École des chartes » ELEC » Le formulaire d'Odart de Morchesne » Adjornemens » Doleance pour les Normans
[fol. 32]
[fol. 32v]

Doleance pour les Normans1

Charles etc., au viconte d'Arques2 ou a son lieutenant, salut. Tel et Tel, consors en ceste partie, nous onta fait exposer en complaignans, disans que nostre amé etc., soy disant nostre bailly de Caux, ou son lieutenant leur a fait pluseurs tors, griefs, reffuz et denez de faire droit, a declairer en temps et en lieu quant mestier sera, pour et au proufit ou pourchaz, requeste ou instance de Tel etc., en procedant de son office ou autrement indeuement, desquels tors, griefz, reffuz et denez de droit il ne loist pas ausdiz complaingnans d'appeller selon la coustume de nostre païs de Normandie mais a nous en doivent avoir recours par maniere de complainte ou doleance et nous leur devons sur ce pourveoir de remede convenable, si comme ilz dient, requerant icelui. Pour quoy nous, ce consideré, te mandons et commettons que, caucion ou pleige suffisant pris desdiz complaingnans de leurdicte complainte ou doleance poursuir, paier le jugié et amende, se mestier est et ilz en encheent3, tu adjournes ou faces adjourner ledit bailly ou sondit lieutenant a nostre prouchain eschiquier ordinaire de Normandie, pour soustenir et defendre les choses dessusdictes, veoir reparer lesdiz tors, griefs et denez de droit et iceulx mettre du tout au neant, se par raison et ladicte coustume le doivent estre, respondre et proceder en oultre selon raison ; et intime ou fay intimer et savoir a partie adverse qu'elle soit audit eschiquier se elle cuide que bon soit et que la chose lui touche ou appartiengne en aucune maniere ; et parmy ladicte caution met et tien ou fay mettre et tenir les choses discordables ou point et en l'estat qu'elles estoient au temps que lesdiz tors et griefs deurent estre faiz, sanz souffrir que pendant icelle complainte ou doleance contre ne ou prejudice d'icelle ne desdiz complaingnans aucune chose soit attemptee ou innovee en quelque maniere que ce soit ; laquelle, se faicte estoit au contraire, ramene et remet ou fay ramener et remettre sanz delay au premier estat et deu. Et desdiz adjournemens, intimacion et de tout ce que fait auras en ceste partie certiffie souffisamment noz amez et feauls gens qui tendront nostredit eschiquier. Ausquels nous mandons que aux parties etc. Donné etc.

[5.9.a] ¶ Celle lettre est pour ceulx de Normandie quant on leur fait grief [fol. 33] comme l'adjournement en cas d'appel est pour ceulz de France.

[5.9.b] * Item nota qu'elle se doit adrecier a un viconte, et non pas a un sergent, et qu'il fault bailler caucion.

[5.9.c] * Item nota les autres clauses et ne doit on point muer le langage ne les termes de celle lettre de doleance, car ainsi on l'a tousjours acoustumé, et est escripte la forme en leur livre coustumier4.


a a ms.
1 Une formule de Doliance ou païs de Normandie, proche au fond mais assez éloignée dans la forme, se trouve dans l'un des formulaires conservés du temps de Charles V (Bibl. nat. de Fr., lat. 4641, fol. 47v-48).
2 Arques (Seine-Maritime, cant. Offranville).
3 De encheoir (en) : encourir (Godefroy, t. III, p. 101). Nous comprenons : “s'il le faut et qu'ils en encourent (…)”.
4 Nous n'avons pas retrouvé la formule ni la compilation précises auxquelles Morchesne fait allusion. Ce sont en effet non pas tant des formules d'actes royaux que des modèles d'actes de procédure que donnent le Grand coutumier [normand] en français, compilation du dernier tiers du XIIIe siècle (éd. Bourdot de Richebourg, Nouveau coutumier général, Paris, 1724, t. IV, p. 1-56), puis, plus généreusement, la Coutume, style et usage au temps des échiquiers de Normandie, compilation remontant probablement au XIVe siècle avec des additions du début du siècle suivant (éd. L. de Valroger, Caen, 1847, intégrée avec sa pagination d'origine aux Mémoires de la Société des antiquaires de Normandie, t. 18, 1851), spéc. chap. VII, p. 5, lettre d'un bailli ajournant les parties dans un cas de doléance, et chap. XXIII, p. 26-27, lettre de doléance émanée elle aussi d'un bailli. L'auteur explique d'ailleurs la pratique plus clairement que Morchesne : Les parties viennent avant par dolleance qui est impetree devers le souverain, comme quant l'en est grevé par ung seneschal et l'en s'en veut doulloir, l'en impetre sa dolleance devers le viconte ; et quant l'en se deult du viconte, l'en impetre sa dolleance devers le bailli ; et du bailli subgect au bailli royal ; et du balli royal devers le roy comme dit est. Ainsy va l'en tousjours au souverain (éd. cit., p. 26).