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[p. 43] Actes royaux français – Les actes des trois premiers Capétiens (987–1060)

Par leur faible nombre, plus encore par le rôle ténu de la chancellerie royale et par la place étroite de l’écrit dans le gouvernement royal, les actes des trois premiers Capétiens, Hugues Capet (987–996), Robert II (seul roi de 996 à 1031) et Henri Ier (1031–1060), défient la typologie. Seules quelques observations générales seront ici proposées, que l’on voudra bien tenir pour provisoires et sujettes révision lorsque l’édition critique sera mieux avancée1.

Le cadre chronologique, imposé par les règnes et le découpage des corpus d’éditions, est rien moins qu’adapté à une étude diplomatique. Si l’on peut, d’entrée de jeu, proposer des césures, je les placerais volontiers d’une part autour de 1017–1018, années qui voient tout uniment la fin d’une génération, la « première génération capétienne » qu’a si finement étudiée JEAN-FRANÇOIS LEMARIGNIER2, et l’arrivée d’un nouveau chancelier, Baudouin, dont la griffe s’imprime vite sur les actes royaux ; d’autre part, autour de 1067, année qui voit la majorité du nouveau roi Philippe Ier et la disparition du vieux Baudouin : très vite, dans la quinzaine ou vingtaine d’années qui suivent, la cadre humain de la chancellerie se renouvelle et se démultiplie, cependant que surgissent – sur fond de continuité – de nouvelles formules diplomatiques qui marqueront longtemps le diplôme capétien, à commencer par la souscription organisée des grands officiers, et de nouveaux types d’actes, mettant fin au monopole du diplôme.

Il y a pourtant une unité, négative, à la période : la faiblesse numérique de la chancellerie et ce que, sous bénéfice d’inventaire, l’on appellera la « décadence » de l’acte royal. L’acte capétien est le prolongement direct de l’acte des derniers Carolingiens de l’Ouest, sans aucune solution de continuité, et sans aucune influence des actes des ducs robertiens ; et il se modifie, relativement rapidement, par le seul jeu d’une évolution interne. Il convient donc, dans un premier temps, de faire le bilan des différences, longtemps traitées par les commentateurs sur le mode péjoratif  ; et, dans un second temps, d’affiner l’analyse par catégories.

I. Symptômes de « décadence »

La « décadence » de l’acte royal au XIe siècle est évidente, si l’on considère le corpus en bloc et à haute altitude, et plus encore si l’on se fixe comme points de repère les actes d’un Louis le Pieux ou ceux d’un Philippe Auguste.

1. Premier élément du constat, l’anarchie des formes, le polymorphisme qui semble défier l’analyse.

Cela commence par le déclin qualitatif des formes externes, culminant sous [p. 44] Henri Ier et se manifestant aussi bien dans la présentation de moins en moins soignée de certains actes que dans la perte du canon graphique de chancellerie3. L’impression de confusion, d’anarchie est renforcée lorsque l’on passe au fond des actes : la caractéristique majeure est une incroyable diversité des formules, qui dans le même temps enlève de nombreuses possibilités de critique, à commencer par la titulature du roi, ou l’expression de la date et les modes de comput, incohérents voire contradictoires. Rien que dans les 61 actes de Robert II qui ne semblent pas poser de problèmes critiques particuliers, on peut dénombrer 32 titulatures royales différentes4 ! On retrouve la même irrégularité dans la présence et l’ordonnancement des parties du discours ; ici une prodigieuse enflure stylistique, là un vocabulaire contemporain et concret ; partout, à des degrés divers d’intégration et de réussite, un « patchwork » qui juxtapose les vieilles formules carolingiennes et les expressions nouvelles, souvent caractéristiques de l’acte privé.

Il y a pire, à tout le moins pour le diplomatiste : l’éclatement, au moins apparent, du « système carolingien » de l’acte royal.

- Éclatement, d’abord, de la triade des modes de validation (monogramme, recognition de chancellerie, sceau), dont toutes les combinaisons sont maintenant possibles. Et surtout, puisque les diplomatistes sont allés jusqu’au vocabulaire médical pour examiner les « symptômes » de la « faiblesse » capétienne, on observe une « contamination » par l’acte privé : voit apparaître, ou plutôt réapparaître, la croix autographe, tracée d’une main « malhabile », et c’est un euphémisme, comme signe de l’acquiescement royal ; voit avec non moins d’effroi fleurir les souscriptions de tiers. De l’examen des originaux, ressort le sentiment qu’il faut aux contemporains un signe écrit de l’intervention royale, que c’est en lui que réside la force de l’acte5, mais que, pour la chancellerie, la croix fonctionne comme un substitut du chevron autographe du monogramme6.

- Non recours systématique à l’acte écrit, multiplication des mentions (parfois explicites) où un ordre du roi n’est pas traduit par un acte écrit.

- Apparition et rapide gonflement, aux côtés de l’acte intitulé au nom du roi, de l’acte de tiers, souscrit par le roi7 : un seul cas sous Hugues Capet, souscrivant un acte du comte Soissons, mais qui est très suspect  ; 14 cas sous Robert II, très nombreux surtout dans la dernière décennie du règne, mais dont l’ensemble représente moins du cinquième des actes dont le texte est connu ; 46 cas enfin sous Henri Ier, soit presque la moitié des actes dont le texte est connu ; la proportion baissera au quart du total des actes de Philippe Ier. Qu’ici encore la pratique soit bien enracinée, sans pour autant correspondre à une « faiblesse » de la chancellerie face aux impétrants, est manifesté par cet acte de donation que le chancelier Baudouin lui-même fait établir à son propre nom avant de le faire souscrire par le roi de France8.

La pratique connaît, dans les décennies médianes du XIe siècle, sa plus grande extension quantitative, mais aussi typologique : le roi souscrit des actes, mais aussi de simples notices, voire, cas rendu hypothétique par une mauvaise tradition mais très intéressant, la lettre d’un abbé lui demandant une confirmation écrite. La [p. 45] pratique se diffuse (c’est dire aussi son prix pour les bénéficiaires) : on fait ainsi ratifier au roi des actes de son prédécesseur (en 1075 pour un acte de 1034 ; Henri Ier souscrit même un acte de Charles le Simple de 918). Par ailleurs, la souscription royale peut être prévue, annoncée dans l’acte, mais figurer parfois isolée, sans annonce. Le cas inverse existe aussi de ratification, prévue, mais non apposée : faut-il supposer un simple attouchement du parchemin, ou la non-exécution du projet ? Il en existe en tout cas trois exemples assez vraisemblables sous Henri Ier9.

