École des chartes » ELEC » Cartulaires d'Île-de-France » Saint-Martin-des-Champs » Tome 1 » VI. — Actes concernant Saint-Martin-des-Champs sous le règne de Louis VI le Gros » Rome, Latran, 9 mars 1127

Le pape Honoré II, à la prière du cardinal Mathieu, évêque d'Albano, place sous la tutelle et la protection du Saint-Siège le prieuré de Gournay, et confirme au prieur Serlon les bénéfices et les propriétés qui constituent la dotation de cet établissement.

  • A Original perdu.
  • B Copie de 1223, Arch. nat., LL 1397, fol. 1-2 ; « Visa et collata fuit presens bulla ad suum autographum, cui sub filis rubeis sericeis adpendet sigillum plumbeum cum his verbis : HONORIUS PAPA SECUNDUS. »
  • C Copie du xviie siècle, Arch. nat., LL 1398, fol. 4-5, incomplète.
  • a Recueil des chartes et documents de l’abbaye de Saint-Martin des Champs, monastère parisien, éd. Joseph Depoin, Ligugé, 1913-1921.
D'après a.

Honorius episcopus, servus servorum Dei, dilecto filio Serloni priori ecclesie sancte Dei genitricis Marie et Sancti Johannis Evangeliste supra Maternam fluvium, justa Gornaium castrum site, que juris Beati Martini de Campis est, ejusque successoribus regulariter substituendis, in perpetuum. Habitantes in domo Domini, in sinceritate charitatis unanimes, conservant veritatem spiritus in vinculo pacis. Pure namque mentis religio, et indissolubili divini amoris glutino confirmata, vultum clementissimi Creatoris, ut terrena cœlestibus conjungantur et ima supernis socientur, mundis orationibus incessanter profusis inclinat. Sicut enim humani compagem corporis spiritus interior regit atque vivificat, ita religiose mentis vegetacio et salus extitit moderatrix inspirationis divine benignitas. Quapropter, dilecte in Deo fili Serlo prior, interventu venerabilis fratris nostri Mathei Albanensis episcopi, tuis rationabilibus postulationibus inclinati, ecclesiam beate Dei genitricis Marie sanctique Johannis Evangeliste, que juris Beati Martini de Campis est, cujus administrationem ex obedientia tibi injuncta obtines, in beati Petri tutelam et Apostolice Sedis protectionem suscipimus. Bona igitur et possessiones que eadem ecclesia impresenciarum juste et legitime possidet sive in futurum, largiente Deo, poterit adipisci, firma cenobio Beati Martini de Campis et illibata permaneant. In quibus hec propriis nominibus duximus annotanda : Predictam videlicet ecclesiam gloriose Dei genitricis Marie et sancti Johannis Evangeliste cum suis clausuris et circumadjacente ambitu, et cum omnibus ad ipsam pertinentibus, que ab ipsis fundatoribus Guidone Rubeo74 et ejus uxore Adhelaida70 a atque Ansello dapifero353, assensu Parisiensis episcopi, predicto monasterio Beati Martini de Campis oblata est. Terram de Luabum380. Molendinum apud Gornaium278. Totam villam Rusiacum141 et adherentem terram, terminis circumquaque fixis designatam. Silvam ejusdem ville ad vestrum et hospitum vestrorum usum concessam. Nuisiellum137 cum hospitibus, terris, pratis, vineis, molendinis, silva, cum aliis que ibidem habetis. Ecclesiam de Berceriis140 cum pertinenciis suis. Ecclesiam de Puntel140 cum p. s. Ecclesiam de Essonia381 cum p. s. Quidquid etiam habetis apud Bercorellas, apud Torciacum139. Vineas apud Nusiacum407. Apud Canoilum152 quidquid Albertus de Bri vobis dedit, ecclesiam scilicet cum p. s., prata, terram et silvam. In vodo381 quod est inter Gornaium et Calam280, quindecirn arpenta pratorum, terram et silvam de Campo mussoso383, terram quoque que dicitur Raimundi.

Decernimus ergo ut nulli omnino hominum liceat eandem ecclesiam, que juris Beati Martini est, tentare perturbare, aut ejus possessiones auferre, vel ablatas retinere, minuere, vel temerariis vexationibus fatigare. Sed omnia integra conserventur eorum pro quorum sustentatione et gubernatione concessa sunt usibus omnimodis profutura. Salva diocesani episcopi justicia. Si qua igitur in futurum ecclesiastica secularisve persona hanc nostre constitutionis paginam sciens contra eam temere venire temptaverit, secundo terciove commonita, si non satisfactione congrua emendaverit, potestatis honorisque sui careat dignitate, reamque se divino judicio existere de perpetrata iniquitate cognoscat, et a sanctissimo corpore ac sanguine Dei et domini redemptoris nostri Ihesu Xristi aliena fiat, atque in extremo examine districte ultioni subjaceat. Cunctis autem eidem ecclesie justa servantibus, sit pax domini nostri Ihesu Xristi. Quatinus et hic fructum bone actionis percipiant et apud districtum judicem premia eterne pacis inveniant. Amen. Amen. Amen.

