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I. Questionnaire du congrès

Les recueils de modèles d’actes ont été tôt reçus dans la diplomatique comme une chance rare de pondérer les pertes documentaires par le tableau, large ou exhaustif, de la production d’une époque, de compléter les sources de l’histoire du droit, de glaner quelque acte inconnu, ou encore de pénétrer dans les coulisses d’une chancellerie. D’où un mouvement relativement soutenu d’étude monographique et d’édition, depuis le xixe siècle, où le grand opus de Karl Zeumer ne doit pas masquer la variété des intérêts portés au second Moyen Âge et au vaste spectre des formulaires alors composés, dans les chancelleries souveraines, épiscopales, monastiques, chez les notaires et autres rédacteurs d’actes.

Plus tard, sous l’aiguillon de l’étude de la genèse de l’acte, les diplomatistes ont mis en valeur l’organisation interne des compilations et les titres donnés aux formules comme indices de la structuration de la production et, si l’on peut dire, de la conscience diplomatique que pouvait en avoir le producteur.Tout récemment enfin, l'accent a été mis sur la réception des compilations, que l'on recherche toutes les lettres mises au nom d’un même auteur dans un large choix de recueils (ainsi pour Philippe Auguste par Michel Nortier), que l'on étudie la diffusion et les usages de best-sellers (Marculf, Rolandino Passaggieri, Pierre de La Vigne, Odart Morchesne…) ou de plus modestes recueils (formulaire de Ripoll...). Au passage surgit la question des rapports complexes avec l’ars dictaminis, remise en valeur par un fort courant de recherche.

Par-delà ces renouvellements et les travaux d’édition et de recensement, bien mais diversement engagés, il reste encore pourtant de vastes chantiers à ouvrir ou à poursuivre, et ce pour de multiples raisons.

En premier lieu parce que le terme moderne, en lui-même ambigu (formulaire entendu comme recueil, et formulaire entendu comme assemblage de parties du discours), cache une extrême variété d’objets, de contextes de rédaction et d’objectifs, entre compilation sui generis et présence de formules au milieu de recueils épistolaires ou de styles procéduraux, entre recueils scolaires et formulaires « d’étude [notariale] », entre recueils de recettes et compilation de modèles à reproduire, entre manuels (supposés) du travail quotidien et outils de promotion d’un pouvoir, d’un style, d’un groupe socio-culturel– contextes et objectifs qui tous font sens à leur tour, dans leur évolution et leurs modalités.

Ensuite parce que le formulaire est une compilation que son succès rend particulièrement instable, derrière le texte canonisé par une édition ; l’étude fine de la tradition manuscrite comme des micro-variations apportées au fil de la diffusion (ajouts et retraits de formules ou de sections, modifications internes, reclassements…) révèle des éléments essentiels, mais rarement pris en compte, de la vie des compilations à succès.

Enfin, et plus loin, parce que si l’origine des formules retenues a depuis longtemps suscité la curiosité, de l’acte à peine caviardé à l’acte supposé voire à la formule ludique, comme un amont nécessaire pour comprendre les méthodes et conditions de travail du compilateur, la question de l’aval a été la plupart du temps laissée de côté ; redoutablement complexe, elle amène à interroger de vastes corpus (avant et après la compilation) pour jauger l’influence exacte que celle-ci a pu avoir sur la production courante ; autrement dit pour mieux percer les arcanes de la genèse de l’acte, de son statut entre production normalisée et œuvre d’art(isanat).

Autant d’angles d’attaque d’un corpus bariolé que seule peut prétendre embrasser une approche comparatiste, ouverte à tout l’espace de la chrétienté latine, jusqu'aux frontières intérieures et extérieures (formulaires juifs, arabes, byzantins...), et du premier Moyen Âge au début des temps modernes. Autant de thèmes encore qui défient la synthèse et incitent à concevoir des journées d’études et d’échanges, structurées autour de types et/ou d’espaces définis, autour d’un questionnaire cohérent :

  • I. L’objet « formulaire ».

    Dénominations, titres, prologues. Le formulaire est-il un genre ? Frontières et relations avec les manuels de dictamen, avec les compilations mémorielles (cartulaires, registres).

  • II. Lieux et milieux de production et d’usage.

    Par grands types de producteurs et/ou d’époques : initiatives, besoins, fabrication, usages et utilité, circulation et diffusion.

  • III. Formulaire et culture diplomatique.

    Le formulaire comme reflet de la production documentaire : actes effectifs et actes supposés ; typologie et classement par catégories ; gloses et nota sur les usages des rédacteurs. — L’influence du formulaire sur la production documentaire.

On privilégiera des communications portant sur des thématiques larges, ou des monographies illustrant le questionnaire, toutes appuyées autant que possible sur des dossiers de documents.

Comité scientifique : Julia Barrow, Maria Milagros Cárcel Ortí, Peter Herde, Theo Kölzer, Andreas Meyer, Giovanna Nicolaj, Walter Prevenier, Lázsló Solymosi.

Coorganisateurs : Olivier Guyotjeannin, Laurent Morelle, Silio Scalfati.