES 1 présentait les conclusions suivantes dans son rapport final216 :
- Il n’est pas possible de conserver un document numérique : seule la capacité de le reproduire peut être conservée. À l’instar des conclusions relatives à l’évaluation, ce constat souligne l’importance de la notion de « composants » dès lors qu’il est question de documents numériques. Cette notion n’est pas absente des technologies analogiques – on pense par exemple au négatif et au tirage en photographie, ou au négatif et à l’image positive, la bande sonore optique et/ou magnétique, la copie composite et les chutes dans le domaine de l’image animée. Avec les documents numériques, ce système de composants acquiert une complexité inédite, qui exige d’être particulièrement attentif aux multiples dépendances pouvant être occasionnées par le matériel, les systèmes d’exploitation et les logiciels.
- Les composants intellectuels et physiques des documents numériques ne coïncident pas nécessairement ; un composant numérique est distinct d’un élément de forme. Par exemple, le contenu d’un document peut comporter à la fois du texte contenu dans un fichier de traitement de texte et un tableau produit par un tableur. Techniquement, le fichier peut ne contenir qu’un lien vers le fichier du tableau, dont l’affichage peut lui-même dépendre du tableur plutôt que du logiciel de traitement de texte.
- Moyen privilégié de protéger et d’évaluer l’authenticité des documents sur le long terme, le processus d’évaluation doit être précisément documenté. Dans la mesure où le processus de conservation débute avec la production des documents, la responsabilité de cette documentation revient tant au producteur qu’au service en charge de leur conservation. Par le passé, la stabilité de la plupart des formes de documents analogiques permettait souvent au producteur de se désintéresser du sort de ses documents jusqu’au versement des archives définitives au service ou à l’institution en charge de leur conservation.
Lorsque les chercheurs d’InterPARES 2 ont élaboré les différentes méthodes de recherche qui seraient utilisées pendant le projet, l’idée était de déterminer si les études de cas, les travaux de modélisation ou les enquêtes d’InterPARES 2 révéleraient des théories ou des pratiques en décalage avec les recommandations d’InterPARES 1. Dans l’ensemble, les conclusions d’InterPARES 1, établies à partir de l’étude de grandes bases de données et d’applications de gestion des documents, n’étaient pas en rupture avec les connaissances et les pratiques archivistiques existantes. Il est apparu que ces bases de données et ces applications produisaient, pour l’essentiel, des représentations numériques de types de documents établis de longue date dans les environnements d’archivage papier, comme les dossiers et les documents textuels. L’étude de formes plus novatrices de documents numériques par les chercheurs d’InterPARES 2 suggérerait-elle la nécessité de nouveaux critères d’évaluation, ou l’ajout d’étapes aux pratiques d’évaluation actuelles, ou encore l’élaboration de nouvelles politiques ou pratiques de conservation ?
L’équipe de recherche
On trouvera ci-dessous la liste des chercheurs et des assistants de recherche ayant participé à l’équipe thématique 3 au cours du projet217 :
Présidents et co-présidents :
Yvette Hackett et Sally Hubbard, Juin 2005 – Déc. 2006 (Co-présidentes)
Hans Hofman et Sally Hubbard, Fév. 2004 - Juin 2005 (Co-présidents)
Kenneth Thibodeau, Janvier 2002 – Déc. 2003 (Président)
Chercheurs :
Howard Besser, New York University, États-Unis, Groupe de travail 3.1
Ann Butler, New York University, États-Unis, Groupe de travail 3.1
Kevin Glick, Yale University, États-Unis, Groupe de travail 3.2
Elaine Goh, National Archives of Singapore, Groupe de travail 3.3
Yvette Hackett, Library and Archives Canada, Groupe de travail 3.1
Babak Hamidzadeh, Library of Congress, États-Unis, Groupe de travail 3.2
P.C. Hariharan, Systems Engineering & Security, Inc., États-Unis, Groupe de travail 3.2
Ken Hawkins, National Archives and Records Administration, États-Unis, Groupe de travail 3.3
Hans Hofman, Archives nationales des Pays-Bas, Groupe de travail 3.3
Sally Hubbard, Getty Institute, États-Unis, Groupe de travail 3.1
Mary Ide, WGBH, États-Unis, Groupe de travail 3.1
Randal Luckow, Turner Broadcasting, États-Unis, Groupe de travail 3.1
Richard Marciano, San Diego Supercomputer Center, États-Unis, Groupe de travail 3.3
Evelyn McLellan, Insurance Corporation of British Columbia, Canada, Groupe de travail 3.3
Reagan Moore, San Diego Supercomputer Center, États-Unis, Groupe de travail 3.2
Isabella Orefice, Associazione Nazionale Archivistica Italiana, Groupe de travail 3.1
Jim Suderman, Archives of Ontario, Canada, Groupe de travail 3.3
Kenneth Thibodeau, National Archives and Records Administration, États-Unis, Groupe de travail 3.3
James Turner, Université de Montréal, Canada, Groupe de travail 3.1
Assistants de recherche :
Tom Anderson, The University of British Columbia, Canada
Patsy Baudoin, Simmons College, États-Unis
Carolyn Casenas, The University of British Columbia, Canada
Natalie Catto, The University of British Columbia, Canada
Alan Doyle, The University of British Columbia, Canada
Adam Farrell, The University of British Columbia, Canada
Fiorella Foscarini, The University of British Columbia, Canada
Peggy Heger, The University of British Columbia, Canada
Tracey Krause, The University of British Columbia, Canada
Karen Langley, The University of British Columbia, Canada
Catherine Miller, The University of British Columbia, Canada
Luke Meagher, The University of British Columbia, Canada
Jennifer Meehan, The University of British Columbia, Canada
Shaunna Moore, The University of British Columbia, Canada
Elisheba Muturi, The University of British Columbia, Canada
Carolyn Petrie, The University of British Columbia, Canada
Brian Trembath, The University of British Columbia, Canada
Sherry Xie, The University of British Columbia, Canada
Questionnaire de recherche
Les quatre questions de recherche auxquelles il était prévu que réponde le thème 3 étaient définies comme suit dans la proposition de recherche initiale :
- 1. Les concepts, méthodes et modèles d’évaluation élaborés par InterPARES 1 pour les documents administratifs et juridiques produits dans des bases de données et des systèmes de gestion des documents s’appliquent-ils à l’évaluation des documents d’activités artistiques, scientifiques et administratives résultant de l’utilisation des technologies examinées par InterPARES 2 ?
- 2. Les concepts, méthodes et modèles de conservation élaborés par InterPARES 1 pour les documents administratifs et juridiques produits dans des bases de données et des systèmes de gestion des documents s’appliquent-ils à la conservation des documents d’activités artistiques, scientifiques et administratives résultant de l’utilisation des technologies examinées par InterPARES 2 ?
- 3. Quels paradigmes de conservation peuvent être appliqués à toutes les activités et toutes les technologies ? Quels paradigmes de conservation sont requis pour les types particuliers de documents résultant de chaque activité ?
- 4. Quelles métadonnées sont nécessaires pour soutenir l’évaluation et la conservation de documents numériques authentiques résultant de chaque activité ?
Comme cela a déjà été indiqué, les analyses envisagées pour la question 1 et la question 2 ont été transférées à l’équipe transversale Modélisation. Toutefois, il demeurait dans les attributions des chercheurs de l’équipe thématique 3 d’identifier toute modification des activités d’évaluation et/ou de conservation qui pourrait être nécessaire dans les environnements explorés par les études de cas d’InterPARES 2, par rapport aux environnements bureaucratiques plus traditionnels ciblés par InterPARES 1. Il convenait en particulier de déterminer si les procédures d’évaluation ou de conservation devraient faire l’objet d’ajustements ou d’évolutions afin de prendre en charge les technologies numériques, par-delà ceux déjà identifiés par InterPARES 1.
Le changement de paradigme observé lors des recherches d’InterPARES 1 s’est traduit par une évolution du vocabulaire de la conservation numérique, le concept de conservation du « document d’archives » cédant la place à la reconnaissance de l’importance de l’identification et de la conservation des « composants numériques » et de leurs relations. Il était particulièrement important de déterminer si l’utilisation de systèmes interactifs, expérientiels ou dynamiques exigerait une évolution du même ordre de la façon dont les archivistes envisagent leur métier.
