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L’établissement

Historique

Les origines de l’abbaye de Porrois remontent aux premières années du XIIIe siècle. Prenant en 1202 la croix pour la deuxième fois, Mathieu de Montmorency, seigneur de Marly, trouva la mort au cours de la quatrième croisade, ce qui l’empêcha de mener à bien le projet qu’il avait formé d’établir, sur ses terres, une maison de religieuses. Sa veuve Mathilde de Garlande procéda à sa place à la fondation d’une maison de moniales en 1204. Celle-ci fut établie sur un petit fief nommé Porrois, acquis de Milon de Voisins et dont les droits furent cédés par Guillaume de la Ferté, seigneur de Villepreux. Dans son action, la fondatrice obtint le soutien de l’évêque de Paris Eudes de Sully.

Installée au fonds d’une vallée appartenant à la paroisse de Magny-l’Essart, l’abbaye succéda à une petite chapelle dédiée à saint Laurent que l’on peut considérer comme seul lieu de culte antérieur, attesté par les sources. Le lieu n’avait rien d’un désert, situé près de la route Paris-Chartres. L’abbatiale, portant le vocable de sainte Marie dès 1204, fut consacrée en 1230. Le nom primitif de Porrois (parfois Pourras), encore utilisé en 1328 (et même en 1670), fut dès 1216 concurrencé, par le biais de la relatinisation Porregium, par une réinterprétation, Portus Regis ou Portus regius, Port-Royal, à comprendre dans un sens pieux, Hâvre du roi des Cieux.

L’appartenance de Porrois à l’ordre de Cîteaux est mentionnée pour la première fois en 1209 par une bulle d’Innocent III (éd. n° XV). L’affiliation était confirmée en 1215 (éd. n° XXI-XXII). Il fallut attendre l’année 1225 pour voir la véritable réception de l’abbaye dans l’ordre par le chapitre général, grâce à l’influence de l’évêque de Paris. Il est pourtant possible, et ce à l’image d’autres monastères féminins du XIIIe siècle, que les moniales aient suivi dès la fondation le mode de vie de Cîteaux sans avoir acquis officiellement le statut de cisterciennes. Après l’incorporation, le monastère fut placé dans la filiation de l’abbaye des Vaux-de-Cernay, fille de Clairvaux, située à proximité de Porrois (Yvelines, cant. Chevreuse, comm. Cernay-la-Ville) : cette abbaye exerçait déjà en 1208 une sorte de tutelle sur la communauté (éd. n° X-XI).

La fin du Moyen Âge vit l’abbaye en prise à de graves difficultés matérielles, atténuées à la fin du XVe siècle, éclatantes à nouveau avec les guerres de Religion, avant que le nom de l’abbaye ne connaisse une réputation internationale. En 1599 en effet, Jacqueline Arnault, fille d’Antoine Arnault, riche avocat parisien, alors qu’elle était âgée de sept ans, fut admise comme assistante de l’abbesse Jeanne de Boulehart. Elle lui succéda à sa mort en 1602, sous son nom de confirmation Angélique. Le passage sous l’influence de la famille des Arnault entraîna, par sa puissance économique, le redressement du temporel de l’abbaye. Mais elle transforma aussi Port-Royal en un foyer de la réforme catholique : le 25 septembre 1609, la mère Angélique refusa à sa famille l’entrée dans l’abbaye et instaura le retour à la clôture stricte et à l’observance étroite du mode de vie cistercien. En 1624-1626, les moniales se transféraient au Faubourg Saint-Jacques à Paris, où la famille Arnault avait acquis une maison. En 1627, la nouvelle communauté à Paris fut placée sous l’autorité de l’évêque de Paris et échappa ainsi à l’observance cistercienne. L’ancienne maison de Port-Royal devenait Port-Royal-des-Champs, où seul demeurait un chapelain. Le site accueillit un petit groupe de disciples de Saint-Cyran, les Solitaires, qui assurèrent la diffusion des idées de leur maître au-delà de sa mort. Le retour d’une partie des moniales en 1639 nécessita leur déplacement. Devenu un centre important du jansénisme français, Port-Royal-des-Champs fut pris dans les troubles du débat théologico-politique qui domina la deuxième moitié du XVIIe siècle. Cela amena en 1669 la séparation définitive de la communauté de la maison parisienne. Après la dispersion en 1705 des quelques moniales qui restaient, on rasa les bâtiments conventuels en 1710. Port-Royal-des-Champs fut définitivement supprimé en 1713. Le couvent parisien fut saisi à la Révolution dans le cadre de la confiscation générale des biens du clergé. Les bâtiments servirent ensuite comme prison sous le nom de Port-Libre.

Les vestiges de l’abbaye ont été classés Monuments historiques en 1947 (http://www.culture.gouv.fr/documentation/merimee/accueil.htm).

Localisation du patrimoine à grands traits

L’appui soutenu des seigneurs de Marly dans les premières années permit à la maison d’étendre rationnellement son patrimoine par des achats assez vite importants. Il reste que la fondation s’installait dans un paysage déjà densément occupé ou protégé, ce qui explique la pulvérisation du patrimoine et la recherche de toutes les formes d’investissement, loin de la constitution de quelques grandes exploitations. Les biens, au témoignage des chartes, ne semblent pas spécialement denses dans les environs immédiats ; dès 1220, une poussée d’acquisitions s’observe à Paris même (acquisition de deux maisons aux Halles et d’une échoppe sur le Grand-Pont : éd. nos XLII, XLVIII, LI) ; les possessions et droits s’étirent de Sèvres et Meudon et de Marly et Bougival aux environs de Gallardon. Cette implantation à cheval sur les deux diocèses de Paris et de Chartres explique la présence dans le chartrier d’actes des évêques de ces deux sièges.

L’édition d’Adolphe de Dion ne permet malheureusement que des identifications sommaires et l’étude du patrimoine reste à faire. Nous ne proposons donc que sous toute réserve une simple carte de localisation des biens cités dans les plus anciennes chartes de l’abbaye (1204-1225).

Réseaux de bienfaiteurs

La famille des seigneurs de Marly (auj. Marly-le-Roi, Yvelines, ch.-l. cant.) continua à jouer un rôle important dans la vie de l’abbaye. Sans surprise, on voit aussi l’établissement soutenu par les Montmorency, parents des Marly, et par les grandes familles de la zone, Chevreuse et Montfort. Une lecture rapide suffit pour montrer que les soutiens ne manquèrent pas dans les rangs des chevaliers de village (Meudon, Vélizy…) pas plus que chez des bourgeois parisiens. Quelques actes, dans la foulée, furent obtenus des rois Louis VIII et Louis IX.