École des chartes » ELEC » Le formulaire d'Odart de Morchesne » Chappitre de diverses lettres diffuses » Autre complainte ou il y a voye de fait ou larrecin
[fol. 92v]

Autre complainte ou il y a voye de fait ou larrecin

Charles etc., au premier etc. De la partie de nostre amé N. et de M. sa femme, heritiers seulz et pour le tout de Tel, jadiz escuier, frere dudit N. , nous a esté exposé en griefment complaingnant que, ja soit ce que ausdiz complaingnans a cause de ladicte hoirrie, tant par la generale coustume de nostre royaume qui est tele que le mort saisist le vif son plus prouchain heritier par apprehensiona de fait1 comme autrement, deuement competent et appartiengnent et aient esté, soient et doyent estre en bonne possession et saisine de tous les biens meubles et immeubles demourez du decés dudit feu Tel, en possession et saisine d'avoir et prendre yceulx biens et les fruiz, revenues et emolumens demourez du decés et d'en faire et disposer comme de leur propre chose, en possession et saisine que autre que eulz et mesmement Tel ne autres quelzconques n'ont que veoir ne que demander esdiz biens et ne les peuent ne doivent prendre ne appliquer a eulx sanz le sceu et consentement des diz complaingnans, et en possession et saisine, que se on avoit prins ou emporté desdiz biens, de les faire rapporter et restituer et de faire en oultre reparer par justice tout ce qui auroit esté ou seroit fait au contraire, et desdictes possessions et saisines [fol. 93] et autres a ce pertinens ayent lesdiz complaignans joÿ et usé tant par eulx comme par leurs predecesseurs et ceulx dont ilz ont cause par tel et si long temps qu'il n'est memoire de hommeb du contraire, ou au moins qu'il suffist, puet et doit suffire a bonne possession avoir acquise, garder et retenirc, au veu et sceu duditTel et de tous autres qui l'ont voulu veoir et savoir, neantmoins, lesdiz complaignans estans en leursdictes possessions et saisines, ledit Tel ou mois de mars derrain passé, acompaignié de Telz et Telz et autres gens armez d'armes invasibles et defendues, s'est transporté de nuit en l'ostel ou trespassa ledit feu Tel et en icelui hostel lui et ses complices ont rompu de fait et a force les coffres et escrins, ont prins et emporté IIII C escuz d'or, V Md de vaisselle, seintures, verges, joyaulz d'or et d'argent, linge, utencilles d'ostel et autres biens meubles et, non contens de ce mais procedens de mal en piz, sont alez en un autre hostel fort, l'ont prins d'eschelle et emblee2, emporté tous les biens qui y estoient et fait autres maulx innumerables ou tres grant grief, prejudice et dommage desdiz complaingnans, en les troublant et empeschant en leursdictes possessions et saisines a tort, sanz cause, indeuement et de nouvel, et aussi en enfraingnant folement nostre sauvegarde, en laquelle lesdiz complaingnans sont notoirement avecques tous leurs biens et choses quelzconques, en commettant port d'armes, force publique, larrecin, voye de fait et autrement delinquant grandement, ou contempt et irreverence de justice, si comme lesdiz complaingnans dient, requerans sur ce nostre provision. Pour quoy nous, consideré ce que dit est, qui ne voulons teles entreprises avoir lieu mais les perpetreurs en estre puniz et chascun estre gardé en son bon droit, te mandons et commettons par ces presentes que, appellez ceulz qui feront a appeller a comparoir par devant toy sur l'un des lieux contencieux pour tous les autres, maintieng etc. comme en la precedent jusques a celle clause : en certiffiant etc., devant laquelle on met ce que s'ensuit : Et neantmoins, appellé avec toy ung notaire ou tabellion publique, fay bon et loyal inventoire desdiz biens meubles pour la conservacion du droit de celui ou ceulx a qui ilz doivent appartenir ; et te informe diligemment et secretement de et sur la prinse d'iceulz biens, sur l'infraction de nostredicte sauvegarde, sur [fol. 93v] le port d'armes, voye de fait, larrecin et autres choses dessusdictes ; et tous ceulz que par informacion, fame publique ou vehemente presumpcion tu en trouverase coulpables ou souspeçonnez adjourne a comparoir en personne ou autrement selon l'exigence du cas audit jour ou autre certain et competant par devant ledit bailli ou son lieutenant pour ester a droit et respondre a nostre procureur a telz fins qu'il vouldra eslire et ausdiz complaingnans et autres qui partie s'en vouldront faire civilement sur les choses dessusdictes, leurs circonstances et deppendences, proceder et faire en oultre selon raison, en certiffiant souffisamment audit jour ledit bailli ou son lieutenant et lui envoiant l'informacion qui sur ce sera faicte feablement close et seellee ; auquel nous mandons et, pour les causes dessusdictes et aussi que de l'infraction de nostre sauvegarde la congnoissance appartient a noz juges et officiers et que lesdiz malefices ont esté commis et perpetrez oudit bailliage, commettons que aux parties etc. Car ainsi etc. Mandons a tous noz justiciers, officiers et subgez que a toy en ce faisant obeïssent et entendent diligemment et te prestent et donnent conseil, confort, aide et prisons, se mestier est et par toy requis en sont. Donné etc.