Enfin, on a jugé que la réponse à la quatrième question découlerait naturellement de l’examen des études de cas par les archivistes. Si ces derniers se trouvaient dans l’impossibilité d’évaluer les documents des études de cas ou de définir une politique de conservation adaptée, cela tendrait à indiquer que les métadonnées étaient insuffisantes et, partant, qu’il convenait de définir le type de métadonnées requises.
[...]
Conclusions
L’analyse des études de cas et des études générales indique que les producteurs sont encore trop nombreux à négliger la conservation sur le long terme de leurs fichiers numériques, qu’il s’agisse de documents statiques, dynamiques, probants, expérientiels, interactifs ou patrimoniaux. Du fait de la diversité et de l’ampleur des études de cas et des études générales, tous les types d’approches et d’attitudes ou presque ont été observés au moins une fois. Cependant, on peut établir certaines distinctions entre d’une part les particuliers et les petites organisations, et d’autre part les grandes entreprises et les organismes et services publics. Les études de cas d’InterPARES 2 conduites dans la sphère de l’administration ont débouché sur des conclusions similaires à celles d’InterPARES 1, révélant chez les acteurs du domaine une sensibilisation et une connaissance des bonnes pratiques de production et de maintenance des documents d’archives, papier ou électroniques, bien supérieures à celles observées dans les autres domaines. À la différence des particuliers et des petites organisations, les grandes institutions disposent aussi généralement de systèmes d’archivage papier, vers lesquels elles peuvent se tourner pour identifier l’exemplaire papier faisant autorité et l’intégrer au système de gestion des documents analogiques. Les sites web, toutefois, échappent à cette pratique ; petites et grandes organisations les traitent souvent comme des objets éphémères, en ce sens qu’aucune mesure ou presque n’est prise pour en conserver des versions fixes ; cela étant, un certain nombre d’organisations considèrent les sites web soit comme un « système d’archivage218 » soit comme un site patrimonial où préserver leur travail219.
En ce qui concerne les individus et les petites organisations, les pratiques de conservation sont inexistantes ou presque, de même que toute politique de maintenance, ne serait-ce qu’élémentaire220. Dans de nombreux cas, lorsque des procédures de maintenance existaient, elles étaient davantage le fruit d’un heureux hasard que d’un acte délibéré de conservation. La politique la plus utilisée est à n’en pas douter celle de la « redondance », qui consiste à faire une copie du document ailleurs que sur l’ordinateur du producteur ou le disque dur du serveur. Dans les grandes organisations, les sauvegardes régulières réalisées par le personnel informatique étaient et sont désormais pratique courante221. Quant aux petites organisations et aux individus, une forme ou une autre de sauvegarde était souvent mentionnée222. La disparition de l’ancien concept DOS de formats de « sauvegarde », qui étaient très sensibles aux mises à jour du système d’exploitation, constitue à cet égard un progrès indéniable. Les coûts de stockage diminuant, davantage de copies sont des copies de base, c’est-à-dire des copies sauvegardées dans le format de fichier dans lequel les documents ont été produits à l’origine, ou dans lequel ils ont été utilisés et sauvegardés pour la dernière fois, les rendant ainsi (théoriquement) plus facilement lisibles par l’être humain dans l’environnement de travail habituel du producteur. La structure des répertoires et les noms des fichiers sont immédiatement accessibles sans qu’il soit nécessaire de décompresser pour rouvrir la copie de sauvegarde ou de protection, souvent compressée. Dans le cas de fichiers informatiques très lourds, cependant, il n’est pas exclu que la compression interdise cette simplification.
Ces copies redondantes étaient également, dans certains cas, stockées sur des sites distants. L’exemple le plus complet de cette démarche est l’étude de cas consacrée au Système de dépôt électronique (EFS) de la Cour suprême de Singapour, dont le rapport indique :
Il y a deux sauvegardes des données, l’une quotidienne, l’autre hebdomadaire. Elles sont conservées sur un site distant afin de garantir la restauration complète des données en cas de défaillance du système. Par exemple, chaque fois qu’un document est versé par un cabinet juridique, les documents sont stockés sur trois disques. Le premier disque réside de façon permanente dans le juke-box pour faciliter l’accès en ligne aux informations. Le deuxième disque est transféré sur un site de stockage distant en fin de semaine et le troisième disque est déplacé sur un site distant lorsqu’il est plein223.
Dans certains cas, les copies redondantes étaient conservées au domicile du producteur et à son bureau224, ni l’un ni l’autre lieu n’offrant des conditions climatiques – température, hydrométrie, pollution de l’air – stables. Qui plus est, bien que ce type de politique « informelle » de stockage réparti offre effectivement une protection accrue contre le vandalisme, le vol ou l’incendie, elle se révélerait sans doute de peu d’utilité en cas de catastrophe plus importante, tremblement de terre ou inondation par exemple225. Hormis la récupération des données offerte par ces procédures rudimentaires de sauvegardes sélectives de données ou de fichiers226, il n’existait quasiment aucun plan de prévention et de gestion des catastrophes chez les producteurs227.
Certaines études de cas et études générales ont également confirmé ce que les chercheurs du thème 3 savaient déjà par expérience. La plupart des producteurs ne vont pas au-delà d’une maîtrise et d’une utilisation rudimentaires des technologies qu’ils doivent utiliser. Peu d’utilisateurs deviennent experts ou apprennent à évaluer les implications des choix de configuration, des additifs développés par des tierces parties, ou des fonctionnalités pertinentes dans l’environnement informatique qu’ils ont choisi228 pour la conservation des documents sur le long terme.
Les chercheurs du thème 3 ont noté que, dans le domaine artistique tout particulièrement, le matériel, et notamment les périphériques, peut jouer un rôle essentiel dans la reproduction exacte et authentique d’une œuvre d’art229 par exemple. Toutefois, cette dépendance vis-à-vis d’un matériel informatique donné peut empêcher toute conservation, en particulier si la responsabilité de la conservation est transférée à un archiviste tiers de confiance qui n’a pas accès au matériel requis et/ou pas la capacité ou les ressources pour le maintenir. Les chercheurs du thème 2 ont donc recommandé que les producteurs s’efforcent dans la mesure du possible d’ « éliminer toute dépendance à l’égard du matériel informatique en transférant les fonctionnalités de celui-ci à un logiciel (c’est-à-dire en utilisant une application logicielle qui simule les actions d’une partie du matériel » [car] « ceci constitue une manière plus stable de conserver les fonctions lorsque les matériels deviennent obsolètes. »230
Les chercheurs ont également noté que plusieurs producteurs se désintéressent purement et simplement de la conservation de leurs documents, pour diverses raisons. Dans certains cas, les producteurs (en particulier dans la sphère artistique mais également dans la sphère scientifique) ont indiqué qu’il serait plus facile et moins coûteux de recréer plus tard certains types de contenus sous forme numérique que d’essayer de garder et de convertir ou de fournir une plate-forme d’émulation pour des documents très spécialisés. C’est ce qu’illustre le passage ci-dessous, tiré de l’étude de cas n° 9(3) (Studio de films publicitaires) du domaine artistique :
Dans la mesure où des changements importants de matériel et de logiciels sont généralement intervenus depuis que l’œuvre d’art a été créée, il est jugé plus économique dans l’environnement étudié de recréer l’œuvre si on doit la réutiliser, que de se lancer dans une démarche de migration ou de mise à niveau pour le cas où on serait amené à la réutiliser. Cette approche permet de limiter le temps, l’énergie et les moyens financiers consacrés à la conservation des objets numériques sur le long terme et d’éviter d’avoir à mettre en place des politiques de conservation qui répondent aux problèmes d’obsolescence du matériel et des logiciels231.
