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[fol. 23v]

Souffrance de paier rachat et autres devoirs

Charles, duc d'Orleans et de Valoys, conte de Bloys et de Beaumont et seigneur de Coucy1, au gouverneur de nostre duchié d'Orleans ou a son lieutenant, a noz procureur et receveur ou commis a nostre recepte ilec ou a leurs lieuxtenans et substituz et autres noz officiers a Chastel Regnart2, salut. Comme nagaires par noz autres lettres nous ayons octroyé de grace especial a nostre bien amé maistre Jehan Le Picart, secretaire de mon seigneur le roy et de mon seigneur le daulphin regent3 , terme, respit et souffrance jusques a un an a compter de la date d'icelles de nous faire les foy et hommage que tenu nous estoit faire pour raison de sa terre de Varennes, en la parroisse de Saint Germain lez Gy les Nonnains4, a lui venant et appartenant, si comme il dit, par certain transport que lui en avoit fait feu Linon Barroise, a qui elle estoit advenue et escheue par le deces de Jehanne, jadiz femme de feu maistre Nicolas de Monclenon5, suer de ladicte Linon, ladicte terre mouvant et tenue de nous en fief a cause du lieu de La Louvatiere6 lez Chasteau Renart, qui jadiz fut a feu messirea Pierre de Menou7, et lequel lieu nous appartient a present, et pour ce que en nosdictes lettres de souffrance est contenu que ledit maistre Jehan nous paiera les devoirs qui pour ce nous appartiennent, lesquelz il n'a pas paiez, vous ou aucuns de vous avez pour occasion de ce fait arrester et empescher sadicte terre ou autres de ses biens, si comme il dit, nous requerant nostre grace et provision sur ce. Pour quoy nous, ayans regart et consideracion aux services et plaisirs que nous a faiz icelui maistre Jehan Picart et qu'il est continuelment occuppé ou service de mon seigneur le regent, a icelui maistre Jehan avons par deliberacionb des gens de nostre conseil donné et octroyé, donnons [fol. 24] et octroyons de grace especial par ces presentes terme et delay de nous paier le rachat ou quint denier et tous autres devoirs en quoy il pourroit estre tenu envers nous pour raison de sadicte terre de Varennes jusques a nostre delivrance et retour de ce royaume. Si vous mandons et a chascun de vous, si comme a lui appartendra, que de nostre presente grace, terme et delay vous faites, souffrez et laissiez ledit maistre Jehan user paisiblement, sanz lui faire ou donner ne souffrir estre fait ou donné aucun destourbier ou empeschement au contraire ; et se par deffault du paiement dudit rachat ou quint denier et autres devoirs dessusdiz sadicte terre de Varennes ou autres choses du sien estoient de par nous saisies, arrestees ou empeschees, mettez les ou faites mettre sanz delay a plaine delivrance. Non obstant la provision contenue en nosdictes lettres de souffrance de nous paier par icelui maistre Jehan les devoirs dessusdiz et ordonnances, mandemens etc. Donné etc.


a abrégé mess- dans le ms.
b suivi de de nostre conseil, rayé.
1 Charles d'Orléans, fils de Louis d'Orléans, succéda à son père, assassiné le 23 novembre 1407. Il fut comme lui duc d'Orléans et de Valois, comte de Blois et de Beaumont-sur-Oise (Val d'Oise, ch.-l. cant.), seigneur de Coucy-le-Château (Aisne, arr. Laon, ch.-l. cant.). Il prêta hommage pour tous ces fiefs le 22 août 1412 (Hommages rendus à la chambre de France, Chambre des Comptes de Paris, XIVe-XVIe siècles, t. II, Paris, 1983, n° 3133, p. 289-290), et fut fait prisonnier à Azincourt en 1415, début d'une longue captivité en Angleterre (il fut libéré en 1440). La lettre, parlant du « dauphin-régent », est nécessairement comprise entre la fin 1418 et octobre 1422 ; elle documente donc l'administration du duché pendant la captivité de Charles.
2 Châteaurenard (Loiret, ch.-l. cant.).
3 Jean Le Picart est bien connu, et facile à distinguer de plusieurs homonymes. Nommé notaire et secrétaire le 19 octobre 1407, il vécut jusqu'en 1456. Il avait été secrétaire de la reine Isabeau dont, une fois passé au parti armagnac, il fut l'un des gardiens en 1417 à Tours, avant d'être capturé et mis à rançon par les Bourguignons. Il resta en rapport avec la ville de Tours tout au long de sa carrière (Bernard Chevalier, Pouvoir royal et pouvoir urbain à Tours pendant la guerre de Cent ans, III, dans Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest, t. 81, 1974, p. 681-707, à la p. 698, n. 156). En 1421, il fut premier secrétaire du régent (Vallet, Histoire de Charles VII, t. I, p. 8). Ses biens à Meaux, Provins et Paris sont attestés comme confisqués en juillet 1423 (Longnon, Paris, p. 108-109). Il devint en 1424 général et gouverneur des finances du roi en Languedoc. En 1426, il épousa à Tours Catherine de Poncher. Il est cité en 1435 et 1436 dans deux documents concernant la famille La Trémoïlle. Nommé général des finances d'outre-Seine en 1443, il devint trésorier de France en 1445. Il fut à l'origine d'une puissante dynastie de notaires et secrétaires du roi (Lapeyre-Scheurer, t. II, pl. LXV, et t. I, n° 408-416, p. 199-203).
4 Saint-Germain-des-Prés (également nommé Saint-Germain-lès-Gy) et Gy-les-Nonains (Loiret, cant. Châteaurenard). Des recherches superficielles ne nous ont pas permis de trouver sur ces finages un microtoponyme « Varennes », dont Jacques Soyer, Recherches sur l'origine et la formation des noms de lieux du département du Loiret (Orléans, 1933-1962, t. à p. de Bulletin de la Société archéologique et historique du Loiret) mentionne la présence sur onze autres communes du département.
5 M donne « Monvenon », alors que P abrège le passage. Le rapprochement avec maître Nicolas de Monchenon, de Montargis, anobli en mars 1391 (Chevalier, Les pays de la Loire moyenne, Paris, 1993, n° 1385, p. 147, d'après Arch. nat., JJ 140, fol. 204v), reste hypothétique, puisque l'anoblissement, bien antérieur à l'activité de Jean Le Picart, imposerait de ne plus orner le bénéficiaire du simple titre de maître.
6 Toponyme ignoré de J. Soyer, Recherches sur l'origine et la formation…, op. cit.
7 C'est le 9 septembre 1420 que le dauphin Charles, régent, donna au duc d'Orléans les terres de feu Pierre Menou, jadiz chevalier (Arch. nat., K 59, n° 30), décapité pour rébellion en mai 1414 (Bertrand Schnerb, Enguerrand de Bournonville et les siens : un lignage noble du Boulonnais aux XIVe et XVe siècles, Paris, 1997, p. 133 et 304-306). Cela fixe le terminus a quo de l'acte, qui par ailleurs ne peut être postérieur au 21 octobre 1422, date de la mort de Charles VI.