[11.8.a] ¶ Nota que en la lettre de complainte en cas de nouvelleté soient tousjours mis ces motz depuis an et jour ença ; car qui veult proceder par voye de nouvelleté, il fault qu'il le face et aussi que la complainte soit executee dedanz l'an et le jour de l'empeschement ; et qui ne se pourvoit dedanz ledit temps, s'il n'a grace et reliefvement du prince, ce qu'on donne a tres grant difficulté, il n'est plus receu par voye de nouvelleté. Bien puet avoir autre remede et prendre une simple saisine, qui se conforme assez a la complainte en cas de nouvelleté, excepté que en cas d'opposicion la chose contencieuse n'est pas mise en la main du roy, et aussi que la congnoissance s'en donne aux juges ordinaires et non pas a ceulz du roy par prevencion.

[11.8.b] ¶ Item nota qu'on ne doit pas mettre en la lettre de complainte que celui qui la prent ait esté miz hors ne osté de sa possession, car il doit tousjours maintenir sa possession, maiz doit estre mis qu'on le y a empeschié ou qu'on s'est efforcié de le faire.

[11.8.c] ¶ Item nota ces motz desquelles possessions et saisines et autres [fol. 94] a ce pertinens ledit N. a joÿ et usé et paisiblement tant par lui etc. par tel et si long temps.

[11.8.d] * ¶ Item ista et en le troublant et empeschant en sesdictes possessions et saisines a tort, sanz cause, indeuement et de nouvel, car ce sont quasi vocabula sacramentalia in talibus et y doivent estre mis.

[11.8.e] * ¶ Item nota qu'on ne donne pas complainte en cas de nouvelleté pour biens meubles seulement, mais on la donne bien quant avecques les meubles on se complaint des immeubles, comme en la precedent lettre.

[11.8.f] * ¶ Item nota ces deux motz par prevencion ; car se les juges ordinaires ou autres que royaulx avoient prevenu, c'est assavoir en avoient eu ou entreprins la congnoissance premier que le roy ou ses officiers, ilz en peuent et doivent congnoistre.

[11.8.g] * ¶ Item nota que l'assignacion pour veoir executer la complainte doit tousjours estre faicte sur un des lieux ou des choses contencieuses, sinon que le prince l'octroyast autrement par sa lettre pour doubte et peril ou pour autres causes etc.

[11.8.h] * ¶ Item nota les III clauses qui sont mises en la lettre en cas d'opposition, c'est assavoir que la chose contencieuse soit mise en la main du roy ; et la nouvelleté, trouble et empeschement ostez ; et que restablissement soit fait de ce que prins ou levé auroit esté, et s'entent ledit restablissement de fait ou par signe.

[11.8.i] * ¶ Item nota qu'on ne doit pas prendre sa complainte de moins qu'on a droit en la chose ne aussi de plus ; comme qui seroit seul heritier, il doit prendre sa complainte de toute l'oirrie, et qui n'est que heritier en partie, il doit prendre sa complainte pour sa partie et porcion.

[11.8.j] * ¶ Item nota que en sa majeur3 on doit mettre les possessions etc. pertinens a la matiere dont on prent sa complainte.


a appenhension ms.
b de homme ajouté en marge et appelé par un signe d'insertion.
c garder ajouté en fin de ligne et retenue corrigé par surcharge en retenir.
d sic ms ; P n'est d'aucune utilité pour interpréter cette formule très tassée (5000 livres ou 5 marcs ?), car il réduit toute l'expression à telles choses en valeur de cent livres tournois ; S donne une liste différente ; M enfin, en un passage effacé que nous peinons à lire, confirme la leçon du ms, en semblant donner V M d'argent, donc 5 marcs.
e trouverras ms.
1 Cette célèbre maxime empruntée au registre du droit successoral est apparue comme coutume générale dès le milieu du XIIIe siècle, cristallisation d'une pratique qui assurait les droits de l'héritier sur les biens familiaux tout en le protégeant des exigences fiscales de ses seigneurs. Elle fut captée dès la fin du XIVe siècle par le discours juridique de la monarchie qui promut le critère de l'hérédité à l'encontre de celui de l'élection (Jacques Krynen, “Le mort saisit le vif” : genèse médiévale du principe d'instantanéité de la succession royale française, dans Journal des savants, 1984, p. 187-221).
2 P et M donnent l'ont pris d'eschelle et emblé et emporté (S a tassé l'expression), en reprenant donc d'eschelle (“par escalade” : Godefroy, t. III, p. 388) et en comprenant emblé comme un participe passé. La version du ms n'est pas à rejeter pour autant, qui pourrait avoir déformé ou compris en emblee (“furtivement” : Godefroy, t. III, p. 32).
3 Si le mot évoque bien la première proposition d'un syllogisme (sens attesté dans Godefroy, maior, t. V, p. 86), il pourrait désigner, une fois appliqué au domaine diplomatique, l'exposé de l'acte.