Ce point de vue fait écho à celui du producteur de l’étude de cas scientifique n° 14 (Documents archéologiques dans des systèmes d’information géographiques) qui, en réponse à une question sur les fichiers intermédiaires (par exemple, les algorithmes de coût surface) qu’il crée et leurs relations avec ses travaux sur le SIG, a indiqué :
Je n’accorde sans doute pas beaucoup de valeur à la plupart de ces documents intermédiaires, parce qu’ils sont faciles à recréer... Chaque fois que j’essaye d’apprendre à quelqu’un les rudiments du SIG, les gens me disent, voilà les données dont je dispose et voilà ce que je veux obtenir. Et la première [chose] que je leur [dis] toujours est que s’ils posent la question à dix personnes qui travaillent sur le SIG, ils obtiendront dix réponses différentes. Et comme chacune de ces façons de procéder produira des fichiers intermédiaires différents, il me semble que pour la plupart ils n’ont guère de valeur. Comme je l’ai dit, ils sont faciles à reproduire. Si je le veux, je peux toujours faire un autre fichier, si j’en perdais un ou s’il y avait un problème232.
Dans d’autres cas, certains artistes ne souhaitent pas que leur travail soit conservé sur le long terme si cela risque de compromettre certaines caractéristiques qu’ils considèrent comme fondamentales pour l’essence de leurs œuvres, ainsi du caractère éphémère et mouvant d’œuvres qui changent chaque fois qu’elles sont reproduites. C’est ce qu’illustre l’étude de cas n° 15 Waking Dream, consacrée à une performance multimédia. Une des interprètes et créatrices de l’œuvre, Takahashi Sachiyo, « considère Waking Dream comme une œuvre de performance définie par son rôle en tant que performeuse », conception qui, toujours selon elle, « exclut toute performance de l’œuvre sans elle [comme performeuse]233. » Selon cette interprétation, il serait impossible de « conserver » la capacité de reproduire l’œuvre ou, à tout le moins, une reproduction authentique de l’œuvre, après la mort du performeur.
Ces observations ont conduit les chercheurs d’InterPARES à continuer à explorer et affiner la distinction entre les documents numériques qui sont des œuvres ou documentent des représentations, et les objets numériques qui rendent possible la reproduction ultérieure d’une œuvre ou d’une performance – concept proche du « négatif » en photographie – ou fournissent des instructions concernant l’exécution d’une œuvre ou d’une performance – concept proche de la « partition » en musique -, à quoi il faut ajouter que ces documents instrumentaux et d’instructions joueront réellement un rôle actif ou instructif dans la représentation de l’œuvre ou de la performance. À la différence des documents d’instructions, qui « sont destinés à être lus par l’être humain et sont donc matérialisés en étant reproduits dans une forme lisible par l’être humain à partir de composants numériques stockés234 », une caractéristique clé des documents instrumentaux, que ce soit dans le domaine artistique235 ou le secteur manufacturier, où d’autres exemples ont été trouvés236, est qu’ils contiennent des instructions destinées à être exploitées par une machine et, par conséquent :
accomplissent leur finalité sous la forme numérique dans laquelle ils ont été stockés et, inversement, ne peuvent atteindre cet effet s’ils sont convertis dans un format lisible par l’être humain. En outre, tant qu’ils sont actifs, les documents instrumentaux doivent être maintenus dans les systèmes où ils ont été produits – ou dans des systèmes dotés de fonctionnalités identiques. Autrement, ils ne produiraient pas ou ne faciliteraient pas les interactions, expériences, performances ou autres processus qu’ils étaient destinés à générer237.
D’autres producteurs encore estiment qu’ils peuvent attendre pour prendre des mesures de conservation – ou s’en dispenser purement et simplement – parce qu’ils sont convaincus que l’industrie informatique sortira de son chapeau la solution requise, lorsqu’ils en auront besoin. « Faire confiance au fournisseur » est une stratégie qui peut fonctionner lorsqu’une technologie a été largement adoptée et qu’il existe sur le marché un produit équivalent vers lequel les clients pourraient se tourner. N’oublions pas pour autant que d’innombrables supports ont été abandonnés par les fabricants depuis les cartouches 8 pistes, quand bien même des milliers de consommateurs se voyaient contraints de migrer toutes leurs collections de musique ou de vidéo sur une nouvelle technologie.
Cette confiance en son prestataire, ou en l’industrie informatique en général, semble également être ce qui motive l’adoption de la technologie de la signature numérique en dépit des interrogations qui pèsent sur la pérennité de cette solution d’authenticité238. C’est d’ailleurs ce dont semble témoigner l’étude de cas consacrée à l’informatisation du livre foncier d’Alsace-Moselle. L’entité administrative dédiée chargée de superviser l’informatisation (et la numérisation) du livre foncier,
a l’obligation légale d’assurer la communication dans le temps des données du livre foncier et de garantir leur valeur probante, conformément à l’article 1316-1 du Code civil, quelles que soient les évolutions technologiques, [pourtant] [elle] n’a pas envisagé le problème de la maintenance des objets numériques, sauf via les mécanismes proposés par les fournisseurs du système au moment de la mise à niveau du système de gestion de la base de données. En outre, n’a pas été envisagé non plus le problème de la maintenance de la valeur probante des signatures numériques au fil de l’évolution technologique239.
D’autres producteurs encore se disent capables de « surveiller eux-mêmes » l’évolution des technologies et des normes influant sur la conservation des documents d’archives sur le long terme, et d’adapter leurs systèmes et leurs pratiques de conservation en conséquence, au rythme des évolutions technologiques. L’étude de cas sur le Système de dépôt en ligne de la Cour suprême de Singapour en offre une excellente illustration. Le producteur (la Cour suprême de Singapour) décrit sa démarche actuelle de conservation comme une tentative d’ « anticiper les nouvelles normes/technologies avant que la technologie en place ne devienne totalement obsolète », afin de se donner « suffisamment de temps pour migrer vers les nouvelles normes/technologies sans perdre de données240. » Bien que la veille technologique et l’adoption de mesures contre l’obsolescence du matériel et des logiciels soient au nombre des recommandations clés des Principes directeurs à l’usage des producteurs241, elles ne seront efficaces que si elles s’inscrivent dans un cadre intégré de politiques et de procédures. Malheureusement, il ne semble pas que ce soit le cas de la Cour suprême de Singapour, le rapport indiquant un peu plus loin que bien que « la Cour reconnaisse la nécessité de se préoccuper de la conservation sur le long terme des documents d’archives électroniques... aucune politique n’est actuellement en place parce que la Cour considère que le système est très répandu242. » La raison invoquée ici par le producteur pour différer l’élaboration d’une politique de conservation sur le long terme justifie l’inquiétude des chercheurs du thème 3 quant aux pratiques de conservation d’un grand nombre des producteurs étudiés. Cette attitude insouciante dénote une incompréhension fondamentale de la dimension temporelle du problème et du fait qu’une conservation sur le long terme efficace débute au moment de la production du document.
Les chercheurs du thème 3 ont observé que les technologies adoptées par les innovateurs, indépendamment de leur domaine d’activité, étaient propriétaires243 et souvent spécifiques. Dans de nombreux cas, le but du travail de ce type de producteurs est d’explorer, de tester et de repousser les limites des technologies existantes, qu’il s’agisse de matériel ou de logiciels. Dès lors, il ne saurait être question d’attendre l’adoption de normes internationales ou la diffusion de formats244 « ouverts ». Ces environnements nécessitent une grande interopérabilité245, à tout le moins jusqu’à ce que l’adoption à grande échelle de la technologie génère des normes, à supposer que cela arrive un jour. L’équipe transversale Stratégie et orientations indiquait dans son rapport final que « les mesures prises pour assurer l’interopérabilité des systèmes remplissent bon nombre des finalités de la conservation246. »
Beaucoup de scientifiques considèrent la publication d’un article dans une revue comme un moyen de conservation, plutôt que d’essayer de préserver les antécédents numériques ayant conduit à l’article publié. Ce point de vue a été exprimé par beaucoup de participants de l’étude générale sur les pratiques d’archivage électronique des archéologues utilisant un SIG lorsqu’il leur a été demandé quels étaient selon eux les éléments ou les résultats les plus importants de leurs projets de SIG à conserver à des fins d’utilisation ou de consultation ultérieures, et pourquoi. Comme l’indique le rapport final de l’étude, « pour de nombreux participants, la seule publication constitue une conservation sur le long terme suffisante de leurs travaux247. » À la lumière de ce constat, le rapport tire un peu plus loin la sonnette d’alarme :
En se concentrant sur la conservation des rapports finaux (et des types associés de documents, comme les articles publiés), au détriment d’une documentation plus complète des projets en cours, les archéologues courent le risque de ne pas conserver les types de documents qui permettront que les objectifs clés de la conservation, identifiés par les participants à l’enquête eux-mêmes, - à savoir, réutilisation, vérification, reproduction et justification des projets/données – soient effectivement atteints248.
