École des chartes » ELEC » Le formulaire d'Odart de Morchesne » Chartres et remissions et autres lettres en laz de soye » Vendicion de demaine
[fol. 189v]
[fol. 190]

Vendicion de demaine1

Charles etc. Savoir faisons a tous presens et a venir que, comme pour subvenir et pourveoir convenablement aux grandes et comme insupportables charges que nous avons et qui de jour en jour croissent et occurrent pour entretenir la seigneurie de mon seigneur et nostre et pour la conduite de la guerre que a celle occasion nous convient faire et continuer tant a l'encontre des Anglois, anciens ennemis de mondit seigneur et de nous, eulx efforçans de usurper nostredicte seigneurie, que d'autres leurs adherens et complices ayons advisié, pour nous aidier en ce du nostre propre et par ce plus supporter noz subgetz, de engaigier, vendre et aliener aucunes de noz places et revenues, pour ce est il que nous de nostre certaine science et aprés grant advis et meure deliberation de nostre conseil et nous sur ce bien advertiz du bien et interest que sur ce povons avoir, avons le jour d'uy vendu, cedé, baillié, transporté et delaissié et par la teneur de ces presentes vendons, cedons, baillons, transportons et delaissons hereditablement et a tousjours a nostre amé et feal N. noz chastel, ville et chastellenie de N., ainsi qu'ilz se comportent et estendent de toutes pars, avecques les fons, treffons, fruiz, prouffiz, revenues et emolumens tant en cens, rentes d'argent et de grains, hommes et femmes de corps, estangs, eaues, moulins, forestz, prez, dismes, champars, collacions de benefices, s'aucuns en y a, fiefz, arriere fiefz, haulte justice, basse et moyenne et tous autres droiz et seigneuries que avons et povons avoir en iceulx ville et chastel et seigneurie de N., en quelque maniere que ce soit, sanz riens en retenir a nous ne a noz successeurs, sinon tant seulement les foy et hommage, ressort et souveraineté et la fidelité des nobles, pour toutes les choses dessusdictes, que confessons et recongnoissons avoir ainsi vendues et transportees audit N., tenir et possider par lui comme son propre heritage et dommaine a tousjours mais perpetuelment pour lui, ses hoirs et ayans cause ; et des maintenant l'en faisons vray seigneur, proprietaire et fructuaire et nous en devestons du tout et en revestons lui et ceulx que de lui auront cause para la tradicion de ces presentes2, voulans et consentans que par lui ou ses commis il en ait ou puisse incontinent ou quant bon lui semblera prendre et apprehender la possession reelle et corporelle ; ceste vente faicte moyennant la somme de N escuz d'or a la couronne que ledit seigneur N. nous a pour ce paiee et baillee et d'icelle somme nous tenons a contens et bien paiez et en quittons du tout et quitte clamons ledit N., sesdiz hoirs et ayans cause, sanz ce que jamais [fol. 190v] nous ou les nostres leur doyons ou puissions a ceste cause aucune chose demander, supposé ores qu'on voulsist dire les choses dessusdictes estre par lui moins achetees qu'elles valent ; ouquel cas, pour certaines causes a ce nous mouvans et mesmes pour pluseurs grans et notables services qu'il nous a faiz, lui quittons et donnons tout ce qui pourroit estre au par dessus ; promettans en parole de filz de roy et soubz l'obligacion et ypotheque de tous noz biens presens et a venir non aler jamais a l'encontre de cestedicte vente, cession, transport et delaissement ne en ce lui donner empeschement ou destourbier aucun, ainz lui garentir et defendre toutes les choses dessusdictes envers et contre touz a noz propres coustz et despens. Si donnons en mandement par ces mesmes presentes a noz amez et feaulx gens tenans et qui tendront nostre parlement, les gens de noz comptes et tresoriers, a nostre tresorier general et a tous noz autres justiciers, officiers et subgetz presens et a venir et a chascun d'eulx, si comme a lui appartendra, que desdictes ventes, cession et transport facent, seuffrent et laissent joïr et user plainement et paisiblement et tout par la forme que dessus ledit seigneur N., sesdiz heritiers et ayans cause sanz en ce les perturber ou empescher en quelque maniere que ce soit. Car ainsi le voulons estre fait. Et sur ce imposons silence perpetuel a noz advocat et procureur et a tous autres noz officiers quelzconques. Non obstans quelzconques editz, constitucions, ordonnances par nous ou aucuns de noz predecesseurs faictes de non desmembrer, vendre, aliener ou transporter aucune chose de nostre demaine, et quelzconques ordonnances, mandemens ou defenses a ce contraires, lesquelles nous ne voulons avoir en ce aucun lien. Et en oultre mandons et commandons expressement par ces mesmes presentes a telz et telz que desdiz chastel, ville et chastellenie de N. et de leursdictes revenues et appartenances mettent et instituent de par nous reaulment et de fait en plaine possession et saisine ledit N. ou ses procureurs, commis ou depputez pour lui, pour en joïr et user comme dessus, et de ce faire leur donnons et a chascun d'eulx plain povoir, auctorité et mandement especial par cesdictes presentes. Ausquelles, afin que ce soit ferme chose et estable a tousjours, nous avons fait mettre nostre seel. Donné etc.


a suivi de ces presentes, aussitôt rayé.
1 Si Morchesne n'a pas retravaillé certaines expressions, on peut penser que l'acte-source doit être attribué au dauphin Charles, avant le décès de Charles VI (mon seigneur), et après l'institution du parlement de Poitiers, qu'il appelle nostre parlement, donc entre le 21 septembre 1418 et le 21 octobre 1422.
2 Le terme de fructuaire, l'expression par la tradition de ces presentes (que le scribe a d'ailleurs inconsciemment corrigée avant de revenir à son modèle : voir note [a] de l'apparat) semblent indiquer que la présente formule a été partie traduite partie adaptée de la formule qui suit, mais sans gommer toutes les particularités d'un acte pour une terre de droit écrit.