École des chartes » ELEC » Le formulaire d'Odart de Morchesne » Chappitre de povoirs » Astinence de guerre
[fol. 156v]
[fol. 157]

Astinence de guerre1

Charles etc., a tous etc. Comme chose soit toute notoire et congneue que, par le moyen et soubz umbre des divisions, discors et discencions qui ont esté et encores sont en nostre royaume, gens de tous estas, comme nobles, marchans et laboureurs, ont eu et supporté pertes et dommaiges inumerables et s'en sont ensuiz pluseurs murtres, occisions et autres maulx tres enormes, et nous mesmes, au regart de la seigneurie souveraine en laquelle il a pleu a Dieu nous mettre et colloquer par droicte et vraye succession et hoirrie, a cause de quoy nous loise et appartiengne pourveoir et administrer justice a un chascun desdiz estaz quant il vient a nostre congnoissance et requis en sommes, ayons esté et soyons par le moyen dessusdit tant durement demenez que par grant partie de noz subgez ne soyons obeÿ, mais ainçois, soubz couleur desdictes divisions, se soient pluseurs entremis de faire guerre a l'encontre desdiz subgez ou prejudice de nostre souveraineté et, qui plus est, par le moyen desdictes divisions nostre ennemi encien et adversaire d'Angleterre se soit entré en nostre royaume et ait prins le hardement d'y entrer hostillement a puissance d'armes et tant qu'il a usurpé, usurpe et tient en son obeïssance nostre païs et duchié de Normendie ou la plus grant partie d'icellui, ce que bien aisiement a fait pour ce que resistance ne lui a esté mise aucunement, par deffault de bonne amour et union entre noz subgiez, et tellement ont esté continuelz lesdictes divisions que nostre tres chier et tres amé filz, Charles, daulphin de Viennois, puis certain temps ença a esté et encores est absent de nous et soubz umbre de lui est faicte guerre a l'encontre d'aucuns noz subgez a l'ocasion que dessus, dont desolacion et ruyne pourroient vraissemblablement avenir a nostre seigneurie et posterité, se pourveu n'y estoit par le remede de paix et union de tous les subgiez de nostredit royaume, ce que desirons sur toutes choses mondainnes, savoir faisons que nous, entendans au plaisir de Dieu pourveoir et obvier aux inconveniens que a cause desdictes divisions pourroient avenir, tant faire par bon et loyal conseilh que icelles divisions soient apaisees et que le reboutement de nostredit adversaire et ennemi ancien soit fait et procuré, avons voulu et ordonné, voulons et ordonnons de nostre certaine science par ces presentes astinence de guerre estre entre les parties contencieuses, sans que par aucune guerre ou inimictiéa soit faicte ou portee l'un contre l'autre, en quelque maniere que se soit au contraire, jusques a deux ans prouchains venans a compter de la date de ces presentes, pendant lequel temps nous esperons appaiser lesdictes divisions ; et ne voulons que durant icelle aucune d'une partie ou d'autre, soubz umbre d'icellles divisions, entrepreignent sur [fol. 157v] aucunes forteresses, places, villes ou subgiez, et ne preignent ou rançonnent quelzconques personnes, ne meffacent a aucuns enb corps ne en biens, et ne empeschent ou arrestent vivres ou autres marchandises, en quelque maniere que ce puisse estre, soit par voye de marques, contrevenges, represailles, entretours2 ou autrement, mais les seuffrent et laissent paisibles, tant par eaue comme par terre, a toutes heures de jour et de nuit, promettans en parole de roy ceste presente astinence de guerre avoir et tenir ferme et estable, et icelles garder du cousté de par deça sans enfraindre aucunement, et que, se aucune chose estoit faicte au contraire, le faire reparer tantost et incontinant qu'il vendra a nostre congnoissance. Toutesvoyes nostre entencion est que, en ladicte abstinence faisant, observant et gardant, le siege qui de present est devant Chastillon sur Loing3 et ailleurs, tant d'un costé que d'autre, s'aucuns en y a, soit incontinant levé et que chascun de nostredit royaume et autres dessusdiz joïssent de nostre presente astinence, sans reservacion ou impetracion quelzconques. Si donnons en mandement par ces mesmes presentes a tous mareschaulx, admiral, visadmiral, cappitaines de gens d'armes, archiers, arbalestriers et autres gens de guerre, gardez de bonnes villes, pons, pors, passages, jurisdicions et destroiz et autres justiciers, officiers et subgez quelzconques que ceste presente astinence de guerre ilz tiengnent, enterinent et acomplissent, sans faire ne souffrir estre fait aucunement ou prejudice d'icelle, sur peine de rebellion et desobeïssance et de comme tel estre pugny, mais, s'aucune chose estoit faicte au contraire, dont il nous desplairoit tres grandement, le reparent et facent reparer incontinant et sans delay, et ces presentes facent publier solennelment partout ou il appartendra, pour eviter la pretencion d'ignorance, saichans certainement que, s'aucuns font le contraire, nous les en ferons pugnir tellement et si griefment que les autres y prandront exemple. En tesmoing etc. Donné etc., l'an de grace mil CCCC dix neuf.


a Le mot est écrit avec un jambage de trop avant le deuxième i, qui est clairement pointé dans le ms.
b en ajouté en interligne.
1 Selon Du Fresne, t. I, p. 125, suivi par Tessier, Le formulaire, p. 79, cette lettre de Charles VI, qui visait imposer une trêve de deux ans aux factions, doit être datée entre le 3 avril et le 14 mai 1419. Le Journal de Clément de Fauquembergue, t. I, p. 291-294, mentionne la publication de cette trêve en plusieurs places du royaume le 3 mai 1419.
2 La graphie est claire, mais il faut évidemment comprendre entrecours.
3 Aujourd'hui Châtillon-Coligny (Loiret, ch.-l. cant.).