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Congié de lever un aide pour villes

Charles etc., a tous ceulx etc. Les bourgoys, manans et habitans de la ville de Cucy1 nous ont fait exposer comme ilz soient en la frontiere de pluseurs noz ennemis et presque tous les jours en grant dangier d'estre prins par iceulx ennemis, parce que ladicte ville est tres petitement emparee et a tres grant neccessité de reparacions ; lesquelles, pour les grans charges qu'il a convenu et convient de jour en jour supporter ausdiz supplians pour le fait des guerres et autrement, ilz ne pourroient ne auroient de quoy faire faire sanz lever en ladicte ville un aide de deux solz tournois sur chascune queue de vin qui depuis la Saint Michiel2 derrain passee y a esté mise, et sur toutes celles que on mettra ou amenera en icelle ville de cy a trois ans a commencier a ladicte feste de Saint Michiel ; lequel aide a esté advisié entr'eulx le plus prouffitable et moins grevable, mais ilz ne l'oseroient lever sanz nostre congié et licence, si comme ilz dient, requerans icelui. Pour ce est il que nous, considerans les choses dessusdictes et autres a ce nous mouvans, ausdiz bourgois et habitans avons octroié et octroions par ces presentes de grace especial congié et licence de imposer, cueillir et lever l'aide dessus declairé, c'est assavoir de deux solz tournois sur chascune queue de vin qui est entree et entrera en ladicte ville de Cucy durans yceulx trois ans, pour l'argent qui en ystra tourner et convertir en ladicte fortifficacion et emparement de ladicte ville et non ailleurs. Si donnons en mandement par ces mesmes presentes au bailly de Saint Pere le Moustier et a tous noz autres justiciers et officiers ou a leurs lieuxtenans et a chascun d'eulx, si comme a lui appartendra, que lesdiz supplians facent, seuffrent et laissent joïr et user de nostre presente grace, congié et octroy par la maniere et jusques au temps que dessus est dit, en contraingnant a icellui aide paier tous ceulx qui feront a contraindre par toutes voies deues et raisonnables, pourveu toutesvoyes que audit aide imposer et asseoir se consente la plus grant et saine partie desdiz habitans, que nostre demaine ou les aides ordonnez pour le fait de la guerre n'en soient point diminuez et que celui ou ceulx qui seront commis a faire la recepte et distribucion de l'argent d'icellui aide sera tenu d'en rendre compte en la presence dudit bailly ou d'autres noz officiers, et aussi que l'argent dudit aide soit employé esdictes reparacions et emparemens necessaires et non ailleurs. Car ainsi le [fol. 38v] voulons estre fait. Non obstans quelzconques ordonnances, mandemens etc. En tesmoing etc. Donné etc.

[6.6.a] ¶ Nota que en tous aides de villes doit estre mis le consentement de la plus grant ou saine partie de ceulx sur qui se lieve l'aide ; et se il se lieve en une ville et chastellenie, ou en une ville et foursbours, il fault que les habitans et de la chastellenie et des foursbours se consentent comme ceulx de la ville. Et y met on la plus grant ou saine partie, car par ce mot saine est entendu que, se la plus grant partie de tous en general ne s'i consent, au moins que la pluspart des notables et gens de raison s'i consente, et suffira3.

[6.6.b] ¶ Item que ceulz qui recevront l'argent de l'aide en comptent en la presence des gens du roy.

[6.6.c] ¶ Item que le demaine ne les aides n'en soient diminuez.

[6.6.d] ¶ Item que l'argent soit converti es reparacions ou autres choses neccessaires dont on cause sa lettre ; et n'est pas aucunes foiz expediant d'y laisser ou d'y adjouster ces motz et es autres affaires communs de ladicte ville, car il se peut trop largement entendre, et ceulx qui ont l'administracion des villes en usent aucunes foiz mal a point4.

[6.6.e] ¶ Item nota que pour chascune annee qu'on donne congié de lever un aide on doit LI solz parisis au seel, qui n'en fait grace.


1 Comprendre Cusset (Allier, ch.-l. cant.). La ville, siège du bailli de Saint-Pierre-le-Moûtier (Thomas, Le comté de la Marche, p. 24), figurait parmi les bonnes villes de la Basse-Auvergne (Thomas, Les états provinciaux, t. I, p. 35).
2 Fêté le 29 septembre.
3 On goûtera au passage la définition sans fard de la sanior pars. Le recours au concept canonique de sanior et major pars dans le consentement à l'impôt est par ailleurs bien connu ; voir par exemple Albert Rigaudière, Le financement des fortifications urbaines en France du milieu du XIVe siècle à la fin du XVe siècle [1984], repr. dans id., Gouverner la ville au Moyen Âge, Paris, 1993 (Historiques), p. 417-497, spéc. p. 447.
4 L'interdiction d'affecter ces sommes à d'autres affaires que les réparations et fortifications est de fait une clause fréquente dans les actes des XIVe et XVe siècles (A. Rigaudière, Le financement…, op. cit., p. 456 et 484).