École des chartes » ELEC » Le formulaire d'Odart de Morchesne » Chappitre de diverses lettres diffuses » Contre estat
[fol. 100v]

Contre estat

Charles etc., au bailli de S. ou a son lieutenant, salut. De la partie de N. nous a esté exposé que des tel temps il bailla et presta comptant a Tel tele somme d'argent a son tres grant besoing, parmy ce qu'il lui promist de la lui rendre des tel temps et a ce faire s'obliga lui et ses biens meubles et immeubles et ceulx de ses heritiers et ayans cause et renonça expressement et par la foy et serement de son corps a toutes lettres d'estat, de grace, de respit et autres qui pourroient empescher ou retarder le paiement d'icelle somme, si comme par lettres faictes et passees soubz tel seel l'en dit ce plus a plain apparoir, et, combien que le terme dedanz lequel il devoit restituer ladicte somme soit passé et que ledit exposant ait sommé ledit Tel de le paier ainsi que promis lui avoit, neantmoins icelui Tel en a esté et est refusant et pour ce l'a fait icelui exposant executer et par son opposicion adjourner par devant vous a certain jour nagaires [fol. 101] passé, auquel, pour tousjours plus delayer et en venant contre sa promesse et serement, il vous a presenté certaines noz lettres d'estat ou de respit, desquelles on dit la teneur estre tele :
Charles etc.,
par vertu desquelles noz lettres dessus incorporees ledit Tel s'est efforcié et efforce de faire surseoir et assoper1 ladicte cause et jusques a tel temps, et ainsi ledit exposant ne seroit pas paié de son deu en son grant dommage et prejudice, se par nous ne lui estoit sur ce pourveu de remede convenable, si comme il dit en nous humblement requerant que, attendu qu'il a presté le sien de bonne foy, qu'il a ja longuement attendu et qu'il a besoing d'estre paié tant pour vivre et maintenir son estat comme aussi pour soy acquitter envers ses creanciers et n'a pas faculté de longuement attendre sanz grant dommage, et mesmement que ledit Tel est obligié a le paier et a renoncié par foy et serement a teles lettres comme dit est, nous lui vueillons sur ce pourveoir dudit remede. Pour quoy nous, consideré ce que dit est, qui ne voulons a aucun ouvrir voie de parjure, vous mandons et enjoingnons, en commettant se mestier est, que, s'il vous appert de ladicte obligacion et renunciacion et autres choses dessusdictes tant que suffire doye, vous, lesdictes parties presentes ou appellees par devant vous ou leurs procureurs pour elles, les faites proceder et aler avant en ladicte cause sommairementa et de plain et a icelles oÿes administrez bon et brief droit. Non obstans nosdictes lettres d'estat impetrees par ledit Tel et autres quelzconques lettres surreptices par lui impetrees ou a impetrer au contraire, ausquelles quant a ce nous ne voulons estre eu aucun regart. Car ainsi etc. Et audit etc. Donné etc.

[11.18.a] ¶ Qui veult faire lettre de contre estat, il doit incorporer les lettres d'estat, au moins en doit declairer si avant dedanz sa lettre qu'on puisse veoir comment l'estat est causé et a quelle occasion on l'a donné et jusques a quel temps ; et doit mettre en sa lettre les motifz selon les personnages et les causes du prest et les promesses. Et se les parties n'estoient pas encores en procés, on doit faire autre conclusion que la precedent, comme de mander qu'on execute l'obligacion etc. ou autrement.


a Le deuxième m (le premier abrégé) est écrit par erreur avec quatre jambages.
1 Achopper : arrêter, suspendre le cours (Godefroy, t. I, p. 57).