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[fol. 179v]

Chartre que les consulz d'une ville puissent tenir fiefz comme nobles1

Karolus etc. a. Notum facimus universis presentibus et futuris quod, cum nuper ad Acquitanie partes nos duxerimus transferendos et apud castrum Lemovicense noviter advenerimus, loci consulum et habitancium virtutem animosamqueb industriam et fidelitatis famam eo prestancius animo concepimus, cum oculis vidimus variisque testimoniis eorum fidac constancia apud nos efficaciter extitit comprobata, manet gestorum memoria dictaque confirmat effectus. Nam et illud memorabile castrum, olim famosissimumd, nunc vero pristine virtutis [fol. 180] conservateque virilitatis non degenerat a tramite, sed habitancium titulis perseveranter insignitum sub regali obediencia constantissime perduravit et, cum guerrarum incursibus undique constringantur, exteriuse communem defensionem et ordinatissima sue communitatis gubernacula soliciti perquirunt, induxerunt hec et alia magnanimitatisf opera felicis recordacionis avum nostrum Karolum regem inclitum ut castro illi singulariter afficeretur, sed causam spiritualem adjecit commendabilis operis exhibicio et firmitate subicionis sincera soliditas. Cum enim regio jussu manibus exteris se summisissent, proprio nisu patriam regie dicioni iterum submiserunt ; meruit tanta fides inviolabile premium, quod etiam regia liberalitas non fraudavit cum castrum illud regie corone magestas regia sentiit inseparabiliter adjungendum ipsosque consules et cohabitatores tanta prerogativa donavit ut justiciam inter suos burgenses, cohabitatores et concastellanos sub regia potestate sui tamen auctoritate consulatus exercerent ; quod adeo in tanta diligencia publicisque affectibus ministrare curaverunt ut locus ille insignis ab hostibus circumvicinis preservatusg sith sicque prosperaverit et, Domino concedente, prosperetur2. Hoci intuentes virorumque consulum animos volentes peramplius ad virtutum opera stimulare, nostre liberalitatis aliquod precipuum munus eisdem duximus relinquendum. Ideo voluimus et concessimus volumusque et concedimus per presentesj de gracia speciali et auctoritate regia qua fungimur eisdem consulibus preteritis, presentibus et futurisk, in decus augmentumque honoris ipsius consulatus et loci burgencium cohabitanciumque favorem ut, velut quodam nobilitatis signo per nos ipsis relicto, quicumque eodem in castro consulatus officio fuerint, sunt et erunt insigniti, feoda nobilia quecumque possint acquirere, possidere pariter et tenere sicut nobiles libere et absque reprehencione aut redempcione seu difficultate quacumque, quos ad hoc tenore presencium ex nostra certa sciencia habilitamus ; illique officio consulatus hunc adicimus honorem ut ipsius adepcione prerogativa predicta consulibus ipsis absque alio titulo, processu aut declaracione prothinus adveniat indultoque hujusmodi perpetuis temporibus gaudeant et utantur ; quamquidem concessionem ad feoda acquisita ac acquirenda declaramus extendi. Quocirca cancellario regio, dilectis et fidelibus consiliariis nostrisl presens parlamentum tenentibus et qui futura tenebunt, gentibus compotorum, senescallo Lemovicensi [fol. 180v] ceterisque justiciariis et officiariis nostrism, presentibus et futuris, et eorum cuilibet prout ad eum pertinuerit, tenore presencium damus in mandatis quatinus nostro presenti indulto ipsos consules castri Lemovicensis presentes, preteritos et futuros uti et gaudere faciant et permittant perpetuo absque contradictione quacumque. Presentemque nostram concessionem in predicta curia parlamenti et camera compotorum volumus publicari pariter et registrari. Que ut perpetuum etc. Datum etc.