Cette attitude n’est pas étrangère aux employés de l’administration qui privilégient parfois la conservation d’une étude, au détriment des données et recherches l’ayant nourrie. C’est notoirement insuffisant, dans la mesure où la perte de données dans une forme manipulable interdit de vérifier les résultats, est un obstacle à la duplication éventuelle de l’expérience de collecte des données et ampute les séries chronologiques d’une partie de leurs données. En outre, l’argument « publication » a perdu une grande part de sa pertinence avec le passage aux revues et aux rapports électroniques, puisqu’il est clair que la publication, même sous forme numérique, ne peut se substituer aux données originales. La nouvelle plate-forme numérique pour la conservation des revues électroniques a créé un environnement où les données associées peuvent tout à fait être préservées, si on le souhaite, et être rattachées à la publication.
Plusieurs entretiens conduits lors des études de cas montrent que, pour de nombreux producteurs d’objets numériques, « les mettre sur le Web » est un moyen d’assurer leur survie sur le long terme – comme on plaçait hier sa confiance dans la publication papier. Un point de vue pour le moins sujet à caution quand on sait qu’aucune organisation n’essaye même de conserver l’intégralité du Web et les millions de changements apportés toutes les secondes à son contenu249. Ces attitudes reflètent la conviction la plus répandue mise en lumière par les études de cas : la conservation numérique est « l’affaire de quelqu’un d’autre250. » Ce « quelqu’un d’autre » désigne aussi bien un individu donné – quelqu’un d’autre dans l’entreprise en est chargé – que quelqu’un d’autre en général – par exemple, une institution publique ou une autre organisation ou entité de recherche et ayant des ressources, qui s’en occupe sûrement.
Autre variation sur le même thème, la pratique qui consiste à transférer délibérément à quelqu’un d’autre la responsabilité de la maintenance et de la conservation sur le long terme. Un exemple nous en est offert par l’étude de cas sur le système de dépôt en ligne de la Cour suprême de Singapour, où, parce que la Cour suprême n’est pas certaine d’être en mesure de continuer à gérer l’infrastructure à clé publique qu’elle utilise pour émettre des certificats numériques destinés aux avocats, elle envisage d’externaliser la gestion de tout ce qui concerne l’infrastructure à clé publique à une autorité de certification agréée afin de se « défaire de la gestion de l’obsolescence technologique251 ».
Un autre motif couramment invoqué pour ne rien faire est le coût de la conservation. Mais ces prétendues préoccupations dissimulent en fait souvent en partie, particulièrement dans les organisations, un manque de volonté à apporter des réponses au problème de la conservation et une réticence à permettre aux individus qui s’en préoccupent d’accéder aux moyens de conservation. De nombreux scientifiques, en particulier, ont dénoncé le manque flagrant d’entrepôts adaptés à la conservation des données scientifiques. Par exemple, comme cela a été déjà été mentionné, de nombreux participants de l’étude générale sur les pratiques d’archivage électronique des archéologues utilisant un SIG ont laissé libre cours à leur frustration (et parfois, comme l’indique le rapport, à leur désespoir) quant au manque récurrent d’entrepôts appropriés à la conservation sur le long terme des données et documents archéologiques252. Un point de vue un peu différent a été exprimé par le producteur dans l’étude de cas sur l’Atlas cyber-cartographique de l’Antarctique, qui a indiqué que « par-delà des obligations scientifiques et professionnelles et la revue de leurs travaux par des pairs253, les producteurs n’ont guère le souci de les conserver, » suggérant par là que, dans de nombreux cas, les chercheurs sont tout aussi responsables du manque de volonté actuel de mener une politique de conservation efficace des données et des documents de la recherche scientifique sur le long terme. Pour faire évoluer les choses, il suggère d’inciter les « agences et organismes qui financent la recherche... à inclure la conservation dans leurs structures d’attribution et aussi... à apporter un support institutionnel et... à réclamer des plans d’action254. » Enfin, la réticence des individus comme des organisations, en particulier dans la sphère scientifique, à admettre leur rôle dans le cycle de la conservation tient en partie à la nature même des documents qui doivent être conservés, tant en raison de leur volume que de leur complexité interne et externe. De fait, les ensembles de données, et les documents et documents d’archives associés, sont parfois si volumineux, complexes (par exemple, comprenant du multimédia, de l’interactivité, etc.) et éparpillés (chez un même producteur et entre producteurs) que rares sont les organisations disposées à assumer la responsabilité de leur conservation authentique sur le long terme.
Cette situation explique les efforts déployés par le producteur dans l’étude de cas sur l’Atlas de l’Antarctique, qui travaille avec la bibliothèque de Carleton University « pour essayer d’archiver le CAA [Atlas de l’Antarctique], tel qu’il existe à la fin du projet, conformément aux exigences du SSHRC [Social Sciences and Humanities Research Council of Canada], » car « pour l’instant, aucune institution n’est en mesure d’archiver les données et les résultats des projets soutenus par le SSHRC255. » Qui plus est, bien que l’on espère que le Scientific Committee on Antarctic Research (SCAR) prendra à plus ou moins longue échéance la responsabilité de la maintenance sur le long terme du CAA et de son développement, le producteur reconnaît que ce n’est absolument pas certain, au vu des moyens humains, financiers, institutionnels et techniques limités du SCAR256.
Toujours dans le même ordre d’idées, il arrive que la numérisation soit considérée comme une solution de conservation. Ce point de vue est généralement le fait de producteurs qui : (a) ont un problème matériel d’espace de stockage, (b) ont du mal à trouver certains éléments parmi leurs documents analogiques, (c) se sentent obligés (et y sont parfois tenus par la loi) d’accéder à la demande du public pour un accès électronique distant aux documents d’archives et autres ressources numériques257 ou (d) considèrent la numérisation comme un moyen de permettre la conservation grâce à un accès étendu aux ressources numérisées et à leur diffusion258. Pour beaucoup, la technologie apparaît comme la solution à ces différents problèmes. En règle générale, ces affirmations émanent de producteurs peu au fait des difficultés techniques et des coûts récurrents associés à la conservation d’objets numériques sur le long terme.
Pour ce qui est de l’authenticité, la plupart des producteurs de documents ne voient guère de nécessité à prendre des mesures pour la protéger dans l’environnement numérique. Différentes raisons sont avancées dans les études de cas portant sur des individus et de petits groupes, parmi lesquelles : le manque de valeur monétaire de l’objet259, le nombre réduit de praticiens dans un domaine où tout le monde se connaît et reconnaîtrait l’œuvre260, ou encore la volonté de rendre le contenu librement accessible à d’autres pour être réutilisé, parfois dans un contexte artistique261, parfois dans un contexte scientifique262. Pour la plupart, les individus et les petits groupes de la sphère artistique semblent se satisfaire de l’idée qu’ils sont les arbitres de l’authenticité pendant leur vie. Par exemple, dans l’installation multimédia interactive de l’étude de cas The Danube Exodus, la supervision directe des créateurs sur leurs objets numériques était considérée par tous les sujets de l’étude comme le seul moyen fiable de maintenir et de garantir l’authenticité de ces objets, de sorte que l’authenticité des objets ne pourrait plus être garantie après le décès de leur créateur263.
En revanche, dans les organisations, le point de vue le plus répandu parmi les personnes interrogées était que quelqu’un était sans doute chargé de la mise en place de mesures garantissant l’authenticité et la conservation des documents – ce qui était vrai dans certaines études de cas et pas dans d’autres. Comme cela a été indiqué plus haut, certaines organisations continuent à utiliser des systèmes d’archivage papier, en particulier dans les environnements où des questions juridiques liées la valeur probante des documents – en particulier en relation avec les droits de propriété intellectuelle – risquent de se faire jour à une date ultérieure264.