Parallèlement, la chancellerie semble impuissante ou, mieux, impassible, devant le phénomène : ici encore la plus grande diversité se présente dans la traduction graphique de l’approbation royale : récognition de la chancellerie ou non, simple marque royale (croix et / ou monogramme, sceau ou non,…). Dans certains cas extrêmes, le monogramme d’approbation royale semble même tracée par le bénéficiaire : il devient, ici encore, impossible de trancher les cas de falsification.

Or, si le phénomène prend de l’ampleur, il n’est pas nouveau. Pour les actes conservés de Lothaire, la question est horriblement embrouillée10. Il est pourtant indubitable que sous son règne, l’on pouvait bien déjà envisager de laisser, au bas d’un acte privé, de la place pour accueillir en signe de confirmation le sceau royal11. Ajoutons, mais l’on y reviendra, que la pratique n’est pas propre au roi, mais caractérise aussi bien ce qui se dégage alors, timidement, comme une « diplomatique princière ».

2. Deuxième grand trait à souligner, la rétractation géographique de l’aire d’expédition de l’acte royal.

Hugues Capet expédie encore un privilège à San Pedro de Roda, mais les Capétiens abandonnent bientôt tout le Sud de la Loire. Robert le Pieux s’intéresse encore – et de près – à la Bourgogne, intervient en faveur d’établissements de Normandie : deux zones d’où Henri Ier est presque totalement absent, sauf lorsqu’en début de règne il s’enfuit en Normandie. Comme le rayonnement du pouvoir royal, l’acte est circonscrit à une zone qui va de Gand à Tours, d’Orléans à Reims.

3. Troisième élément, la perte d’importance de la chancellerie se confirme, ici encore dans la ligne des derniers règnes carolingiens.

Il est facile d’interpréter la bigarrure du vocabulaire en termes d’anarchie12 ; en dépit de nombreuses zones d’ombre, une cohérence semble pourtant se dégager dans l’organisation de la chancellerie et dans l’image – notre seule source – qu’en donnent les actes.

- L’archicancellariat n’est plus maintenant qu’un titre sans contenu, « politique » peut-être, honorifique certainement, en tout cas sans effet aucun sur la marche de la chancellerie elle-même et sur l’expédition des actes.

L’archevêque de Reims, on le sait, était en même temps archichancelier royal : la charge, attribuée à l’archevêque Hervé en 915, était ensuite passée ensuite à Roger, archevêque de Trêves, avant de revenir à Reims sous Louis IV (l’archevêque Artaud depuis 936), avec une brève interruption de 940 à 949.

Sous les premiers Capétiens, le titre d’archichancelier est épisodiquement attribué à l’archevêque de Reims, et toujours semble-t-il dans des actes établis par des [p. 46] destinataires, proches de l’archevêque : ainsi pour Adalbéron en 98813, peut-être Gerbert, au seul témoignage d’un faux soissonnais, Arnoul en 101914. Dans ce contexte, il n’est pas inintéressant de relever que dans un acte de 991, Renaud (déjà évêque de Paris et auparavant attesté comme chancelier) est qualifié de episcopus et protocancellarius : loin d’être une bizarrerie, cela traduirait, avec une titulature assez normale (titre ecclésiastique et place à la chancellerie), une volonté royale, temporaire, de séparer la charge archicancellariale du siège de Reims, en cette année qui voit le concile de Saint-Basle de Verzy et la déposition de l’archevêque Arnoul. Je ne sais si l’on peut arguer dans le même sens d’un acte faux daté de 994 pour Bourgueil, mentionnant un Rogerius protocancellarius. Après 1019, il faut attendre le sacre de Philippe Ier en 1059 et deux actes de ce roi, délivrés pour Saint-Nicaise et rédigés à Reims en 1061 et 1066, pour voir l’archevêque de Reims, Gervais, se parer à nouveau du titre : c’est plus alors une revendication métropolitaine qu’une concession royale.

- A la tête effective de la chancellerie, il y a un « chancelier », terme effectivement en usage dans presque tous les actes sincères, en tout cas d’usage régulier dans les actes rédigés à la chancellerie elle-même15. A la différence de l’archichancelier, on observe à l’avènement des Capétiens une solution de continuité dans le personnel, pour autant que l’on puisse extrapoler des mentions assez dispersées. Les derniers chefs effectifs de la chancellerie carolingienne, Adalbéron (974–975, peut-être le futur évêque de Laon) puis Arnoul (979–984) n’apparaissent plus dans les actes capétiens. Autre trait quasi-constant, ce « chancelier » est en circonstance normale le seul à reconnaître des diplômes. On trouve ainsi successivement :

- En 988–989, le « chancelier » Renaud. Évêque de Paris en 991, il n’apparaît plus ensuite, sauf peut-être, on l’a déjà dit, comme « archichancelier » en 991, et sans le titre comme chancelier ad vicem dans un faux de [991–996].

- En 988 et 997, un « notaire » Roger, ensuite évêque de Beauvais. Il est par ailleurs dit « protochancelier » dans le faux déjà cité de 994, « chancelier » dans une copie figurée brodant sur l’acte de 997 et dans un autre faux. Selon toute vraisemblance, c’est un adjoint, puis un substitut de Renaud, en principe sans le titre officiel de « chancelier  » : mais les mentions de chancellerie, on l’a vu, sont très complexes. Il n’est d’ailleurs pas exclu que, dans ce titre de « notaire », on ait la dernière manifestation de l’ambivalence « chancelier » / « notaire », termes qui, à la chancellerie des derniers Carolingiens, servaient tous deux à désigner le chef des notaires, directeur effectif de la chancellerie.

- De 999 à 1017, le « chancelier » Francon. Il est diacre, si c’est bien lui qui figure dans un acte de 1008 pour Saint-Denis ; de 1020 à 1030, on le verra évêque de Paris. A partir de 1007, avec une assez grande régularité, il prend un titre plus relevé, cancellarius palatii, cancellarius sacri palatii, cancellarius regalis palatii.

