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[fol. 99v]

Estat de causes

Charles etc., a tous les justiciers de nostre royaume etc. Nous voulons et vous mandons et a chascun de vous, si comme a lui appartendra, que toutes les causes et querelles meues et a mouvoir en demandant et en defendant debtes, besoingnes, possessions et biens quelzconques de N., lequel se dit estre presentement monté et armé suffisamment en nostre service soubz le gouvernement et en la compaignie de nostre amé et feal conseiller et maistre des arbalestriers, le sire de Torsay1, ou voyage qu'il fait presentement ou païs du Maine par nostre commandement et ordonnance pour le recouvrement d'aucunes places qui y sont occuppees par les Anglois, noz anciens ennemis, et pour en extirper iceulx ennemis, vous tenez et faites tenir en estat du jour de la date de ces presentes jusques a quinze jours aprés son retour, et ce pendant ne attemptez ou innovez ne faites ou souffrez aucune chose estre faicte, attemptee ou innovee contre ne ou prejudice dudit Tel ne de sesdictes causes, quereles et besoingnes ; mais se faicte, attemptee ou innovee estoit au contraire, [fol. 100] ramenez la ou faites ramener et remettre sanz delay au premier estat et deu. Car ainsi etc. Et audit etc. Non obstans quelzconques lettres surreptices etc. Donné etc.

[11.16.a] ¶ Nota que la lettre d'estat se doit adrecer a tous les justiciers du royaume et non pas seulement a ceulx du roy ; car on a souventes foiz a faire devant autres juges que royaulx. Et quant celui qui prent l'estat s'en veult aidier en parlement ou aux requestes, pour honneur de la court on le doit adrecier formeement a nos seigneurs de parlement, et si fait on communement aux bailliz ou seneschaulx2 devant lesquelz on s'en veult aidier quant on le scet, et puis on met la generalité aprés, c'est assavoir et a tous les justiciers de nostre royaume etc. Toutesvoyes qui seroit adjourné a comparoir en personne ou qui seroit convenu pour un delit ou autre cas criminel, teles lettres d'estat en general ne leur proufiteroit riens, ne pourtant on n'y laisseroit a proceder sinon que les lettres feissent mention du cas en particulier.

[11.16.b] * ¶ Item nota ces motz lequel se dit estre, car en ce cas le roy ne l'afferme pas, et ainsi celui qui se veult aidier de l'estat doit avoir et exhiber aux juges lettre certifficatoire de son cappitaine qu'il est ou service etc. ; toutesvoyes quant celui est de l'ostel du roy ou homme notable et le roy ou le chancelier scevent ou sont informez a la verité qu'il est ou service etc., ou quant la certifficacion du cappitaine est monstree en chancelerie avec la lettre d'estat, on donne l'estat affirmativement en disant ainsi : lequel est montéetc. et, puis que le roy l'afferme par ses lettres, il n'est plus besoing d'avoir certifficacion en jugement ne dehors.

[11.16.c] * ¶ Item nota que, quant le roy chevauche en armes, on donne communement l'estat jusques a un moys aprés le retour.

[11.16.d] * ¶ Item aussi, quant c'est pour gens qui sont en une frontiere, on leur donne communement leur estat prefix3.

[11.16.e] * ¶ Item aucuns veulent souventes foiz avoir estat du jour qu'ilz partirent de leur hostel, mais on n'a pas acoustumé de le leur donner, fors seulement du jour des lettres.


1 Jean de Torsay figurait parmi les membres de la Cour amoureuse de Charles VI (Carla Bozzolo et Hélène Loyau, La cour amoureuse dite de Charles VI, t. I, Paris, 1982, p. 134). D'abord au service du duc de Berry, sénéchal de Poitou depuis juin 1405, il avait été nommé maître des arbalétriers en janvier 1416. Destitué de cette fonction par Charles VI en 1418, il la conserva au service du dauphin jusqu'à sa mort. Son testament date du 25 avril 1427 (Guérin, au t. 26, 1896, p. XXIV-XXIX et longue notice aux p. 242-247). Les Anglais conquirent plusieurs places du Maine durant l'année 1424 (René Planchenault, La conquête du Maine par les Anglais : campagne de 1424-1425, dans Revue historique et archéologique du Maine, t. 81, 1925, p. 3-31) et il est probable que cette formule fasse référence aux campagnes de Charles VII pour contrer leurs incursions. En tout cas, le syntagme de nostre royaume présent dans l'adresse donnerait novembre 1422 comme terminus a quo, si l'acte-source est bien de Charles VII. Une lettre d'état de rédaction voisine (mais offrant aussi certaines différences avec la présente formule) fut délivrée en faveur de Jean Chauvereau, un compagnon de Jean de Torsay, le 13 juillet 1424 (éd. Guérin, au t. 26, 1896, n° MIV, p. 417-419, signée par le notaire J. de Caours).
2 P donne aux autres juges.
3 Prefix : fixé, arrêté, décidé d'avance (Godefroy, t. VI, p. 376), que nous interprétons dans le présent contexte “rédigé à l'avance”. P, d'ordinaire plus laconique, ajoute ici : Et aucuns veulent souvent estat du jour qu'ilz partent de leurs hostelz, mais on n'a pas acoustumé de leur donner sinon du jour des lettres.