Ego Honorius catholice ecclesie episcopusa.

per manum Aimerici, sancte Romane ecclesie diaconi cardinalis, et cancellarii .


74 L'auteur de cette donation est une personnalité notoire du règne de Philippe Ier. C'est Gui le Rouge fils de Gui le Grand de Montlhéry ; son père assistait Henri Ieren 1059 lorsqu'il dota solennellement la collégiale de St-Martin-des champs (nº 7) et Philippe Ier lorsqu'en 1067 il en confirma l'établissement (nº 12). Lui-même intervint fréquemment pour faciliter et approuver les donations de ses vassaux au prieuré clunisien. On le rencontrera plus loin avec le titre de comte, accompagné parfois du surnom de Rochefort : « Wido comes " ou » Wido comes de Rupeforti ». Il mourut en 1107.

Élisabeth, sa seconde femme, s'identifie avec « Isabeldis, comitissa de Creciaco castro « qui, veuve de Bouchard II de Corbeil, assista à la première messe célébrée par saint Gautier, abbé-fondateur de St-Martin-de-Pontoise, sur l'autel de St-Nicolas de Morcerf (Cartul. de St-M. de P., p. 10, nº xi). Le récent mémoire de M. Estournet sur Bouchard II, comte de Corbeil dans les publications de la Société du Gâtinais, a précisé ce point. L'une des filles d'Élisabeth, Béatrix de Pierrefonds, fut aussi bienfaitrice de St-Martin des Champs.

353 La comparaison des deux premières phrases de cette notice révèle que la série de cent pièces (en fait 98 seulement) qui constitue la première partie du recueil factice ms. lat. 10977, et porte le titre de Liber Testamentorum Sanet Martini de Campis, a été rassemblée et transcrite après la mort du prieur Thibaud Ier (8 janvier 1116). Cette notice a été rédigée entre son décès et celuii d'Anseau de Garlande. Au cours du troisième siège du Puiset par Louis le Gros, qui se place, d'après Luchaire (Annales de la vie de Louis VI, p. 115, nº 236, entre le 5 janvier et le 1er mai 1118, le châtelain Hugues III, dans une sortie, tua le grand-sénéchal d'un coup de lance. Il est naturel de penser que Manassé profita de la disparition du prieur Thibaud, très en faveur auprès du jeune roi, pour soulever contre la libéralité de sa grand'mère maternelle une réclamation d'ailleurs couronnée de succès.
380 Luabum était, d'après Lebeuf (Hist. de la ville et de tout le diocèse de Paris, édit. Bournon, II, 535), « de la paroisse du Pin, à une lieue de Chelles, parce que les seigneurs de cette paroisse avoient là une dîme (décima de Luabium) dont Jean et Maurice de Pomponne gratifièrent le prieuré de Pomponne sous Louis VII, ce qui fut approuvé par l'évêque de Paris en 1177 ». M. Henri Stein (Bulletin de la Soc. de l'Hist. de Paris et de l'Ile-de-France, 38e année, 4e livr., 1911, p. 223) cite un acte de 1397 relatif à Gournay-sur-Marne où les moines citent « nostre hostel et granche de Liaubon, assise ou terrouer et finage d'illec « (A. N. S 1417 B) ; un acte de 1523 place « le terrouer de Leaubon entre le villaige du Pin et Chesles-sainte-Baulteur ».

278 Gournay-sur-Marne, ca. Le Raincy, ar. Pontoise (S.-et-O.). — Il est surprenant que ni la donation primitive de Gui le Rouge à St-Martin-des-Champs, ni l'approbation de Louis VI n'aient été conservées sous une forme diplomatique ou tout au moins par des notices insérées dans un recueil de titres. Les lettres de l'évêque Gilbert II sont le seul document qui atteste l'existence de ces actes, alors que d'autres, moins importants, concernant Gournay, furent insérés au Liber Testamentorum de St-Martin, et bien qu'à Gournay même un cartulaire important ait été composé. L'énoncé de la charte épiscopale ne va pas sans difficultés. On y attribue à Gui le Rouge et Aélis (sa première femme ; cf. p. 49, note a, et p. 63, note 74) non seulement la construction de Notre-Dame de Gournay, ce qui est admissible, mais aussi la donation de l'église et de son douaire à St-Martin. Or, Gui s'est remarié peu de temps après l'établissement des Clunisiens à St-Martin-des-Champs, tandis que le silence de la bulle d'Urbain II ne permet pas de considérer la donation de Gournay comme antérieure à 1096. D'ailleurs, Gilbert constate l'approbation donnée par le roi Louis à cette donation ; elle est donc postérieure à 1098. Enfin la lettre suivante d'Ives de Chartres montre qu'il existait à Gournay une communauté à laquelle il invite le prêtre Gonthier à se joindre et qui paraît être une collégiale plutôt qu'une congrégation. (Ives n'aurait pu agir avec une autorité semblable sur un monastère dépendant de Cluny et stué dans un diocèse autre que le sien) :