- A la différence de ce qui s’est peut-être passé avec Renaud et Roger, la promotion de Francon à l’épiscopat a immédiatement coupé ses liens, au moins hiérarchiques, avec la chancellerie. Dès 1018 en effet, on trouve en place le « chancelier » Baudouin. Ce clerc, dont la famille est possessionnée en Vermandois, [p. 47] va servir trois rois pendant un demi-siècle. On peut, en effet, écarter sans grand scrupule les deux attestations d’un Arduin en (1021) (déformation du nom de Baudouin, dans une forgerie) et d’un Renaud en [1025–1026] (dignitaire de l’église d’Autun). Baudouin revient, quand il tient la plume, à la titulature simple cancellarius, maintenue tout au long de son activité, sauf en deux actes pour Saint-Bénigne de Dijon en 1030 et 1031, où la part du destinataire est probable (regii palatii cancellarius, sacri palatii apocrisiarius)16.

Enfin, dans tous les cas où un « notaire » sans le titre reconnaît un acte ad vicem, on peut supposer que c’est un membre de l’établissement destinataire ayant établi l’acte : sans même parler de Flavigny en [1025–1026], déjà cité, c’est le cas à Cormery comme à Notre-Dame de Chartres. Une seule exception recevable se trouve sous Henri Ier17 : le cas est d’autant plus intéressant que le recognoscens est bien attesté par ailleurs comme chapelain royal ; l’établissement destinataire, Marmoutier, composant l’acte royal avec de forts souvenirs carolingiens, traduit sans doute ici une réalité que le formulaire de chancellerie occulte en ne parlant jamais que du chancelier.

- C’est qu’en effet, dernier élément à relever, la chancellerie capétienne entretient des liens particulièrement fort avec la chapelle royale. Ce lien n’apparaît explicitement qu’en 1031, à l’extrême fin du règne de Robert II, quand Baudouin est dit « apocrisiaire ». On sait que sous les derniers Carolingiens, l’archevêque de Reims Adalbéron était archichapelain en même temps qu’archichancelier : le fait qu’un chancelier soit appelé maintenant archichapelain en dit du reste long sur la mise à l’écart de l’archevêque de Reims. Le terme d’apocrisiaire, que l’on trouve en ce sens dans Hincmar, est donné par un acte, sinon douteux, du moins établi par le destinataire, Saint-Bénigne de Dijon. Mais Baudouin lui-même atteste l’union des charges : en 1047, dans un acte rédigé à son nom18, il s’intitule in palatio Henrici regis Francorum cancellarius, puis dans la souscription se dit archicapellanus.

Seule ou presque la pratique croissante de la souscription des actes par les témoins permet enfin de connaître un peu mieux le personnel subalterne. Sous Henri Ier on connaît surtout le chapelain Guiscelin, indiqué aussi, dans deux actes pour Marmoutier, comme associé à l’établissement d’actes.

Dans quelques actes, essentiellement sous Philippe Ier, on voit transparaître le rôle de l’archichapelain, dans la définition d’une ligne en matière de politique religieuse, mais aussi comme mémoire vivante du règne précédent : à propos de la suppression de la charge de prévôt, dans un acte de 1065, le roi justifie son accord à un acte de l’évêque de Châlons en rappelant des interventions analogues de son père Henri Ier à Laon et Compiègne. Non moins essentiel, cet aspect traditionnel de la liaison entre chapelle et chancellerie (cf. les passages biens connus du De ordine palatii d’Hincmar) concorde avec la prétendue « création » des « quatre grands officiers » dès le début des années 104019 : c’est en fait une recréation, qui concorde avec tout ce que l’on peut percevoir de la pensée politico-religieuse de la chapelle-chancellerie : un « revival » carolingien, largement anachronique.

Concluons d’emblée : la chancellerie a, avant Baudouin, et retrouve sous Philippe Ier [p. 48] un rôle (numériquement très modeste) de chapelle-pépinière d’évêques, avec un lien tout spécial avec le siège épiscopal de Paris. Mais, surtout, ce que l’on appelle un peu trop vite la « chancellerie » capétienne est avant tout une chapelle, où une poignée de clercs tiennent à bout de bras l’idéologie royale des « Fürstenspiegel » carolingiens, et gèrent, non sans mémoire ni savoir-faire, la « politique religieuse » de la monarchie – délibérément ancrée dans la tradition – : en bref une chapelle qui, à l’occasion, établit ou valide des actes.

4. Quatrième et dernier élément de ce rapide bilan, le déclin quantitatif de l’acte royal est spectaculaire. Même délicats et provisoires, les comptages sont éloquents20.

Sur la base du matériau connu ou seulement mentionné, on peut attribuer aux actes intitulés au nom des trois premiers Capétiens une moyenne d’environ 2 actes par an : moyenne qui monte à plus de 2 actes sous Robert II et moins de 4 actes sous Henri Ier si l’on y joint les actes de tiers souscrits par le roi. Deux remarques complémentaires doivent être faites :

- Le règne de Robert II se divise nettement en deux périodes, l’arrivée du chancelier Baudouin semblant correspondre à un léger regain d’activité21 : ce gonflement des années 1020–1030 semble en partie lié à une floraison de nouveaux établissements ecclésiastiques, demandeurs d’actes, mais peut-être aussi à des causes plus profondes, qui ne pourront être approchées qu’en poursuivant l’étude du fond des actes.

- Ici encore, la comparaison avec les actes des deux derniers Carolingiens s’impose : l’on y retrouve exactement les chiffres de la première génération capétienne22.

Quant au fond des actes, il laisse voir la lente modification des interventions du roi23  : baisse des diplômes où se manifeste le mieux la souveraineté (confirmations générales, immunité et / ou protection), et parallèlement, si l’on peut oser le terme, « seigneurialisation » de ses interventions (confirmations de dons faits par des fidèles, dons de menus droits du domaine), alors que le vocabulaire de la puissance royale reste toujours fidèle à la tradition carolingienne. Il faut attendre Philippe Ier pour que l’écrit « administratif » progresse, le XIIe siècle pour que soit proposée une nouvelle symbiose entre vocabulaire et expression de la souveraineté royale.

