École des chartes » ELEC » Le formulaire d'Odart de Morchesne » Chartres et remissions et autres lettres en laz de soye » Abolicion generale pour tout un païs
[fol. 188v]
[fol. 189]

Abolicion generale pour tout un païs1

Charles, filz du roy de France etc., lieutenant general etc. Savoir faisons a tous presens et a venir que, comme soubz umbre des grans divisions qui puis certain temps ença ont esté et sont en ce royaume se soient faictes pluseurs entreprinses sur la seigneurie de mon seigneur et grans mutacions d'offices, tant es chiefz comme autres, et mesmement ou païs de Languedoc, et tant a ceste cause comme autrement aient esté faictes pluseurs rebellions et desobeïssances envers mondit seigneur et depuis aucun temps ença envers nous, qui sommes son seul filz, vray heritier et successeur, et a qui aprés lui est deue obeïssance et non a autre, dont se sont ensuyes voyes de fait et de guerre et a ceste achoison ont esté commis et perpetrez maulx innumerables, crimes et delitz, comme pilleries, roberies, homicides et boutemens de feux et demolicions de maisons, efforcemens de femmes et autres, a la grant foule et dommage de mondit seigneur et de sa seigneurie, et pour ce que avons aucunement entendu que ledit païs de Languedoc ou la plus grant part d'icelui est a present en voulenté de obeïr a mondit seigneur et a nous et non a autres, comme faire doivent, et que pour raison des choses dessusdictes ainsi commises et perpetrees, comme dit est, aucuns dudit païs pourroient ou vouldroient doubter et non sanz cause d'avoir encouru et estre en l'indignacion de mondit seigneur et de nous et a ceste occasion retraire eulx et autres de leurdicte bonne voulenté et par ce faire tousjours tenir ledit païs en rebellion et desobeïssance envers mondit seigneur et nous, qui seroit la totale destruction dudit païs et d'eulx mesmes, nous, ayans singulier regart et entiere affection au bien, utilité et conservacion dudit païs, comme celui a qui aprés mondit seigneur la chose touche le plus pres et a qui en l'absence et pour l'empeschement de mondit seigneur appartient de tout droit comme a son seul filz, vray heritier et successeur de sa couronne, comme dit est, le gouvernement et administracion de ses royaume et subgez et a nul autre quel qu'il soit, attendu aussi que nous sommes son lieutenant general par tout son royaume et qu'il a pleu a Dieu nous donner aage suffisant pour ce faire, ayans avec ce pitié et compassion des grans griefs, dommages et oppressions que a cause des choses dessusdictes le povre peuple dudit païs a par long temps souffert et seuffre encores chascun jour, le voulans de ce a nostre povoir relever et oster toute doubte que on pourroit avoir de l'indignacion et malveillance de mondit seigneur et de nous, afin que les [fol. 189v] subgetz dudit païsa puissent d'ores en avant vivre en paix et transquillité de la bonne obeïssance de mondit seigneur et de nous, avons en l'onneur et reverence de Dieu etb pour consideracion des choses dessusdictes aboly et abolissons de grace especial et auctorité royal dont nous usons a tous ceulz, soient communitez ou singulieres personnes, de quelque estat ou condicion qu'ilz soient, qui se vouldront reduire et remettre en la vraye obeïssance de mondit seigneur et de nous et estre d'ores en avant bons et loyaulx subgetz de mondit seigneur et nostresc, toutes rebellions, mesprentures, desobeïssances, pilleries, roberies, demolicions de maisons et autres edifices, homicides, boutemens de feux et autres crimes, deliz et malfaiz commis et perpetrez envers mondit seigneur et nous ou temps passé jusques a present oudit païs de Languedoc a l'occasion desdictes divisions et desobeïssances, avec tous appeaulx et bannissemens qui pour ce peuent estre ensuiz ; octroyans de plus ample grace aux dessusdiz qui ainsi se mettront en la bonne obeïssance de mondit seigneur et de nous que de leurs biens immeubles et heritages et aussi de leurs biens meubles estans en nature de chose ilz joÿssent, usent et exploictent par la forme et maniere qu'ilz faisoient au devant desdictes choses advenues, non obstant quelque don qu'en eussions fait, sanz ce que poursuite desdictes choses, action ou demande en puissent jamais estre faictes a l'encontre d'eulx ou d'aucun d'eulx pour interest de justice en quelque maniere que ce soit. Et sur toutes ces choses imposons silence perpetuel au procureur general de mondit seigneur et a tous autres procureurs fiscaulx. Si donnons en mandement de par mondit seigneur et de par nous a nostre tres chier et amé cousin de Foix, lieutenant et capitaine general sur le fait de la guerre oudit païs de Languedoc, a tous les seneschaulx et juges d'icelui païs et a tous les autres justiciers, officiers et subgetz de mondit seigneur presens et a venir, quelque part qu'ilz soient, ou a leurs lieuxtenans et a chascun d'eulx endroit soy que de ceste abolicion et octroy facent, seuffrent et laissent les dessusdiz subgetz et demourans oudit païs et chascun d'eulx, obeïssans a mondit seigneur et a nous et non autrement, joïr et user paisiblement, sanz les molester ne empescher ne faire ou souffrir estre molestez ou empeschiez ores ne pour le temps a venir en aucune maniere au contraire. Et afin que ce soit chose ferme et estable a tousjours, nous avons fait mettre nostre seel a ces presentes. Sauf en autres choses nostre droit et l'autruy en toutes. Donné etc.


a subgetz païs ms et P, corrigé d'après M.
b et ajouté en interligne.
c nostre ms, de nous PM.
1 L'acte-source est antérieur à la fin de 1418, où Charles prit définitivement le titre de régent à la place de celui de lieutenant général, et postérieur au 17 août 1418, date à laquelle Jean Ier, comte de Foix, a été nommé lieutenant et capitaine général du Languedoc (voir la formule [16.4] et son annotation).