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Lettre pour demander le douaire d'une femme

Charles etc., au premier etc. Tele etc. nous a fait exposer en complaingnant, disant qu'elle a esté conjoincte par mariage avecques Tel et, aprés le trespassement d'icelui, avecques Tel son derrenier mari, qui pareillement est depuis alé de vie a trespassement, et ja soit que, tant de raison comme par l'usage et la coustume du païs, tantost aprés le decés de chascun des dessus nommez compete et appartiengne a ladicte exposant pour son droit de douaire la tierce partie de tous et chascuns les heritages, biens meubles et chosesa nobles et noblement tenues et la moitié des heritages et choses non nobles et coustumieres1 dont ledit N. estoit seigneur ou temps du mariage fait et consummé en sainte Eglise entr'eulx, et aussi la tierce partie des heritages, choses nobles et non nobles tenues et la moitié des heritages et choses coustumieres que tenoit ledit T. et dont il estoit seigneur au temps du mariage celebré entr'eulx, pour en user et joïr aprés le trespassement de chascun d'eulx par ladicte exposant et en prendre et parcevoir les fruiz, prouffiz, revenues et emolumens, sa vie durant seulement, et les appliquer a son seul et singulier proufit ou autrement en disposer a son plaisir, neantmoins N., filz et heritier dudit N., et I.G., heritier par certain moyen a declairer en temps et en lieu dudit T., se sont efforcez et efforcent et de fait se sont ensaisinez, c'est assavoir ledit S. b de tous et chascuns les heritaiges, biens immeubles et choses nobles et autres non nobles tenues coustumierement, demourees du decés d'icelui N., et ledit S. c de tous et chascuns les heritages, biens immeubles et choses qui audit Tel appartenoient en son vivant, et d'icelles choses ont, pour tant comme a chascun d'eulx touche, prins et parceuz les fruiz, prouffiz, revenues et emolumens et en ont autrement disposé a leur voulenté, sanz ce que eulx ou aucun d'eulx aient voulu ne vueillent laissier user et joïr ladicte exposant de son droit de douaire tel qu'il lui appartient par raison et ladicte coustume, eulx et chascun d'eulx sur ce suffisamment sommez et requis, qui est ou grant grief, prejudice et dommage de ladicte exposant et plus seroit, se par nous ne lui estoit sur ce pourveu de remede convenable, si comme elle dit, requerant humblement icelui. Pour quoy nous, attendu ce que dit est, te mandons et commettons que tu faces commandement expres de par nous ausdiz Telz et chascun d'eulx que ilz facent, seuffrent et laissent user et joïr ladicte exposant de sesdiz [fol. 114] droiz de douaire telz qui lui appartient par raison et ladicte coustume et, avecques ce, que eulx et chascun d'eulx, pour tant qu'il lui pourra toucher, lui rendent et restituent les fruiz, prouffiz, revenues et emolumens qu'ilz en ont prins et parceuz, c'est assavoir ledit Tel depuis le trespassement de sondit pere et ledit G. depuis le trespassement dudit T., ou que ladicte exposant eust peu prendre et parcevoir, se ne fust leur torsonnier2 empeschement, soubz l'estimacion de plus grant priz, pour en joïr par elle par la maniere que dit est, et a ce les contraing et chascun d'eulx par toutes voyes deues et raisonnables ; et, en cas d'opposicion, reffuz ou delay, adjourne les opposans, refusans ou delayans a certain et competant jour ou jours par devant les juges ou leurs lieuxtenans ausquelz la congnoissance en appartendra pour dire les causes de leur opposicion, reffuz ou delay, respondre a ladicte exposant sur les choses dessusdictes, leurs circonstances et deppendences, proceder et faire en oultre si comme de raison sera, en certiffiant deuement audit jour ou jours lesdiz juges ou leurs lieuxtenans de tout ce que fait auras sur ce. Ausquelz nous mandons que entre les parties, icelles oÿes, provision faicte a ladicte exposant qui traicte de sesdiz droiz de douaire qui est chose favorable tele qu'ilz verront a faire par raison, facent bon et brief acomplissement de justice. Car ainsi etc. Et a ladicte etc. Non obstans etc. Mandons etc. Donné etc.

[11.42.a] ¶ Nota que douaire est chose tres favorable et pour ce mande l'en au juge que, en cas de debat, il donne provision a lad femme sur le douaire.

[11.42.b] * ¶ Item nota que, se les heritiers du mary sont mineurs et ilz n'ont tuteur, on mande au sergent qu'il leur en face pourveoir par juge competant et non pas que lui mesmes leur en pourvoye, car il ne doit.


a suivi de cho, rayé.
b Cette initiale désigne le personnage qualifié plus haut de N.
c Cette initiale désigne ici le second héritier.
d sa ms.
1 Selon les distinctions proposées par Paul Ourliac et J. de Malafosse (Histoire du droit privé, t. III, Le droit familial Paris, 1968, p. 250-251), ce type de quotité du douaire (tiers pour le douaire noble et moitié pour le douaire non noble) était spécifique aux pays de l'Ouest (Bretagne, Anjou, Maine, Poitou).
2 “Inique”, “préjudiciable” (Godefroy, t. VII, p. 751).