II. Éléments de typologie

L’examen rapide que l’on vient de tenter ne peut, par lui-même, dépasser le stade d’une deploratio assez vaine. Deux propositions peuvent être faites, qu’il faudra explorer plus systématiquement.

1. Il convient en premier lieu d’éviter tout anachronisme, autrement dit il faut traiter l’acte du XIe siècle comme un système, sans vouloir le mesurer à l’aune de l’acte carolingien classique, dont il n’a pas la rigidité conventionnelle, ou de l’acte capétien du XIIIe siècle, dont il n’a ni la fréquence ni le statut. En ce domaine, les diplomatistes ont eu tort d’importer, puis de maintenir dans leur analyse le paradigme [p. 49] de l’anarchie du XIe siècle qu’ils avaient trouvé dans une historiographie politico-sociale aujourd’hui défunte.

A défaut de mieux pour l’instant, on devra se limiter à quelques constatations : l’acte royal du XIe siècle est ouvert sur l’extérieur (plutôt que « contaminé » par l’acte privé), malléable (plutôt que désorganisé) : sous Henri Ier, on connaît deux cas (si ce n’est trois) où l’acte royal (une action juridique antérieure à sa mort) est élaboré ou retravaillé par le destinataire après sa mort. Nous sommes par ailleurs illogiques en postulant que la chancellerie réagit suivant des normes strictes : il faut comprendre pourquoi elle « accepte » des actes établis par le destinataire, mais surtout pourquoi, plus tard, elle ne les acceptera plus.

Il faut aussi comprendre pourquoi la chancellerie « accepte » des souscriptions du roi à des actes de tiers (et si bien, on l’a dit, que le chancelier en 1047 n’agit pas autrement pour lui–même). A ce point, la comparaison avec les actes du duc de Normandie semble très intéressante : dans ce duché, où il n’existe pas de chancellerie ducale, la souscription d’actes de tiers est une véritable pratique de gouvernement (3 actes connus sur 4), enserrant les fidélités dans un fin réseau d’approbations princières24 ; par ailleurs à quelques exceptions périphériques près (Aquitaine, Normandie où 3 des 4 actes souscrits par Henri Ier le sont lorsqu’il s’y réfugie pendant une révolte), un bon nombre des actes simplement souscrits par Henri Ier appartiennent à une zone centrale, qui voit le roi souvent : Paris, Laon, Saint-Quentin, Soissons. En bref, l’acte souscrit par le roi est rien moins qu’un succédané de l’acte intitulé au nom du roi ; bien plutôt une procédure complémentaire, d’aussi grand poids assurément.

En bref, l’acte capétien est le produit d’une double « nouvelle donne » : nouvelle donne dans le rapport écrit-oral, nouvelle donne dans les rapports de pouvoir.

2. Le second point est mieux assuré, au moins dans son ensemble, car son application est délicate : on ne peut se prononcer sur l’acte royal si l’on ne fait le départ entre production de chancellerie et production des destinataires. MAURICE PROU, on le sait, a déjà posé, à partir des actes de Philippe Ier, les fondements de l’enquête. Si le point d’aboutissement est bien connu, les origines le sont moins et la question des procédures d’établissement des actes de Lothaire et Louis V reste à trancher25.

Le point de départ de l’enquête, qui peine aujourd’hui à affiner ses conclusions, a été fourni par certains actes de Henri Ier, où les ressemblances étaient si fortes et si répétées, chez des destinataires sans lien entre eux, qu’elles ne pouvaient être le fait que de la chancellerie. Remontant de proche en proche, j’ai pu même saisir la formation progressive de ce formulaire (en particulier la mise au point du préambule) à la fin du règne de Robert II, sous le chancelier Baudouin26.

Il demeure deux difficultés majeures.

- Même sous Henri Ier où le formulaire semble très rigide, il existe des marges, quelques diplômes où les ressemblances sont trop frappantes pour être le fait du hasard, mais certaines des solutions fondamentales niées dans le même temps : faut-il postuler un établissement à la chancellerie beaucoup plus souple pour certains [p. 50] actes ? L’existence d’un autre rédacteur ou groupe de rédacteurs ? L’adaptation, dans des circonstances mal connues, des recettes de la chancellerie par le destinataire, au moment de l’établissement de l’acte, ou après (réécriture, interpolation) ?

- Autant les solutions du chancelier Baudouin m’apparaissent clairement, autant je dois avouer mon incapacité à comprendre les trois décennies antérieures (987–1017), où manque un fil directeur aussi clair : situation comparable du reste sous Philippe Ier, où la rotation plus rapide du personnel de chancellerie donne aux actes plus de souplesse et de variété, sur fond de tradition, faisant du reste tout l’intérêt de ce règne pour une étude expérimentale sur la part personnelle et la marge de liberté des rédacteurs. Je crois pouvoir attribuer un certain nombre d’actes, sans grande hésitation, à la chancellerie royale, sur la base de formules communes. Mais, durant cette première génération capétienne, les formes diplomatiques carolingiennes sont encore dans tous les esprits, ou presque : chancellerie et destinataires savent les appliquer. Ce n’est qu’ensuite que les chemins divergent.

Un regret aussi : si l’on accepte mes conclusions, on est frappé par la quasi-inexistence d’originaux demeurant du travail de la chancellerie. Le seul cas à peu près sûr est représenté par un acte de Robert II en 102827 ; aucune comparaison n’est donc possible, à la différence des actes de Philippe Ier, pas plus qu’une étude des caractères externes, qui montrent dans l’acte de 1028 la perte totale de l’écriture cancellariale carolingienne. Il y a du reste une bonne raison cela : les établissements qui recourent à un acte écrit en chancellerie sont très souvent les plus récents et / ou les plus pauvres archivistiquement, des établissements qui avaient souvent moins de chance que d’autres de bien préserver leur chartrier. La liste des établissements qui, de 1018 à 1060, reçoivent des actes indubitablement composés à la chancellerie (si l’on met à part les préceptes « mineurs » de gestion du patrimoine royal) est éloquente : Saint-Pierre de Nesle, Fruttuaria, Lusignan, Saint-Pierre-aux-Monts, Noyers (mais aussi Compiègne) sous Robert le Pieux ; Saint-Saulve de Montreuil, Notre-Dame d’Étampes (mais aussi Notre-Dame de Paris, Montier-la-Celle et le chapitre de Langres) sous Henri Ier. Que sont-ils face à la cohorte des Saint-Denis, Saint-Maur-des-Fossés, Saint-Germain-des-Prés, Saint-Bénigne de Dijon ou Marmoutier, passés maîtres dans l’art de créer et manipuler l’écrit, même royal ? Les destinataires les plus riches en archives, en mémoire, en possessions, les mieux à même donc de conserver des originaux, sont aussi ceux qui se passent le plus facilement des services de la « chancellerie » pour écrire « leurs » actes.