InterPARES 1 avait souligné l’importance de tenir à jour les métadonnées pour tout ce qui concerne la protection de l’identité et de l’intégrité des documents d’archives, par exemple les questions de propriété intellectuelle et de copyright. Cette conclusion a été réaffirmée avec force par InterPARES 2265. Certaines études de cas de la sphère artistique témoignent d’une variante intéressante du rôle des métadonnées. Comme pour l’authenticité, un producteur individuel peut seulement contrôler la représentation de ses œuvres pendant sa vie. Pour que l’intention du créateur puisse lui survivre, et être utilisée pour représenter ses œuvres après sa mort, les paramètres de cette intention doivent être enregistrés et transmis, vraisemblablement dans des métadonnées266. Lorsqu’on a leur demandé d’identifier, parmi une liste de six options, la méthode qui leur semblait la meilleure pour représenter l’identité d’œuvres musicales dépourvues de partition (au sens traditionnel), près d’un quart (25 %) des personnes participant à l’enquête sur les pratiques d’archivage des compositeurs de l’étude générale n° 4 ont choisi l’enregistrement audio ou vidéo de la performance267, suggérant par là qu’enregistrer une performance conforme à la vision du compositeur pourrait également être un moyen de fixer son intention.
La politique de conservation la plus prometteuse et la plus avant-gardiste rencontrée par les chercheurs du thème 3 est sans doute celle mise en œuvre dans l’étude de cas scientifique n° 8 (NASA). Ici, le producteur affirme avoir mis en place des procédures de conservation permettant la conservation par objet dans un format pérenne (POP) qui est « une technique pour garantir que les documents d’archives électroniques restent accessibles en les convertissant dans des formats auto-descriptifs, indépendants de matériels ou de logiciels spécifiques268. » Dans le cas de la NASA, cette démarche repose en partie sur l’utilisation de l’Object Description Language269 (ODL, Langage de description orienté objet) pour « créer des étiquettes (descriptions de données) pour des fichiers de données et d’autres objets comme les logiciels et les documents270. » En cas d’obsolescence technologique, il suffit avec cette méthode de migrer l’interpréteur pour le langage de description de la structure des fichiers ; il n’est pas nécessaire de créer un logiciel d’accès pour chaque structure de fichier271. Depuis le déploiement du Planetary Data System (PDS), il y a plus de quinze ans, « aucun des produits de données n’a nécessité de mise à jour (conversion ou migration) dans d’autres formats de données272 », ce qui suggère que cette politique pourrait offrir une solution viable pour un des aspects au moins de la conservation sur le long terme des documents numériques273.
Réponses au questionnaire de recherche
Question 1
Les concepts, méthodes et modèles d’évaluation élaborés par InterPARES 1 pour les documents d’archives administratifs et juridiques produits dans des bases de données et des systèmes de gestion des documents s’appliquent-ils à l’évaluation des documents d’archives produits par des activités artistiques, scientifiques et administratives résultant de l’utilisation des technologies étudiées par InterPARES 2274 ?
Les études de cas d’InterPARES 2 montrent que les difficultés auxquelles se heurtent traditionnellement les services d’archives pour évaluer les documents se posent avec plus d’acuité dans l’environnement étudié. Absence de métadonnées, modes de classement particuliers et éparpillement des documents n’en sont que quelques exemples. Plus étonnant, sans doute, est le constat que les documents numériques, et en particulier les documents non textuels, demeurent dans certains cas très dépendants du matériel informatique, une situation de plus en plus rare dans les environnements d’archivage des documents textuels des organismes publics et des entreprises étudiés par InterPARES 1. Certaines études de cas ont également révélé l’absence de critères de sélection des documents en vue de leur conservation ; mais la définition de ces critères ne fait pas partie des fonctions du service d’archives touchées par la technologie numérique, si l’on excepte l’importance nouvelle de la fonctionnalité pour certains types de documents numériques, comme ceux contenus dans des applications de bases de données.
Les études de cas d’InterPARES 1 avaient également clairement démontré la nécessité d’indiquer, au cours de l’évaluation, si les systèmes considérés contenaient ou pouvaient produire des documents d’archives. Le fait demeure pour les applications interactives, expérientielles et dynamiques étudiées par InterPARES 2, bien que le processus puisse s’avérer plus complexe étant donné le nombre élevé de composants et la complexité croissante de leurs relations.
L’exploration d’exemples interactifs, dynamiques et expérientiels dans le cadre d’InterPARES 2 a considérablement enrichi la réflexion sur la nature des documents d’archives numériques issue d’InterPARES 1. Les implications des résultats des études de cas d’InterPARES 2 pour la définition du document d’archives font l’objet d’une étude approfondie dans l’article « Le concept de document d’archives dans les environnements interactifs, expérientiels et dynamiques : le point de vue d’InterPARES »275. Une des conclusions majeures d’InterPARES 1 était qu’ « il n’est pas possible de préserver un document d’archives numérique ; seule peut être préservée la capacité de le reproduire276. » Cette conclusion reposait sur l’idée qu’il n’est pas possible qu’un document d’archives stocké sous forme binaire (et donc non lisible pas l’être humain) puisse servir de document d’archives. Les conclusions issues d’InterPARES 2, fondées cette fois sur l’étude de systèmes électroniques interactifs, expérientiels et dynamiques, jointes à la réaffirmation de la définition centrale du « document d’archives » et étayées par des précédents historiques, démontrent que cette conclusion n’est valide que pour un sous-ensemble de documents numériques, à savoir, ceux qui, pour être effectifs, doivent être représentés à un être humain.
Les études de cas d’InterPARES 2 dans le domaine artistique et le domaine scientifique (en particulier la fabrication) ont identifié des documents d’archives instrumentaux conservés dans, ou associés à, des applications ou des systèmes informatiques, qui ne sont pas destinés à produire un document lisible par l’être humain. Les instructions et les spécifications informatiques qui rendent possible l’exécution d’œuvres musicales numériques ou qui pilotent la fabrication assistée par ordinateur de pièces en constituent des exemples évidents. Leur finalité n’est pas la (re)production d’un document lisible par l’être humain mais la (re)exécution ou la (re)production assistées par ordinateur. La définition du document d’archives n’impose pas de contraintes a priori sur le contenu ou la forme du document. Pour déterminer si un document numérique277 est un document d’archives, il faut examiner si le document contient et présente les éléments et attributs nécessaires du document d’archives, à savoir : participe-t-il à une action, a-t-il un lien archivistique, a-t-il un auteur, un rédacteur et un destinataire/bénéficiaire, etc278 ? Tout document numérique satisfaisant ces conditions requises est un document d’archives, même s’il peut être totalement impossible à un être humain de comprendre le document dans sa forme numérique.
Les documents d’archives numériques sont composés d’un ou plusieurs objets, que les chercheurs d’InterPARES 1 ont appelé des « composants numériques279 280 ». Lorsqu’ils sont « stockés » (c’est-à-dire, encodés sous forme numérique et placés dans un système de stockage sur un support numérique), ces composants numériques ont nécessairement une forme externe différente de celle d’un document numérique dans une forme compréhensible par l’être humain (c’est-à-dire, un document représenté). Poussant l’exploration plus loin, les travaux d’InterPARES 2 ont révélé que, s’ils sont conservés et gérés comme un document d’archives, le ou les composants numériques stockés d’un document d’archives numérique représenté constituent collectivement un document numérique stocké. Par conséquent, InterPARES 2 a distingué deux sous-catégories de documents d’archives numériques : le « document d’archives numérique stocké », c’est-à-dire, l’encodage d’un document numérique dans un système281 ; et le « document d’archives numérique manifesté », c’est-à-dire, un document d’archives numérique stocké qui est visualisé dans une forme pouvant être présentée à un être humain (c’est-à-dire, dans une forme lisible par l’être humain) ou à un système informatique (c’est-à-dire, en langage machine). Concrètement, un document d’archives numérique stocké est ce qui est conservé, alors que l’affichage ou toute autre « sortie » d’un document numérique représenté à partir du document numérique stocké, est une copie qui est reproduite à la demande dans le but de communiquer des informations à des personnes ou à des systèmes informatiques, et non comme un document qui est conservé. Ainsi, dans ce type de cas, un document d’archives numérique stocké peut être considéré comme un document d’archives parce qu’il est destiné à être utilisé, et peut être utilisé, pour reproduire un document d’archives numérique représenté282.
