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[fol. 121]

Defense de regnier Dieu1

Charles etc., a tous etc. Comme des pieça vivant feu nostre tres chier seigneur et pere, cui Dieu pardoint, et aussi durant le temps que avons eu la regence de nostre royaume ait esté par ordonnance et edit expres et par lettres patentes publiquement et notoirement defendu a tous que on ne renoyast, maugreast ou blaphemast le nom de Dieu nostre createur et de la glorieuse Vierge Marie sa mere et des benoiz sains et saintes de paradis, sur peine d'en estre griefment puny, et neantmoins nous ayons entendu que pluseurs de noz subgez, plains de mauvais esperit, non ayant Dieu devant les yeulx, le renyent, maugreent et blaphement de jour en jour, qui est a nostre tres grant desplaisance, et doubtons, ainsi que vraissemblablement est a doubter, que a ceste occasion entre les autres nostredit Createur ait permis a venir en nostre royaume les tribulacions, guerres et afflictions qui y sont, pour ce est il que nous, en ensuivant nostredit seigneur et pere et noz autres predecesseurs, voulens Dieu nostre createur et ses sains estre reverez et serviz comme bons catholiques doivent faire et ceulx qui feront le contraire estre puniz sanz aucun espargnier, avons derechief defendu et par ordonnance expresse defendons a tous noz subgetz et obeïssans, de quelque estat ou condition qu'ilz soient, que aucun ne maugree, renye ou despite d'ores en avant le nom de Dieu et de la glorieuse Vierge Marie sa mere et des sains et saintes, sur peine d'estre pour la premiere foiz puny pecunielmenta a l'arbitrage du juge soubz qui il fera ledit maugreement [fol. 121v], renyement ou despitement, selon la puissance de celui qui le maugreera ou renyera, a icelle amende applicquer moitié en cire a servir en l'eglise ou parroisse du lieu ou sera fait le delit et l'autre moitié au seigneur du lieu, en doublant ou tripplant la somme pour la seconde foiz, et pour la tierce d'estre mis au pilory a jour de feste ou de marchié, et pour la quarte d'avoir la langue persiee d'un fer chault, et pour la cinquiesme et au dessus d'en estre plus griefment et corporelment puny comme blaphemeur de Dieu et de ses sains et comme transgresseurs de edit ou statut royal, en tele maniere toutesvoyes que ce soit exemple a tous autres ; et avec ce, que celui ou ceulx qui seront presens la ou on blaphemerab le nom de Dieu et de la glorieuse Vierge Marie soient miz et tauxez en amende selon leur faculté se ilz ne le denoncent a justice dedanz ung jour ou dedanz deux au plus tart, et pareillement les justiciers se ilz delayent a leur escient de faire et executer ceste nostre ordonnance contre lesdiz blasphemeurs et ceulx qui ne les accuseront. Si donnons en mandement par ces presentes au bailly de Bourges et a tous les autres justiciers et officiers de nostre royaume ou a leurs lieuxtenans que nostre presente ordonnance ilz facent tenir, garder, crier et publier, chascun endroit soy, incontinent aprés la reception d'icelles et d'ores en avant de mois en moys par tous les lieux acoustumez a faire criz en leurs jurisdicions, afin que aucun n'en puisse pretendre ignorance, et icelle ordonnance tiengnent, gardent et executent viguereusement et sanz deport et facent tenir et garder et executer de point et point sanz enfraindre et sanz y espargnier aucun, de quelque estat qu'il soit, sur peine de privacion d'office et d'en estre autrement puny a l'exemple des autres. Car ainsi nous plaist il qu'il soit fait, et que au vidimus de ces presentes fait soubz seel autentique foy soit adjoustee comme a ce present original. Auquel, en tesmoing de ce, nous avons fait mettre nostre seel. Donné a Chinon le IXec jour de fevrier, l'an de grace mil CCCC vingt et quatre, et de nostre regne le second.


a précédé par erreur de corporelment, qui aurait dû être rayé à la relecture.
b Le b initial corrigé par surcharge sur p.
c XIe M.
1 Cet acte est cité par Du Fresne, t. II, p. 189, d'après le manuscrit lat. 17184, fol. 104-105, qui n'est qu'un extrait, réalisé au XVIIe siècle, de la version M du formulaire de Morchesne. M, suivi par Du Fresne, porte la date du 11 février 1424 (1425 n.st.), alors que le ms indique le 9 ; rien ne permet de préférer la première date, qui est pourtant passée aux historiens (avant Du Fresne : Vallet, Histoire de Charles VII, t. II, p. 257, note 1). L'acte, dont toute la tradition semble se résumer au formulaire de Morchesne, est demeuré inconnu des grands recueils et n'est pas mentionné par Jacqueline Hoareau-Dodinau, Dieu et le roi : la répression du blasphème et de l'injure au roi à la fin du Moyen Âge, Limoges, 2002 (Cahiers de l'Institut d'anthropologie juridique, 8), tableau chronologique aux p. 280-281.