En bref, dans les décennies médianes du XIe siècle, on ne voit pas à l’oeuvre une « chancellerie » royale (qui travaillerait mal), mais une chapelle qui, une fois tous les deux ans (sur la base du matériau conservé) intervient directement dans la composition d’un acte royal concernant le domaine ou destiné à un établissement dans le besoin ou particulièrement cher au souverain. Une fois de plus, on voit se généraliser la situation des derniers temps carolingiens28.

Mais cette chapelle-chancellerie travaille bien. Dans la période qui précède Baudouin, elle semble suivre d’assez près les modèles carolingiens, reprenant par exemple les préambules traditionnels du type Si loca sanctorum, ne pratiquant [p. 51] jamais la souscription de tiers. Sous Baudouin on assiste, presque pas à pas, à la mise au point progressive d’un formulaire de précepte ordinaire, ensuite figé jusqu’à la mort de Henri Ier. Ce type d’actes se caractérise par :

  • la cohérence du mode de comput et de l’expression de la date (règne et année de l’incarnation, qui concordent), où l’on abandonne la partition Datum / Actum, et où l’on introduit dans la date de lieu, comme par contresens, le mot publice, issu de l’acte privé ;
  • la cohérence et la stabilité des modes de validation, où ici aussi l’on épure les solutions carolingiennes : monogramme au patron bien fixé, sans formule d’encadrement (et annoncé par manu propria : ce n’est que plus tard que le monogramme devient un signe figuré « mort », prêt à gagner en raffinements artistiques ce qu’il a perdu en poids symbolique) ; sceau sans ruche ; recognition de chancellerie identique (Ego Balduinus cancellarius relegendo subscipsi) ; toujours pas de souscriptions de tiers ;
  • un formulaire, un type de préambule et une structure de l’acte qui seront légués aux actes royaux jusque sous Philippe Auguste.

Il serait trop long d’entrer dans le détail, sauf à souligner tout le poids idéologique de ce formulaire parfaitement maîtrisé, la science d’un chancelier manifestement nourri de Grégoire le Grand et des bons auteurs carolingiens. Les Capétiens sont pleinement rois dans leurs actes. Jusqu’au début du règne de Philippe Ier, l’image d’ensemble véhiculée par les actes (préambule, noms de l’acte, vocabulaire, structure sauf réaménagements par retouches) est pleinement carolingienne. C’est là du reste, très souvent, un bon critère (quoique non décisif) de séparation entre actes établis en chancellerie et actes établis par le destinataire ecclésiastique : aux devoirs du souverain (libéralité, mais aussi maintien des status, des fidélités) s’opposent, chez ceux-ci ; les libertates monastiques ; aux « Fürstenspiegel » carolingiens, l’ecclésiologie et la vision du monde des chapitres et monastères, souvent étalées avec une redoutable prolixité. Une inflexion dans la langue et les idées de la chancellerie royale (ouverte par exemple aux citations bibliques, à la théologie proprement dite) ne se fait sentir que sous Philippe Ier, au moment du reste où apparaît le vocabulaire de l’acte privé (memoriale), où explose la souscription de tiers au bas de l’acte royal, au moment aussi où caracter remplace manus propria pour désigner le monogramme.

De leur côté, les actes établis par les destinataires reflètent des solutions aussi particularistes que les conditions d’établissement. Ils sont évidemment contaminés par les réflexes des rédacteurs monastiques ou canoniaux : préambules très « théologiques » et souvent enflés, clauses de malédiction (et non pénale au profit du roi), insistance souvent mise sur la confirmation par les fidèles du roi, longues colonnes de souscripteurs, diversité des noms donnés à l’acte (littere, karta, notitia, apices, scriptum, à côté de preceptum). Ceci dit, on doit le plus souvent les créditer de la volonté de faire « royal » et, si les résultats sont inégaux, c’est que les points de référence leur manquent parfois. Un établissement modeste, récent, sera plus perméable aux solutions contemporaines. Un établissement à la mémoire longue se [p. 52] dénoncera quant à lui par un acte archaïsant, « plus carolingien » que l’acte de chancellerie contemporain.

En deux autres domaines, la chapelle-chancellerie de Henri Ier manifeste une intervention active dans le domaine de l’écrit. D’abord dans le domaine des actes de tiers souscrits par le roi. En dépit des problèmes posés par la documentation sous Robert II (tous les actes souscrits par ce souverain ne sont plus conservés qu’en copie), il semble bien que ses chanceliers successifs n’aient jamais cherché à organiser la souscription royale, le monogramme semblent n’apparaître qu’à la fin du règne. Sous Henri Ier, la souscription royale tend à prendre une allure plus systématique, par l’apposition du monogramme et du sceau, voire de la date exprimée selon le canon de la chancellerie et de la récognition de chancellerie29, solution parfois reprise aussi pour des actes apportés tout rédigés par les destinataires. Mais ce n’est que sous Philippe Ier qu’on adjoindra à l’acte ainsi confirmé un petit acte autonome, qui finira par absorber le premier.