« Ivo, humilis Carnotensium episcopus, Gontherio (al. Gunheriov. c.) fratri et compresbytero ascendenti e convalle lacrymarum, intense cantare canticum graduum.

« Gaudeo te quasi postliminio rediisse, gratias agens protectori nostro, cujus misericordia te protexit etiam per marina discrimina. Nunc ergo quia incolumis es redditus fratribus tuis, licet desiderio interne quietis omnibus prodesse non possis, tamen vel paucis prodesse non graveris. Unde monco fraternitatem tuam ut ad ecclesiam Gornacensem Beatæ semper Virginis transeas, ubi et desiderate quieti vacare, et aliquorum fratrum saluti poteris providere. De cetero ora pro me, frater charissime, ne remigantem in altitudine maris tempestas submerget me. Vale. »

(Ivo Carnotensis episcopi epistola xi, edit. Magne, Patrologia latino, t. CLXII, col. 24. — Cf. Lebeuf, Hist. de la ville et du dioc. de Paris, édit. Bournon, t. IV, p. 610).

141 Roissy, ca. Tournan, ar. Melun. Cette localité et les précédentes se retrouvent plus tard aux mains des membres de la maison de Garlande. La possession de terres voisines de Tournan par cette famille rend toute naturelle l'alliance qui fit passer plus tard dans une de ses branches la seigneurie même de Tournan.
137 Noisiel, ca. Lagny, ar. Meaux. — Cette terre fut possédée à la fin du xie siècle par Gilbert Payen de Garlande, frère d'Anseau, le sénéchal de Louis VI. Adam, fils d'Aubert, nous apparaît comme la tige de cette maison. Anseau de Garlande, fils d'Adam, et ses frères, réclamaient contre Giboin, abbé de Lagny, l'avouerie des terres de Corbon et de Courtalin (voisine de Faremoutier), comme ayant appartenu à leurs ancêtres (s. d. Ms. lat. 9902, fol. 115). Sire Aubert, père d'Adam, s'identifie, croyons-nous, avec le père du grand-bouteiller Hugues et de Gautier, dont fut fils le grand-chambrier Galeran de Senlis. Cette parenté expliquerait la haute fortune des frères de Garlande.
140 Pontault, ca. Tournan, ar. Melun, au doyenné de Lagny. — Berchères, près de Pontault. Le pouillé parisien de 1205 indique que les cures de Pontault, de Berchères, de Roissy, de Noisiel et de Gournay sont à la nomination du prieur de Gournay-sur-Marne (Aug. Longnon, Pouillés de la province de Sens, p. 356, 447)
381 Essonnes, ca. Corbeil. — Sur l'histoire religieuse de cette paroisse, cf. Depoin, Notre-Dame des Champs, prieuré dyonisien d'Essonnes (tir. à part du Bulletin de la Soc. historique de Corbeil). — Vodum, fossa (Ducange, Glossarium medix et infimæ latinitatis).
139 Torcy, ca. Lagny, ar. Meaux.
407 Ces vignes à Noisy (-le-Grand, sans doute) ne sont pas mentionnées dans le diplôme de Louis VI en 1122 (nº162) ; c'était une adjonction toute récente au patrimoine du monastère.
152 Chenou, ca. Château-Landon, ar. Fontainebleau (S.-et-M.).
280 Lagny-sur-Marne, ar. Meaux (Seine-et-Marne). — Chelles, ca. Lagny. — Villeflix, éc. Noisy-le-Grand, ca. Le Raincy, ar. Pontoise (S.-et-O.).
383 Cocherel, ca. Lizy-sur-Oureq, ar. Meaux. — Campus mussosus serait-il Chamoust, éc. Sainte-Aulde, ca. La Ferté-sous-Jouarre, ar. Meaux ?
a Les deux derniers « Amen » et la souscription du Pape, omises par le copiste de B, ont été complétées en marge après collationnement.