L’analyse des études de cas d’InterPARES 2 a montré qu’à un document numérique stocké ne correspond pas systématiquement un document numérique représenté. Un document numérique stocké (ou l’un quelconque de ses composants) peut être utilisé avec – ou, comme dans le cas des documents instrumentaux, peut même contrôler – les saisies et les interactions de l’utilisateur et des données variables d’autres sources pour produire des représentations variables qui ne peuvent être des documents d’archives précisément parce que leur contenu et/ou leur forme ne sont pas fixes. En conséquence, un document d’archives numérique stocké est considéré comme un document d’archives parce qu’il satisfait à la définition du document d’archives, qu’il participe ou non à la production d’autres documents ou qu’il fournisse ou non un moyen de reproduire un document d’archives numérique représenté.
InterPARES 2 a simplifié la définition du « composant numérique » qu’avait retenue InterPARES 1, la rendant à la fois moins ambiguë et plus facile à utiliser : « Agrégation de données encodées sous forme numérique composée d’un ou plusieurs trains de bits, y compris les métadonnées nécessaires pour ordonner, structurer ou représenter son contenu et sa forme, requérant une action de conservation précise283 284. » Les documents et documents d’archives numériques stockés sont constitués de trois types de données : (1) les données de contenu, qui se rapportent aux actions, aux faits ou aux données que le document ou le document d’archives véhicule ; (2) les données de forme, qui permettent au système de reproduire le document ou le document d’archives dans la forme correcte à partir du document ou document d’archives numérique stocké ; et (3) les données de composition, qui identifient les éléments de données de forme et de contenu stockés qui appartiennent au document ou au document d’archives et les associent aux différents éléments de structure définis par les données de forme. Un composant numérique peut être constitué d’un ou plusieurs de ces types de données. Sont également considérées comme un type important de composants numériques les règles encodées sous forme numérique, qui gouvernent la reproduction du contenu et de la forme du document ou document d’archives numérique représenté en déterminant ses caractères externes, ainsi que toute variation admissible de forme ou de contenu.
InterPARES 2 a également proposé d’élargir la typologie des documents d’archives (dispositif, probant, à l’appui ou narratif). Le nouveau type, le document d’archives prospectif, ne se rapporte pas à une action ou un état passés mais détermine la forme et/ou le contenu de documents d’archives, actions ou états produits ultérieurement. Les documents prospectifs se subdivisent en documents d’instructions et documents instrumentaux. Un document d’archives d’instructions est un document qui fournit des instructions, destinées à être lues par l’être humain, sur la production de documents dans le cours d’une activité. Il peut exister sous forme papier ou comme document numérique représenté. Inversement, un document instrumental est un document qui est utilisé, dans la forme numérique sous laquelle il est stocké, par un système informatique pour exécuter une action, une interaction ou un processus, et qui ne peut remplir sa fonction s’il est converti dans un format lisible par l’être humain. Pour être considérés comme des documents d’archives, les documents instrumentaux doivent être « correctement maintenus et gérés [dans leur forme numérique stockée] comme des éléments intellectuellement liés d’ensembles de documents d’archives285. »
Dès lors, il convient de clarifier les conclusions d’InterPARES 1. Comme cela déjà été évoqué, le composant numérique, ou le jeu de composants numériques, utilisé pour reproduire une copie authentique d’un document lisible par l’être humain peut lui-même être un document d’archives ; à savoir, un document d’archives numérique stocké. Cependant, il est important de comprendre qu’un document d’archives numérique stocké ne peut être utilisé pour la finalité pour laquelle le document numérique représenté est reproduit. En effet, une étape au moins le sépare de cet état. De nombreuses étapes peuvent être requises pour traiter les composants numériques en vue de générer le document numérique représenté dans la forme lisible par l’être humain. En conséquence, on peut dire que la finalité du document d’archives numérique stocké n’est pas de remplir la finalité à l’appui, narrative ou de dispositif du document d’archives (lisible par l’être humain), mais de rendre possible la production de copies authentiques de ce document. Pour valide qu’elle soit, cette conception des choses semble par trop restrictive. Quand, par exemple, un étudiant s’inscrit en ligne à un cours, en supposant que le système d’inscription de l’université soit un système d’archivage digne de confiance, les données du dossier d’inscription de l’étudiant qui est créé à partir de cette transaction – et qui est conservé dans le système d’archivage comme document numérique stocké – peuvent être utilisées, en combinaison avec d’autres données comparables extraites des documents numériques d’inscription stockés d’autres étudiants, pour produire un nouveau document – une liste de participants – sans passer par l’étape intermédiaire de reproduction des dossiers d’inscription individuels dans une forme lisible par l’être humain (autrement dit, les documents représentés) ou même de reproduction des documents numériques représentés des inscriptions individuelles pour être utilisées par le système informatique d’inscription. Il suffit d’extraire les éléments de données pertinents (le cours et le niveau) des documents numériques stockés correspondants (le document d’inscription de chaque étudiant) pour produire la liste de participants. Lorsqu’elles sont utilisées de cette manière, les versions numériques stockées des documents d’inscription, par opposition à leurs versions numériques représentées, doivent être considérées comme les documents d’archives qui ont un lien archivistique avec le document de la liste de participants et, partant, doivent être gérées et évaluées en conséquence.
Les études de cas ont ainsi mis en lumière l’existence de plusieurs nouveaux types de documents, certains ayant leur équivalent dans l’univers analogique et d’autres ne pouvant exister que dans un environnement numérique. Ces documents numériques sont produits dans des systèmes de documents avec des groupes de plus en plus complexes de composants numériques, multipliant le nombre de relations qui doivent être identifiées, décrites, gérées et conservées. Certains systèmes ne peuvent afficher leurs documents numériques stockés dans une forme lisible par l’être humain. Il y a aussi des systèmes qui peuvent afficher le contenu d’un document numérique représenté dans plusieurs formes documentaires (comme les données de tableur), bien que chaque forme disponible soit en fait fixe et stable. Il y a des systèmes où les documents non lisibles par l’être humain participeront à la production d’un contenu numérique qui ne sera jamais fixé et, par conséquent, n’est pas un document d’archives. Et il y a des systèmes qui semblent produire du contenu variable, alors qu’une analyse plus minutieuse confirme que ce contenu apparemment mouvant est borné par des règles fixes et est donc, de fait, fixe et stable. Appelé « variabilité limitée » dans le domaine des sciences de l’information, ce concept désigne un environnement où « les changements de la forme et/ou du contenu d’un document d’archives numérique... sont limités et contrôlés par des règles fixes [et un ensemble stable de données de contenu, de données de forme et de données de composition], de sorte que la même recherche, requête ou interaction produit toujours le même résultat286. » Il est important de souligner qu’il s’agit là d’un aspect des documents numériques, avec des conséquences pour l’évaluation, qui va au-delà de la conclusion d’InterPARES 1 (réaffirmée par InterPARES 2) selon laquelle, bien que l’intégrité matérielle d’un document – nombre de chaînes de bits par exemple – puisse être compromise, aussi longtemps que le document conserve tous ses attributs essentiels de telle sorte que le message qu’il est censé communiquer pour accomplir sa finalité n’est pas modifié, il peut être considéré « complet et inchangé287. »
En fait, à travers le concept de variabilité limitée, InterPARES 2 a élargi les circonstances dans lesquelles des variations de la forme et du contenu d’un document peuvent être considérées comme acceptables, par-delà les considérations élémentaires d’altérations involontaires, accidentelles ou fortuites de l’intégrité matérielle du document, pour prendre en compte les intentions du producteur concernant l’utilisation d’éléments de présentation variables des documents. Relativement aux variations de la forme documentaire, il est important d’admettre que :
Dans de nombreux documents interactifs, expérientiels et dynamiques, les auteurs ou les rédacteurs ont délibérément recours aux possibilités spécifiques offertes par la technologie numérique quant à la variabilité de la forme dans laquelle les informations sont présentées. Dans ce type de cas, la forme est « fixe » en ce sens que la conception autorise la variation de certains aspects de forme et pas d’autres. Les formes documentaires qui incluent des éléments variables ne contreviennent pas aux exigences de forme fixe, pas plus que des enregistrements audio ou vidéo analogiques, qui présentent des variations du son et de l’image dans le temps. Cette variabilité de la présentation voulue par l’auteur doit être considérée comme faisant partie des caractères externes de la forme documentaire... Avec les documents numériques, dès lors, la forme « fixe » désigne les aspects de forme que l’auteur ou le rédacteur veut ou peut contrôler288.