Par ailleurs, la chancellerie intervient, à tâtons, dans la typologie des actes, l’adaptant, timidement encore, à des besoins nouveaux. Dans les années 1050, en effet, par une étrange résurrection (qui pose, comme le formulaire, bien des problèmes sur les voies concrètes de cette mémoire), la chancellerie délivre, aux côtés des privilèges courants, des « préceptes mineurs », bien typés, moins bien présentés (c’est dans cette catégorie que rentre le trop célèbre original pour Saint-Maur-des-Fossés) : actes de gestion des domaines, ou encore actes d’affranchissement, comme à l’époque carolingienne, ils sont ici aussi dépouillés de fioritures, de préambules (sauf deux cas hybrides) et de monogramme (remplacé ici par un sceau et une croix) ; le dispositif est limité à une brève phrase confirmative ; il y a dans deux cas témoins ou souscriptions de tiers ; la date comporte le mois et le quantième. Pour le reste, on retrouve le fond du formulaire de chancellerie. Le formulaire d’affranchissement de serf suit le rituel franc de l’excussio denarii, qui n’est plus dite secundum legem salicam, mais regio more (on trouve encore en 1109 l’expression excussis denariis regio more dans un acte de Louis VI du fonds de Fleury). On y ajoute (elle abonde, par exemple, dans les actes du chartrier de Marmoutier de l’époque) la clause ut pateat viae quadrati orbis. Ce genre est plus souple que celui des préceptes ordinaires : il y a un fond commun de formules, parce qu’il y a des rédacteurs identiques (la part du chancelier y est moins nettement affirmée) ; il y a aussi un relâchement des formes. Mais là encore, il faudra attendre le règne de Philippe Ier pour voir se développer, et sur d’autres bases, un acte simplifié d’administration courante.

En conclusion, l’acte capétien du XIe siècle vit de sa vie propre, largement ouverte sur les autres types d’actes comme sur la tradition carolingienne maintenue et transmise par la chapelle royale. On ne connaît qu’une trace d’imitation de l’Empire, l’adaptation du type de majesté pour le sceau, mais quelle cour y échappe alors ? Désavantage pour le diplomatiste, mal armé pour la critique face à des formes aussi fluides, cette situation devient une force pour l’historien, qui bénit les actes établis par les destinataires, surtout quand ils tournent à la chronique30 et allongent les colonnes de souscripteurs.

[p. 56] Tableau n. 1 : actes des trois premiers Capétiens (987–1060), statistique provisoire

HUGUES CAPET avec ou sans Robert, roi associé (mai 987 – oct. 996) ROBERT II seul roi (oct. 996 – juil. 1031) HENRI Ier roi (juil. 1031 – août 1060) GUILLAUME Ier1 duc de Normandie (1038–1066) PHILIPPE Ier roi (1060–1108)
A. ACTES INTITULES 13 61 48 28 1232
B. ACTES SOUSCRITS 1 (?)3 14 46 81 40
C. DEPERDITA4 2 10 14 23 9
TOTAL 16 (ou 15) 85 108 132 172
Nb. par an total 1,6 2,4 3,7 4,7 3,7
Nb. par an (intitulés)5 1,4 (1,6) 1,7 (2) 1,7 (2,1) 1 (1,8) 2,6 (2,7)
% actes souscrits (B) dans actes connus (A+B) 7% (0%) 18,6% 49% 74% 24,5%
Actes établis en chancellerie6 3–5 ca. 16–22 ca. 13 ca.
Par an 0,3 à 0,5 0,4 à 0,6 0,45 ca.

1 Sur la base de l’édition de MARIE FAUROUX ; sans compter 8 notices de dons ou de jugements.

2 Sur la base de l’édition de MAURICE PROU ; le chiffre inclut 7 lettres et mandements, types non représentés auparavant.

3 Cas très douteux.

4 Uniquement mentions explicites d’actes écrits (qui peuvent être seulement souscrits).

5 Entre crochets droits, figure le nombre par an du total des actes intitulés et des deperdita (= A+C).

6 Comptage hypothétique, ne concernant que les actes intitulés, indépendamment de l’intervention de chancellerie dans le type B ; inclut les actes interpolés sur fond d’acte établi en chancellerie.

[p. 57] Tableau n. 2 : décomptes particuliers

Tableau n. 2a : ventilation des actes de Robert II par cancellariat

Cancellariat Renaud / Francon Baudouin Actes s. d.
Dates > juin 1017 février 1018 > [996–1030]
Durée 21,5 ans 13,5 ans
Actes intitulés 27 31 3
Actes souscrits 5 8 1
Deperdita sûrs 2 3 5
% période / total 40% 49% 11%
Nb. total / an (datés) 1,6 3,1
Actes chancellerie 8–11 ca. 8–11 ca. 0
Par an 0,4 à 0,5 0,6 à 0,8

Tableau n. 2b : ventilation chronologique des actes de Lothaire et Louis V (954–987)

Tranche Texte conservé Deperdita Total par an
Fin 954–965 (11,2 ans) 18 2 1,8
966–976 (11 ans) 15 3 1,6
977 – mars 986 (9,3 ans) 10 3 1,4
S. d. Lothaire 4
Total règne Lothaire (31,5 ans) 43 12 1,7
Louis V 986–987 (1,2 an) 2 1,7
Total 45 12 1,75

N.B. : le décompte est fait sur la base de l’édition HALPHEN-LOT (1908), mais en tenant compte des additions et rectifications proposées par JEAN DUFOUR, État et comparaison des actes faux ou falsifiés intitulés au nom des Carolingiens français (840–987), dans : Fälschungen im Mittelalter (Congrès Munich, 16–19 septembre 1986), Hannovre, 1988 (M.G.H. Schriften, 33), t. IV, p. 167–210. Les faux assurés sont retranchés, de même que les actes simplement souscrits (tous deux compris dans la première tranche) ; la matière est à peu près répartie par décennie.

[p. 58] Tableau n. 2c : ventilation typologique des actes royaux de 997 à 1108

– Actes intitulés au nom du roi seuls, pourcentage par règne (chiffres provisoires)
Robert II Henri Ier Philippe Ier
Confirmations générales, protection, immunités 39 % 33,5 % 26 %
Dons de biens, droits ou bénéfices royaux 23 % 37,5 % 49 %
Confirmations de dons et abandons par des tiers 38 % 29 % 25 %
– Actes intitulés au nom du roi et actes souscrits par le roi (chiffres provisoires)
Robert II Henri Ier Philippe Ier
Confirmations générales, protection, immunités 32 % 17 % 19 %
Dons de biens, droits ou bénéfices royaux 19 % 19 % 36 %
Confirmations de dons et abandons par des tiers 42 % 64 % 45 %

[p. 59] Tableau n. 3 : la titulature royale des actes de Robert II (NEWMAN n ; 9–97)

