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Sauvegarde commune en françois pour subgez du roy sans moyen1

Charles etc., a tous noz justiciers ou a leurs lieuxtenans, salut. A la supplicacion de Tel et dea sa femme, noz subgetz et justiciables sanz moyen, affermans eulx doubter de pluseurs personnes leurs hayneux et malveillans pour certaines vrayes presumpcions et conjectures, nous vous mandons et a chascun de vous, si comme a lui appartendra, que lesdiz supplians avecques leurs famille, droiz, choses, possessions et biens quelzconques vous prenez et mettez en et soubz nostre protection et sauvegarde especial, a la conservacion de leur droit tant seulement ; et les maintenez et gardez en toutes leurs justes possessions, droiz, usaiges, franchises, libertez et saisines esquelles vous les trouverez estre et leurs predecesseurs avoir esté paisiblement et d'ancienneté ; et les defendez ou faites defendre de toutes injures, griefs, violences, oppressions, molestacions, de force d'armes, de puissance de laiz2 et de toutes autres inquietacions et nouvelletez indeues ; lesquelles se vous trouvez estre ou avoir esté faictes ou prejudice de nostredicte sauvegarde et desdiz supplians, ramenez ou faites ramener et remettre tantost et sanz delay au premier estat et deu et faites pour ce faire a nous et ausdiz supplians amende convenable ; et des personnes dont ilz vous requerront avoir asseurement leur faites donner bon et loyal selon la coustume du païsb. Et ceste nostre presente sauvegarde signifiez et faites publier es lieux et aux personnes ou il appartendra et dont vous serez requis ; et en signe d'icelle, en cas d'eminent peril, mettez ou faites mettre et asseoir noz pennonceaulx3 et batons royaulx en et sur les maisons, granches, terres, bois, prez, vignes, possessions et biens quelzconques desdiz supplians, en faisant ou faisant faire inhibicion et defense de par nous sur certaines et grans peines a nous a appliquer a toutes les personnes qu'il appartendra et dont vous serez requis que ausdiz supplians, leur famille, droiz, choses, possessions et biens quelzconques ne meffacent ou facent meffaire en corps ne en biens en aucune maniere. Et pour les choses dessusdictes plus diligemment executer, deputez ausdiz supplians a leurs despens ung ou pluseurs de noz sergens, se requis en estes, lesquelz ne s'entremettent de chose qui requiere congnoissance de cause. Donné etc.


a a ms.
b Sic ms ; la comparaison avec la formule latine qui suit (de personis de quibus assecuramentum habere requisierit illud juxta patrie consuetudinem legitimam prestare) montre que la traduction a fait glisser l'épithète loial, mais que, pour le reste, le sens est le même : asseurement est à la fois complément de requerront et de faites ; il ne s'agit pas d'une erreur du ms : PS donnent la même leçon.
1 On rencontre dans le registre de la viguerie de Toulouse une sauvegarde identique, délivrée par Charles VII en 1437 (Douais, Charles VII et le Languedoc, au t. 8, p. 409).
2 Décalque de l'expression latine oppressionibus, vi armorum, potencia laycorum (formule [2.2]).
3 Dans un formulaire de chancellerie du XIVe siècle, le compilateur note à la suite d'une formule de sauvegarde : et pro personis in lingua occitana degentibus scribitur ista clausula sic : ac penuncellos nostros regios in signum hujusmodi salve gardie nostre in domibus, bonis, possessionibus et rebus dicti supplicantis in terra que jure scripto regitur situatis, si requisiti fueritis, apponi faciatis (Tessier, L'activité de la chancellerie royale, p. 101 ; cf. ci-dessous formules [2.2] et [2.9]). Cette remarque, ajoute G. Tessier, prouve que la pratique de l'apposition des panonceaux est originaire des pays de droit écrit.