École des chartes » ELEC » Le formulaire d'Odart de Morchesne » Defenses » Autre lettre pour oster la coustume de regnier Dieu
[fol. 121v]
[fol. 122]

Autre lettre pour oster la coustume de regnier Dieu1

Charles, filz du roy de France, regent le royaume, daulphin de Viennois, duc de Berry, de Touraine et conte de Poictou, a tous etc. Savoir faisons que nous, ayans en tres grant desplaisance et non sanz cause la maniere de longtemps acoustumee par tout ce royaume de blasphemer, renyer, maugreer et despiter le nom de Dieu nostre createura et de la glorieuse Vierge Marie sa mereb, doubtans, ainsi que vraissemblablement est a doubter, que a ceste occasion et achoison nostredit Createur entre autres choses ait permis a venir en cedit royaume pluseurs tribulacions et afflictions et voulens comme bon catholique oster a nostre povoir ladicte mauvaise coustume et nostredit Createur et sa benoite mere estre louez et adorez comme il appartient, avons commandé et defendu et par ordonnance expresse commandons et defendons que aucun, de quelque estat qu'il soit, ne maugree, renye ou despite d'ores en avant le nom de Dieu ne de la glorieuse Vierge Marie sa mere, sur peine d'estre pour la premiere foiz puny pecunielment a l'arbitrage du juge soubz qui il fera ledit maugreement, renyement ou despitement depuis la somme de V solz parisis jusques a la somme de XX solz parisis a applicquer au seigneur du lieu, en doublant la somme pour la seconde foiz et en la tripplant pour la tierce, et pour la quarte et au dessus d'estre puny corporelment selon l'enormité du cas et la qualité de la personne a l'arbitrage et discrecion de justice, en maniere toutesvoies que ce soit exemple a tous autres ; et avec ce, que celui ou ceulz qui seront presens la ou on blasphemera le nom de Dieu ou de la glorieuse Vierge Marie, se ilz ne le denoncent a justice dedens un jour ou dedanz deux au plus tart, soient puniz a la moitié desdictes peines, et pareillement les justiciers se ilz delayent a leur escient de faire et executer ce que dit est. Si donnons en mandement par ces presentes au bailly de Montargis ou a son lieutenant et a tous les autres justiciers et officiers de ce royaume ou a leurs lieuxtenans que nostre presente ordonnance ilz facent tantost et sanz delay crier et publier d'ores en avant de mois en mois par tous les lieux acoustumez a faire criz en leurs jurisdicions, a ce que aucun ne puisse pretendre ignorance, et icelle ordonnance tiengnent, gardent et executent viguereusement et sanz depport et facent tenir et garder et executer de point en point sanz enfraindre. Voulens que au vidimus de ces presentes fait soubz seel royal foy soit adjoustee comme a ce present original. Auquel, en tesmoing de ce, nous avons fait mettre nostre seel. Donné etc. c.


a creatur ms.
b femme ms, qui donne mere plus bas.
c Les dernières lignes sont plus serrées, et l'écriture finalement tassée pour que la formule tienne à l'intérieur de la justification, sans saut de page.
1 Le texte transmis par Morchesne est très proche de celui de deux ordonnances édictées, comme lui, par le dauphin-régent Charles (c'est-à-dire entre la fin décembre 1418 et le 21 octobre 1422) et parvenues à nous par des voies diverses. La première, datée de Mehun-sur-Yèvre le 8 octobre 1420 (signée J. Faverot), a été éditée dans les O.R.F., t. XI, p. 105, d'après un registre de la Chambre des comptes de Montpellier, et portait mention de la publication à la cour d'un sénéchal royal le 9 novembre. La seconde, elle aussi datée de Mehun-sur-Yèvre, mais le 22 décembre 1420 (signée J. Villebresme), a été enregistrée au parlement de Poitiers (Arch. nat., X1A 8604, fol. 36v-37) après avoir été lue à la cour le 10 janvier 1421 et publiée dans la ville de Poitiers le lendemain (c'est d'après cette source qu'elle est mentionnée par Du Fresne, t. I, p. 370, n. 4). Hormis de légers remaniements (substitutions de termes synonymes, abrègements de formules dans un sens ou l'autre), la formule de Morchesne ne se sépare de ces deux actes que sur deux points de fond : elle omet les sains ou saintes dans la liste des personnes offensées par le blasphème ; dans la clause injonctive, elle mentionne le bailli de Montargis comme spécialement chargé de l'application de la mesure, alors que les deux autres versions sont de portée générale (a tous les justiciers et officiers de ce royaulme). Tout laisse donc à penser que l'acte-source de Morchesne n'était que l'une des expéditions de l'ordonnance promulguée par le dauphin Charles, en multiples exemplaires, au fil des derniers mois de 1420.