Dei gratia rex (N. 18)
Dei misericordia rex (N. 30, 27, 92)
divina favente clementia Francorum rex (N. 28)
divina favente clementia Francorum rex clementissimus (N. 24)
divina favente clementia regni Francorum potenter tenens gubernacula (N. 17)
divina favente clementia rex (N. 26)
divina miserante clemencia [rex] Francorum (N. 50)
divina ordinante clemencia Francorum rex (N. 49)
divina ordinante clemencia rex Francorum semper augustus (N. 31)
divina ordinante providentia… rex (N. 68)
divina ordinante providentia Francorum rex (N. 25, 95)
divina propiciante clementia Francorum rex (N. 9, 14, 46, 73)
divina propiciante clementia rex (N. 39, 44)
divina propiciante clementia rex Francorum (N. 40)
divina propitiante clementia serenissimus rex (N. 12)
divina providente clemencia Francorum rex (N. 83)
divina providente clemencia rex Francorum et abbas monasterii Sancti Aniani (N. 53)
divina repropitiante clementia rex (N. 67)
divinitatis annuente clemencia rex (N. 35)
gratia Dei amminiculante Francorum rex (N. 48)
gratia Dei Francorum rex (N. 15, 20, 33, 45, 52, 55, 57, 59, 60, 64, 70, 72, 81, 84, 86, 88, 89, 91, 97) : chancellerie, entre autres gratia Dei Francorum rex serenissimus (N. 41, 43)
gratia Dei gloriosus rex Francorum (N. 29)
gratia Dei procurante Francorum rex gloriosissimus (N. 58)
gratia Dei rex (N. 51, 77, 82, 94)
gratia et benignitate redemptoris Jesu Francorum rex (N. 47)
gratia ipsius J.C. Francorum rex (N. 23)
propicia largente Christi clementia… Francorum rex (N. 74)
propitiante divina clementia Francorum rex (N. 87)
Regis regum nutu Francorum rex (N. 19)
rex (N. 85)
rex et augustus divina ordinante providentia (N. 16).
[p. 60]
1. 989, 20. 6. Hugues Capet pour Saint-Maur-des-Fossés
[p. 61]
2. 1027 ou 1028. Robert II pour Saint-Pierre-au-Mont de Châlons
[p. 62]
3. 1054–1059. Henri I pour Saint-Maur-des-Fossés
[p. 63]
4. 1033–1037. Henri I – monogramme et sceau

1 JEAN DUFOUR traitant dans le présent volume des actes de Philippe Ier, je ne ferai allusion à ceux-ci, surtout pour le début du règne, que pour mieux souligner traditions et ruptures. Les comptages fournis à leur sujet sont justifiés dans ma contribution « Les actes établis en chancellerie royale sous Philippe Ier », dans : Bibliothèque de l’École des chartes, t. 147, 1989, p. 29–46. Il n’y a, on le sait, en dépit d’une mise au point d’E. POGNON, aucun catalogue critique exhaustif des actes de Hugues Capet ; pour Robert II, on dispose de W.M. NEWMAN, Catalogue des actes de Robert II, roi de France, Paris, 1937 et pour Henri Ier de F. SOEHNÉE, Catalogue des actes de Henri Ier, roi de France (1031–1060), Paris, 1907 (cités d’après le n. d’acte).

2 Voir en particulier son maître-livre, Le gouvernement royal aux premiers temps capétiens (987–1108), Paris, 1965.

3 L’excellent manuel de G. TESSIER, Diplomatique royale française, Paris, 1962, très schématique dans son dédain pour les actes du XIe siècle, propose du reste comme seule illustration de la période (planche VI, après la page 208) l’acte le plus négligé de toute l’histoire diplomatique des rois de France (SOEHNÉE n. 102).

4 Ci-après tableau n. 3.

5 On a à ce sujet le témoignage unique d’un dessin tracé dans les années 1070 au cartulaire-chronique de Saint-Martin-des-Champs (Brit. Library, ms Add. 11662, fol. 4, reproduit dans 987–1987, Orléans, les premiers Capétiens [Exposition, Orléans, novembre–décembre 1987], n. 238, p. 104) : il représente la genèse de l’un des derniers actes de Henri Ier (1060, SOEHNÉE n. 125) : devant les bénéficiaires et l’évêque de Paris en posture d’intercesseur, le roi appose une croix au bas de la feuille de parchemin que lui tend le chancelier. C’est sans surprise qu’on voit, dans une deuxième version, réalisée au XIIIe siècle, la scène changer, sinon de sens, du moins de modalité : le roi ne souscrit plus, il exhibe son acte (Bibl. nat., nouv. acq. lat. 1359, fol. 1).

6 Cf. O. GUYOTJEANNIN, Le monogramme dans l’acte royal français (Xe – début du XIVe siècle), dans : Graphische Symbole in mittelalterlichen Urkunden, éd. P. RÜCK, sous presse.

7 Chiffres ci-après, tableau n. 1.

8 SOEHNÉE n. 76 (1047).

9 SOEHNÉE n. 38 : Yves de Bellême dit avoir transmis l’acte au roi son seigneur (dont le bénéfice est donné à Saint-Père de Chartres) ; l’acte est copié au cartulaire, qui aurait pu négliger la validation royale mais qui dans un cas analogue transcrit une souscription de Lothaire (ci-dessous note 10) : interpolation (comme le voulaient les éditeurs, HALPHEN et LOT) ou non, c’est la preuve que le cartulariste est sensible aux souscriptions royales et n’a pas omis (au moins volontairement) l’éventuelle souscription de Henri Ier à l’autre acte – SOEHNÉE n. 68  : le duc de Bourgogne, frère du roi, annonce la corroboration royale, mais le signum Henrici qui figure plus bas dans la copie serait plutôt celui de son fils que celui du roi ; le cas est d’autant plus probant qu’un acte de tradition analogue pour le même destinataire (Saint-Germain-des-Prés) a bien conservé la validation royale (SOEHNÉE n. 56) – Acte pour Marmoutier (Arch. dép. Loiret, H 194 ; SOEHNÉE) : cas me semble-t-il incontestable (original et non copie figuré comme on l’a prétendu), où l’interruption de la procédure serait due à un épisode militaire.