a RB donnent toute la titulature : regis Francie filius, regnum regens, delphinus Viennensis, dux Bitturie et Turonie comesque Pictavie.
b Le o corrigé dans le ms par surcharge, de la même main, sur un e.
c fida, sans doute ajouté par Morchesne, manque dans RB.
d famorissimum ms.
e R ajoute ici pacem, interius, quand BC ajoutent pacem, tamen interius ; l'omission de ces mots dans ms et M prouve qu'ils ont été supprimés de la formule par Morchesne.
f magninimitatis ms ; magnanimitas est une bévue de R ; M a sauté le passage.
g suivi dans le ms de fuit, rayé.
h fit ms, est M, corrigé d'après RB.
i hos ms, corrigé avec MRBC.
j per presentes, ms, est absent de MRBC.
k futuribus ms.
l nostris, ms et M, est remplacé dans RBC par domini mei (nostri R ) et nostris gentibus ; la contraction de la formule résulte à l'évidence d'un remaniement de Morchesne (voir aussi note suivante).
m nostris, ms (l'expression est abrégée dans M), est remplacé dans RBC par domini mei (nostri R ) et nostris.
1 Cet acte, délivré aux habitants de Limoges en reconnaissance de leur loyauté contre les Anglais, est aussi intégré au formulaire fr. 5271, du règne de Charles VII (fol. 49-v). — L'acte-source est connu pour avoir été inséré dans un vidimus confirmatif de Louis XI en juillet 1463 (enregistrement en chancellerie, Arch. nat., JJ 199, n° 169, fol. 105 [R] ; éd. O.R.F., t. XVI, p. 28-29, et Louis Guibert, Documents, analyses de pièces, extraits et notes relatifs à l'histoire municipale des deux villes de Limoges, Limoges, 1902, p. 83-85). Notre ami Stéphane Capot nous a signalé deux autres témoins de la tradition : le vidimus des privilèges de Limoges par Henri II, juillet 1555, Arch. comm. Limoges, AA 11 [B], et une copie moderne dans les Commentaires des coutumes de Limoges par Étienne Guybert, Bibl. nat. de Fr., nouv. acq. lat. 1288, fol. 161v-163 [C]. Par ailleurs édité sans indication de source dans le Bulletin de la Société archéologique et historique du Limousin, t. 14, 1864, p. 28-29, l'acte a été dernièrement publié par C.J.H. Walravens, Alain Chartier : études biographiques suivies de pièces justificatives…, Amsterdam, 1971, annexe C, n° 23, p. 192-194 (mais seulement d'après ms et C). — Ces diverses sources révèlent que la charte du dauphin Charles, datée de janvier 1422 (n.st.), avait été signée par le notaire et secrétaire Alain [Chartier]. Nous n'indiquons dans l'apparat que les variantes significatives de B et de R, dont la double collation avec le manuscrit et avec M fait apparaître qu'ils sont truffés de bévues. — Selon Du Fresne, t. I, p. 233-234, le dauphin Charles entra dans la ville de Limoges le 20 janvier 1422 et y demeura deux jours ; le 23 janvier, il s'arrêtait à l'abbaye de Grandmont en allant de Limoges à La Souterraine (Thomas, Le comté de la Marche, p. VI). C'est donc entre ces deux dates qu'il faut placer cette lettre, délivrée à Limoges d'après R, de même que la suivante. Le passage du dauphin Charles à Limoges ainsi que les privilèges accordés à cette occasion sont rapportés par les Annales manuscrites de Limoges dites Manuscrit de 1638 (publ. E. Ruben, F. Achard, P. Ducourtieux, Limoges, 1872, p. 292-293). Ce fut par ailleurs le seul passage de Charles par la Marche et le Limousin, où il n'allait revenir qu'en mars 1439 (Thomas, loc. cit. ).
2 La charte rappelle ici que Limoges avait été remise aux Anglais à la suite du traité de Brétigny conclu par Charles V en 1360. Mécontents des subsides exigés par le Prince Noir, les habitants de Limoges en appelèrent à Charles V, en 1367. Ce fut pour ce dernier une des raisons de la rupture de la paix de Brétigny et de la reprise de la guerre en 1368 (P. Ducourtieux, Histoire de Limoges, Limoges, 1925, p. 53-54).