De la même manière, un producteur peut provoquer ce type de « variabilité limitée » intentionnelle dans le contenu d’un document sans affecter l’intégrité de celui-ci. Par exemple, comme c’est le cas de certains catalogues de vente en ligne, les environnements numériques interactifs donnent la possibilité à un producteur d’utiliser des formes documentaires qui autorisent une sélection variable du contenu et un ordre variable de cette sélection, comme dans l’affichage de sous-ensembles du contenu de ces catalogues en réponse à une action donnée de l’utilisateur289. Pourvu que le document d’archives numérique stocké soit contrôlé par des règles fixes telles que la même recherche, la même requête ou la même interaction génèrent toujours la même forme documentaire et la même sélection de contenu dans le document d’archives numérique représenté290, ces cas peuvent satisfaire la condition requise de contenu fixe291.
Une autre différence qui doit être prise en compte lors de l’évaluation des documents dans les environnements numériques interactifs, expérientiels et dynamiques est que l’utilisation de la technologie peut modifier les activités du producteur. Changements qui se traduiront à leur tour par des changements au niveau des activités de production et d’archivage des documents. La nécessité, en particulier, de réexaminer périodiquement les activités de production (et les technologies associées) des documents et des documents d’archives du producteur après l’évaluation initiale, transparaît ainsi clairement dans l’étude de cas VanMap. Bien que le système d’information géographique existant ne soit pas conçu pour produire des documents d’archives, il est envisagé de modifier son architecture pour que cela devienne possible. À la différence des conclusions d’InterPARES 1, qui avaient mis l’accent sur le suivi des seuls documents d’archives sélectionnés en vue de leur conservation définitive, cette observation plaide également en faveur de la nécessité, soulignée par les chercheurs d’InterPARES 2, d’étendre la fonction de surveillance pour y inclure les données et les documents que des évaluations antérieures avaient exclus de la conservation, ainsi que les systèmes et les activités dont des évaluations antérieures avaient estimé qu’ils ne produisaient pas de documents d’archives. Cependant, même lorsque les documents eux-mêmes (ou les systèmes qui les produisent) ne changent pas, leur mise en ligne peut être à l’origine de changements importants du lien archivistique, la facilité d’accès se traduisant souvent par une utilisation des documents dans davantage d’activités qu’auparavant. Dans la mesure où l’évaluation doit sélectionner les documents à conserver en se fondant sur la connaissance des processus du producteur et de la totalité de son fonds d’archives, l’évaluation dans les environnements numériques ne doit pas être considérée comme une opération unique sur un ensemble statique de documents, mais comme une activité qui doit s’étendre sur toute la durée de vie des documents et englober les activités de leurs producteurs depuis la production des documents jusqu’à leur versement au services d’archives en charge de leur conservation définitive292. Il va sans dire que cela rend le processus d’évaluation beaucoup plus complexe, en particulier par rapport aux évaluations « en une seule fois » généralement appliquées aux documents analogiques traditionnels.
Enfin, une dernière différence entre le processus d’évaluation envisagé par InterPARES 1 et les conclusions d’InterPARES 2 concerne la différenciation plus marquée qui existe désormais, dans un environnement numérique, entre les documents rétrospectifs et les documents prospectifs, en particulier ceux qui ont un rôle instrumental dans la (re)production d’un autre document. Outre que préserver cette fonction de reproduction soulève des difficultés technologiques supplémentaires, le service d’archives doit déterminer si ce type de documents relève de la mission de son institution. Les documents d’archives instrumentaux ne sont pas un concept totalement inconnu des pratiques de conservation d’hier : les partitions permettent des interprétations futures ; les négatifs photographiques et les pellicules de films servent à produire de nouvelles copies ; les composants numériques interagissent pour produire des copies authentiques des documents. Pour ce qui est des documents instrumentaux, cependant, la conservation ferait d’avantage figure d’obligation « prospective » vis-à-vis du document que d’obligation rétrospective.
Questions 2 et 3293
Les concepts, méthodes et modèles de conservation élaborés par InterPARES 1 pour les documents administratifs et juridiques produits dans des bases de données et des systèmes de gestion des documents s’appliquent-ils à la conservation des documents d’activités artistiques, scientifiques et administratives résultant de l’utilisation des technologies examinées par InterPARES 2 ?
Quels paradigmes de conservation peuvent être appliqués à toutes les activités et toutes les technologies ? Quels paradigmes de conservation sont requis pour les types particuliers de documents résultant de chaque activité ?
Comme pour l’évaluation, les études de cas ont mis en lumière nombre des problèmes familiers qui pèsent sur la capacité des services d’archives à protéger les documents sur le long terme. Mauvaises pratiques de production des documents, mauvaise organisation des documents, mauvaises pratiques de maintenance, absence de planification sur le long terme, instabilité du support des documents, mauvaises conditions de stockage et documentation insuffisante ne sont que quelques exemples bien connus de l’ère analogique qui demeurent d’actualité. Étant donné la nature de plus en plus complexe, et bien souvent unique des documents d’archives numériques associés aux applications interactives, expérientielles et dynamiques étudiées par InterPARES 2, il va sans dire que nombre des problèmes de conservation hérités de l’univers analogique sont, dans de nombreux cas, beaucoup plus aigus dans l’univers numérique.
Les travaux d’InterPARES 2, particulièrement en ce qui concerne la conceptualisation des documents d’archives dans les systèmes électroniques interactifs, expérientiels et dynamiques, ont entraîné plusieurs changements de paradigmes ayant des incidences pour la conservation numérique, qui prolongent et élargissent, plutôt qu’ils ne contredisent, ceux d’InterPARES 1. D’abord, alors qu’une « des conclusions les plus importantes d’InterPARES 1 a été de reconnaître et de préciser la différence entre la forme dans laquelle un document électronique est représenté à une personne et la forme dans laquelle il est stocké numériquement », InterPARES 2 a enrichi cette distinction en suggérant que les composants numériques individuels, ou les ensembles de composants numériques, pouvaient eux-mêmes constituer un document d’archives ou un groupe de documents d’archives, selon la façon dont ils sont représentés dans le système et la façon dont ils sont utilisés par le producteur.
Ce constat, nous l’avons dit, a conduit les chercheurs d’InterPARES 2 à distinguer deux sous-catégories fondamentales de document d’archives numériques : les documents numériques stockés et les documents numériques représentés. Bien que le document numérique stocké, constitué d’un ou plusieurs composants numériques, et le document numérique représenté, reproduit à partir de ces composants, soient apparentés, ce sont des documents distincts et, comme indiqué plus haut dans l’exemple de l’inscription scolaire, ils accomplissent leurs finalités respectives de façons fondamentalement différentes : le premier est utilisé dans sa forme binaire pour « présentation » à d’autres applications ou systèmes électroniques, alors que le second est converti de sa forme binaire en une forme adaptée à la présentation à un être humain. Ce fait a des conséquences importantes pour la conservation en ce que les exigences de conservation spécifiques pour les deux types de documents peuvent être différentes – en fonction, notamment, de la façon dont les documents sont utilisés pour accomplir leurs finalités respectives. De fait, un document, comme par exemple un document prospectif instrumental – ou, peut-être aussi, selon les circonstances, un document rétrospectif plus « traditionnel » -, qui a seulement besoin d’être « présenté » et utilisé dans sa forme binaire pour accomplir sa finalité appellera vraisemblablement des mesures de conservation différentes de celles d’un document rétrospectif ou d’un document prospectif d’instructions qui, pour accomplir leur finalité, doivent être reproduits dans leur forme numérique représentée pour présentation à un être humain.