10 HALPHEN-LOT n. 19 (acte du comte de Troyes pour Homblières, 963 : nouv. édition dans W.M. NEWMAN et T. EVERGATES, Cartulary and charters of Notre-Dame of Homblières, Cambridge [Mass.], 1990, n. 11, p. 51–52), pour qui l’adjonction de Francorum à regis marque l’interpolation ; HALPHEN-LOT n. 23 (acte de 965 co-souscrit avec Otton Ier à la demande de Brunon de Cologne, en faveur de l’évêque de Liège). – Les éditeurs en outre signalent pour la rejeter (p. V, note 4) une copie d’un acte de l’évêque de Chartres en 984 pour Saint-Père de Chartres où après la date on mentionne la souscription du roi (anno XXX° regni Hclotharii feliciter qui subscripsit).

11 Acte du chartrier lorrain de Bouxières, vers 978, édité par R.-H. BAUTIER, Les origines de l’abbaye de Bouxières-aux-Dames au diocèse de Toul, Nancy, 1987 (Recueil de documents sur l’histoire de Lorraine, 27), n. 38, p. 119–120 : hanc cartae notitiam fieri decrevi et anulo regis, cujuscumque Deus regno preesse elegerit, ad perficiendam soliditatem traditionis insigniri deposco. La fin de l’acte présente un blanc important (14, 5 cm), aménagé pour la validation en chancellerie, jamais apposée (cf. BAUTIER, Les origines, p. 44–45). Les circonstances sont exceptionnelles, il est vrai. Le bien concerné avait été jadis acquis par concession royale, il en fallait une nouvelle pour disposer du bien, à un moment où l’incertitude du rattachement politique demandait d’être prudent. Il n’en reste pas moins que ce témoignage éclaire ce que l’on sait des pratiques des derniers temps carolingiens dans le royaume de l’Ouest.

12 TESSIER écrit ainsi (Diplomatique royale, p. cit. p. 131) : « Ce n’est qu’au XIIe siècle que le nom de cancellarius s’appliquera exclusivement au chef des écritures royales. Ici et là, on le voit désigné sous les noms fantaisistes et pédants de cartigraphus, apocristarius, signator ». Or les actes cités sont tous établis par des destinataires divers.

13 Acte pour Corbie. Adalbéron était, depuis son avènement au siège métropolitain de Reims en 969, archichapelain en même temps qu’archichancelier.

14 Acte pour Lagny, avec intervention du comte de Champagne (NEWMAN n. 49). L’archevêque est appelé primus cancellarius (et non, comme ailleurs, summus cancellarius) alors que le « chancelier » ordinaire est dit subcancellarius.

15 C’est dans les actes rédigés par les destinataires, on l’a déjà dit, que figurent les épithètes les plus recherchées et les plus variées : cartigraphus à Saint-Denis (si le terme désigne bien le « chancelier » et non un moine : il est en tout cas repris dans un faux anglo-saxon forgé à l’abbaye) ; subcancellarius à Lagny, on l’a déjà dit, pour mieux faire ressortir le rôle de l’archichancelier ; signator à Notre-Dame de Chartres, etc.

16 NEWMAN n. 83 et 87. Il existe naturellement, mais toujours chez les destinataires, d’autres expressions. On ne peut en tirer aucune conclusion sur l’organisation de la chancellerie, comme l’a bien vu W.M. NEWMAN : Baudouin, dès 1018 « chancelier », est en 1019 dit « sous-chancelier » (acte pour Lagny déjà cité), et « notaire » dans un acte de 1030 pour Notre-Dame de Bonne-Nouvelle à Orléans (NEWMAN n. 82) : c’est une simple réminiscence carolingienne dans cet acte qui n’en est pas avare, par exemple pour la formule d’encadrement du monogramme ou l’annonce de l’anulus royal.

17 SOEHNÉE n. 90 : Guiscelinus ad vicem Balduini recognovit et subscripsit ; toujours à Marmoutier, attestation dans SOEHNÉE n. 71. Il apparaît aussi comme chapelain royal dans les actes n. 79, 83, 91, 102, 115 et 116.

18 SOEHNÉE n. 76.

19 On sait que leurs titres commencent à apparaître sous Henri Ier, et que leurs souscriptions, élément fondamental du diplôme capétien classique, s’organisent sous Philippe Ier, et plus tôt que MAURICE PROU ne l’a écrit, puisque le phénomène me semble volontaire à la chancellerie dès 1079–1082. Or, si l’on met de côté un « apocrisiaire »-chancelier et un « comte palatin », dont le roi a été débarrassé en 1037 par la mort de l’encombrant Eudes II, les quatre « grands officiers », chambrier, sénéchal, bouteiller et connétable, sont déjà les quatre premiers officiers cités dans le De ordine palatii d’Hincmar à la tête des ministr[i per quos] sacrum palatium disponebatur.

20 Ci-après tableau n. 1.

21 Ci-après tableau n. 2a.

22 Ci-après tableau n. 2b.

23 Ci-après tableau n. 2c.

24 Ci-après tableau n. 1.

25 Dans l’introduction à leur édition, HALPHEN et LOT sont particulièrement évasifs, puisqu’après avoir constaté la grande diversité des formules, ils décrètent que « presque tous » les diplômes sont « d’ordinaire » établis en chancellerie.

26 C’est sur la base de ces comparaisons, dont le détail ne peut être évoqué ici, que reposent les comptages approximatifs proposés ci-après, tableau n. 1.

27 NEWMAN n. 70, pour Saint-Pierre-aux-Monts de Châlons.

28 Du plus haut intérêt l’acte de [979–986], original et indubitablement authentique, de Lothaire et Louis V pour Notre-Dame de Paris (HALPHEN-LOT n. 56) : les souverains apposent des chevrons autographes à des monogrammes très « fantaisistes ». L’acte échappe, non sans volonté d’imitation, aux canons de chancellerie, qu’il s’agisse du format, de l’écriture, ou de certaines parties du formulaire.

29 Prototype : SOEHNÉE n. 78 pour Saint-Pierre de Laon.

30 Voir par exemple la date de l’acte SOEHNÉE n. 108 : mortuis eodem anno Rainoldo comite et ejus filio Widone et obsessa turre Suessionensi ab Henrico rege [seule source pour nous de cet événement] ; des actes n. 115 et 116 : eo videlicet anno quo filium suum Philippum, paucis ante illam ordinationem diebus, tunc scilicet quando obsidebat castrum Theodemerense. Pour la même raison, on l’imagine, une analyse lexicale fouillée sera du plus haut intérêt.