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Présentation de l'édition

Conception d'ensemble

Nous suivons le manuscrit fr. 5024 comme manuscrit de base, reproduisant son texte, indiquant sa foliotation au fil de l'édition, intégrant les corrections et additions interlinéaires dont il était évident qu'elles avaient été faites à la relecture par le copiste ou une personne supervisant son travail.

Toutefois, soucieux de fournir un texte immédiatement compréhensible, convaincus également de la fréquence des bévues, souvent bénignes, du copiste, nous avons directement amendé le texte, dès que la correction était certaine ou appuyée sur l'évidence d'un autre témoin de la tradition, signalant spécialement les cas où nous étions incités à agir autrement : tout en laissant possible, grâce à l'apparat, un accès aux formes du manuscrit, nous voulions avant tout faciliter l'utilisation des formules par l'historien.

Le travail de collation avec les autres formulaires a été mené à l'économie : loin de vouloir produire l'édition critique de toute la famille des formulaires de plus ou moins près rattachés à Morchesne sur près d'un siècle, jusqu'au Grand stille imprimé de la chancellerie de France, nous avons limité la collation aux originaux et aux copies indépendantes des quelques actes ayant inspiré Morchesne et que nous avons le bonheur de retrouver, et à trois autres compilations dérivées, sollicitées uniquement quand le texte du manuscrit fr. 5024 présentait une lacune ou une incongruité : en tout premier lieu, le manuscrit fr. 6022 ; à titre subsidiaire, le Grand stille imprimé (dont nous avons utilisé par commodité de consultation l'édition de 1539 dans son exemplaire de la Réserve des imprimés de la Bibliothèque nationale de France), enfin le manuscrit 163 du Mans ; en désespoir de cause, et la quête fut loin d'être vaine, nous nous sommes ponctuellement tournés vers d'autres manuscrits. Nous avons réservé à chacun des témoins ou type de témoins un sigle unique au long de l'édition, dont l'explication est donnée ci-dessous.

Nous avons exploré diverses pistes pour tenter de retrouver les actes, édités ou inédits, ayant directement servi de source d'inspiration à Morchesne, lorsque le formulaire laissait subsister assez d'indices pour serrer l'identification. En cas de succès, nous avons mené une collation et indiqué ses résultats en note. Nous sommes convaincus que les résultats auxquels nous sommes parvenus sont très nettement insuffisants. Il était encore davantage hors d'atteinte de comparer les formules avec le texte d'actes de portée analogue ; ce serait, si le travail aboutit un jour, une autre enquête, riche autant que longue, portant sur la rédaction en chancellerie au début du XVe siècle : nous n'en avons esquissé que quelques jalons, avec une optique précise, jauger la part d'inventivité qui demeure à l'époque entre créativité et application mécanique d'une formule-type. Nous indiquons toutefois en note, comme au hasard de lectures, quelques actes édités dont la structure est particulièrement proche de celle de la formule correspondante, non bien sûr pour indiquer une quelconque filiation mais pour signaler le degré de conformité de certains types d'actes, naturellement plus stéréotypés. Il convient, répétons-le, de ne prendre ces mentions que comme d'infimes jalons.

Les références et la présentation des notas

Le manuscrit ne numérote ni les chapitres, ni les formules, ni les notas. Pour faciliter les renvois, nous avons porté une numérotation moderne en chiffres arabes, entre crochets droits, au fil du texte et des notes. Les formules sont affectées d'un double numéro, celui du chapitre et celui de la formule à l'intérieur du chapitre, du type [9.3] pour la troisième formule du neuvième chapitre. Les notas de Morchesne sont affectés d'un numéro qui reprend le numéro double de la formule qu'ils suivent (même s'il leur arrive de porter sur plusieurs des formules précédentes), complété d'une lettre minuscule à partir de [a].

Le découpage des notas dans notre édition ne reproduit pas strictement la disposition du manuscrit. Celle-ci est en effet très variable, et souvent tributaire de la place qui restait disponible dans une mise en page qui commence volontiers une nouvelle formule en haut de page. Annonce par les mots Item et/ou Nota, retour à la ligne, pied de mouche peuvent être utilisés conjointement ou séparément dans le manuscrit. Pour une plus grande clarté, nous avons créé plus d'alinéas (chacun donc pourvu d'une lettre) qu'il n'y en a dans le manuscrit, un peu plus aussi qu'il n'y a de pieds de mouche. La présence de ceux-ci est signalée par le signe ¶. Les alinéas que nous créons, alors qu'ils sont soudés au précédent dans le manuscrit, sont signalés par le signe *.

Le traitement des interventions du compilateur

Il nous a semblé essentiel de distinguer aussi clairement que possible, d'une part, les parties constitutives des actes et, d'autre part, les interventions de l'auteur du formulaire : mots-outils de généralisation comme Tel, mots de coupure comme etc., remarques intégrées au fil de la formule aussi bien que nota disposé après elle. Les premières sont imprimées en romain, les secondes en italique (à l'exception des rubriques qui servent de titres aux actes, imprimées en gras).

Nous ne dissimulons pas à quel point la frontière entre le texte de l'acte et l'intervention de l'auteur du formulaire peut être parfois ténue, voire soumise en plusieurs cas à l'insuffisance de nos connaissances. Ainsi dans l'expression a la supplication de Tel et de sa femme, notre intervention est minimale, car un acte donnera normalement deux noms personnels (de Jehan Untel et de Jehanne sa femme). Par contre, il nous semblait justifier de mettre tel seneschal pour un acte qui donnerait nostre seneschal de Beaucaire, en tel lieu pour un texte qui pourrait être en nostre hostel de Bourges mais aussi a Bourges, etc.

Nous ne dissimulons donc pas la part d'arbitraire qui demeure dans notre distribution des italiques, mais elle nous a semblé acceptable par rapport aux avantages du procédé, qui marque fortement, à la lecture, la distance entre acte et formule, entre parole royale et glose notariale, tout en faisant percevoir la fluidité du passage de l'un à l'autre de ces états.

Le choix du reste a présenté un autre inconvénient, mais lui aussi léger à nos yeux : réservant l'italique aux interventions de l'auteur du formulaire, nous ne pouvions plus jouer sur l'opposition entre italique et romain pour signaler les rares termes exprimés dans une langue autre que celle du texte où ils sont insérés. Cet usage est ici discret : il s'agit soit de quelques noms propres exprimés en français dans un acte latin, soit, et beaucoup plus souvent, de termes latins insérés dans le fil d'un texte en français ; ce sont pour la plupart des mots techniques, issus du vocabulaire (ou jargon) diplomatique et juridique, et des mots-outils (vel sic, immediate, notanter…), immédiatement reconnaissables, espérons-nous, au fil d'une phrase. De plus, comme la chancellerie du XVe siècle ou Morchesne lui-même, nous avons été incités à traiter plusieurs des mots techniques en substantifs francisés (nota, debitis, committimus…, comme depuis plus longtemps vidimus).

Les autres décisions ponctuelles en matière de rendu du texte, de restitution des lettres et de résolution des abréviations sont exposées dans l'édition papier.