Le deuxième changement paradigmatique ayant une incidence pour la conservation concerne, comme cela a été vu plus haut, la différenciation plus marquée qui existe désormais, dans un environnement numérique, entre les documents rétrospectifs et les documents prospectifs, et particulièrement ceux qui jouent un rôle instrumental dans la (re)production d’un autre document. Les documents prospectifs instrumentaux, en particulier, posent des défis de conservation uniques du fait qu’ils doivent impérativement être maintenus dans les systèmes où ils ont été produits – ou dans des systèmes aux fonctionnalités identiques – pour pouvoir préserver leur aptitude à produire ou rendre possibles les interactions, les expériences, les performances ou tout autre processus qu’ils étaient destinés à produire. Bien que l’encodage du train de bits des composants numériques stockés des documents rétrospectifs et des documents prospectifs d’instructions, qui sont conservés pour reproduire des documents numériques représentés, puisse, dans de nombreux cas, être converti d’un format dans un autre (par exemple, de .doc en .pdf) sans compromettre l’aptitude du document numérique représenté d’accomplir sa finalité294, le train de bits d’un document instrumental doit être conservé dans sa forme originale pour que le document accomplisse sa finalité.
Le troisième changement de paradigme renvoie au concept de variabilité limitée et à son incidence sur notre compréhension des documents numériques représentés. En particulier, ce nouveau concept enrichit le concept de document représenté pour englober tout type de variabilité de forme et de contenu spécifique au document (c’est-à-dire, représentant l’intention de l’auteur) et gouverné par des règles ou des instructions fixes295.
Ces différents constats ont conduit à s’interroger sur la possibilité de conserver cette gamme plus étendue et plus complexe de documents à l’aide de politiques de conservation établies dans le cadre des paradigmes de conservation existants. Comme cela a été évoqué dans la section Conclusions, les études de cas du projet, centrées sur la production et la maintenance des documents, offraient peu d’exemples concrets de scénarios de conservation, hormis la numérisation et la « mise en ligne ». La discussion précédente sur les variations de forme, de fonction ou même de comportement des documents numériques suggère que la conservation est d’ores et déjà possible à l’intérieur des paramètres connus des politiques de conservation actuelles. Ces documents comportent indéniablement davantage de composants, dont les relations sont d’une complexité croissante. La reproduction exacte et authentique des documents produits par des systèmes interactifs, expérientiels et dynamiques exigera des métadonnées (et/ou une gestion des métadonnées) de plus en plus élaborées pour documenter l’intention du producteur ou les limitations imposées à cette intention par l’inadéquation des technologies disponibles296. De nouveaux types de dépendances vis-à-vis du matériel devront être surmontés. De nouvelles méthodes pour confirmer l’identification et la conservation effectives des documents numériques devront être définies, en particulier lorsque la reproduction du contenu et de la forme documentaire dans un format lisible par l’être humain (c’est-à-dire, le document numérique représenté) n’est plus le but du processus de conservation.
Du fait de ces difficultés, les systèmes envisagés pour conserver les documents d’archives numériques devront être capables, notamment, d’:
- 1. Identifier et localiser tous les composants numériques de chaque document présent dans le système.
- 2. Gérer chaque composant numérique conformément à ses exigences de conservation spécifiques.
- 3. Identifier et gérer comme des documents les composants numériques qui sont eux-mêmes des documents (par exemple, les documents instrumentaux) et/ou sont des composants d’un ou plusieurs documents.
- 4. Identifier et gérer le matériel et les logiciels requis pour traiter tous les composants numériques dans les formats requis pour qu’ils remplissent leur(s) fonction(s) en tant que documents et/ou composants de documents numériques stockés et/ou représentés.
- 5. Utiliser les logiciels et, le cas échéant, le matériel appropriés à chaque composant pour reproduire le document numérique représenté à partir du document numérique stocké et/ou traiter le document numérique stocké lorsque celui-ci est aussi un document instrumental.
Question 4297
Quelles métadonnées sont nécessaires pour soutenir l’évaluation et la conservation de documents d’archives numériques authentiques résultant de chaque activité ?
On avait espéré dans un premier temps que la réponse à cette dernière question de recherche du thème 3 découlerait naturellement de l’examen des études de cas par les archivistes. Il a fallu se rendre à l’évidence que cela ne serait pas possible, et ce, pour deux raisons. Premièrement, comme cela a été dit, les études de cas étaient centrées sur les producteurs ; or, aucun d’entre eux ou presque n’était impliqué dans l’évaluation de ses documents, ou ne s’en préoccupait, et beaucoup d’entre eux n’étaient pas non plus impliqués dans la conservation de leurs documents sur le long terme. En second lieu, il n’a pas été possible, à cause du nombre limité d’archivistes impliqués dans le projet, d’évaluer des documents des producteurs étudiés dans les études de cas ni, par voie de conséquence, de définir une politique de conservation pour ces documents. Très peu de données ont donc été collectées qui auraient pu être utilisées par les chercheurs du thème 3 pour répondre à cette question. Toutefois, les rapports de l’équipe transversale Description et de l’équipe transversale Modélisation fournissent des analyses et des discussions détaillées des métadonnées requises pour soutenir l’évaluation et la conservation de documents numériques authentiques. En fait, cette dernière question du thème 3 a été transférée à l’équipe transversale Modélisation et intégrée à ses travaux au cours de l’élaboration du modèle de Chaîne archivistique. De même, comme l’indique le rapport final de l’équipe transversale Description, le principe sous-jacent à ses travaux « est que des métadonnées détaillées et dignes de confiance sont essentielles pour garantir la production de documents fiables et la conservation de documents authentiques, et autres objets, dans les systèmes électroniques... [ce qui] plaide en faveur d’un régime de gestion des métadonnées « de bout en bout » qui définisse quelles métadonnées doivent être conservées et/ou transmises dans le temps, à quelles fins, par qui et comment elles doivent être conservées et validées298. » Dans ce but, l’équipe Description, en collaboration avec l’équipe Modélisation, a élaboré un modèle de spécification des métadonnées. Ce modèle, très proche du modèle de référence pour un système ouvert d’archivage de l’information OAIS299, est destiné à être utilisé, conjointement avec le modèle de Chaîne archivistique, comme point de départ pour la définition des spécifications d’outils automatisés qui pourront contribuer à la production, la capture, la gestion et la conservation des métadonnées essentielles pour les archives courantes, intermédiaires et définitives, ainsi qu’à l’identification des métadonnées devant être créées manuellement et de celles pouvant être synthétisées et/ou abandonnées à tel ou tel stade.
Vers des principes directeurs pour conserver des documents d’archives numériques authentiques
Les travaux d’InterPARES 2 ont mis en lumière l’absence d’outils pour assurer la conservation des documents numériques. Ce constat, pour le moins alarmant, concerne toutes les activités étudiées – artistiques, scientifiques et administratives – et touche aussi bien les producteurs individuels que les petits groupes, les projets subventionnés, les administrations publiques et les grandes entreprises. Chaque unité de recherche InterPARES – équipes sectorielles, équipes thématiques et équipes transversales – a identifié des politiques, des stratégies, des principes et des principes directeurs qui pourraient aider les producteurs et les services d’archives pendant la transition d’un archivage analogique à un environnement d’archivage numérique. Le thème 3 a été chargé de rédiger les Principes directeurs à l’usage des services d’archives en charge de la conservation définitive300, document destiné à accompagner les Principes à l’usage des services d’archives301 élaborés par l’équipe transversale Stratégie et orientations. Parce que les études de cas se sont concentrées sur les producteurs, la collecte de « meilleures pratiques » de conservation a été maigre. Les Principes directeurs s’inscrivent donc dans une double perspective :
- Des actions qui devraient être conduites pour éviter certaines des situations observées dans les études de cas les plus problématiques
- Des actions qui devraient être conduites pour répondre aux préoccupations d’évaluation et de conservation identifiées au cours des travaux d’InterPARES 2.