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[fol. 195v]

Notas généraux

[18-a] Le notaire du roy, quelque autre science qu'il ait, doit principalment estre fort fondé en gramaire ; car, s'il n'est bon gramairien, difficile est qu'il saiche bien faire ne orthografier lettres. Et ne doit point signer une lettre qu'il ne l'ait veue au long et corrigee, s'il y a a corrigier tant ou langaige comme en l'orthographie.

[18-b] * Item s'il y a autres lettres incorporees dedanz la lettre royal et il est dit en la lettre desquelles la teneur s'ensuit, le notaire doit faire la collacion des lettres incorporees, et au dessoubz de son signe escrire de sa main ces motz Collacion est faicte, ou s'elle est en latin Collacio fit ; mais se en la lettre n'est miz affirmativement desquelles la teneur s'ensuit, ainz desquelles on dit la teneur estre telle, il ne lui en convient ja faire collacion ne l'escrire.

[18-c] Item on doit garder le stile ancien au plus pres qu'on peut, mesmement au regart des lettres communes, car la forme en est visitee de si long temps qu'il n'est ja besoing de la muer.

[18-d] Item le notaire doit bien advertir que en la conclusion de la lettre n'ait point de motif ou allegacion affirmative se on ne la scet, comme aucune foiz aprés Nous, ces choses considerees on met et que tele chose et tele, et aussi a causer le committimus on y met et pour ce que les parties sont demourans ou qu'il est le plus prouchain juge etc., ou tele autre chose ou cause, et y doit on mettre comme l'en dit ou comme il dit ; car le roy parle en la conclusion de la lettre et n'y doit on point mettre affirmativement chose qui ne soit veritable.

[18-e] Item a un sergent, a ung huissier, a ung prevost, excepté celui de Paris qui est conseiller natif, a viguiers, a chastellains, a grenetiers, a receveurs, a ung esleu commis et a autres menus officiers le roy parle en ses lettres par tu ; et a gens conseillers ou de conseil, a chiefs d'offices notables et aussi a bailliz et a seneschaulx, maxime quant ilz sont chevaliers, il parle par vous ; et si fait il aussi quant la lettre s'adresse a pluseurs, comme a esleuz sur le fait des aidesa a deux ou trois personnes ; toutesvoyes, posé ores que la lettre s'adrece seulement au premier huissier ou sergent ensemble, si doit on parler par tu et non pas par vous. Item nota qu'on ne doit point [fol. 196] donner a un sergent congnoissance de cause.

[18-f] Item nota qu'on signe sanz commandement d'autruy les graces a plaider, debitis, sauvegardes et respiz quant ilz sont en forme commune ; se signent seulement Par vous quant le chancelier y est, et se rapporte le vous au chancelier, comme qui diroit mon seigneur le chancelier. Les adjornemens en cas d'appel, anticipacions, estaz et decepcions d'oultre moitié de juste priz en forme commune se peuent signer Par le roy a vostre relacion, c'est assavoir du chancelier, ou qui veult on les signe Par le roy a la relacion du conseil. Item autres lettres et mandemens de justice se signent Par le roy a la relacion du conseil ; et quant les lettres sont criminelles, on y adjouste ce mot lay, c'est assavoir du conseil lay, et en est le seel au notaire qui la signe, et le chaufe cire en a trois blans, et ainsi on en paie VII solz parisis au seel. Et se la letre est pour pluseurs, on en paie pluseurs seaulx, car en cas de crime n'y a point de consocieté ; toutesvoyes quant les lettres sont commandeesb par le roy ou es requestes, on les doit signer ainsi qu'elles sont commandees.

[18-g] * Item quant la lettre est signee en marge ou en queue du signe d'un des maistres ordinaires des requestes de l'ostel du roy ou que la chose est debatue entr'eulx et par leur oppinion seellee, on la peut signer ainsi Es resquestes de l'ostel.

[18-h] Semblablement, ou le chancelier de France n'est et quant on seelle du petit seel ordonné en l'absence du grant ou d'un autre, posé ores que le roy y feust, on signe toutes lettres, tant communes que de justice, en une maniere, c'est assavoir Par le conseil, excepté quant c'est lettre criminelle, on y met Par le conseil lay.

[18-i] * Item quant on seelle d'autre seel que du grant, on le doit mettre es lettres que l'on seelle, comme ainsi soubz nostre seel ordonné en l'absence du grant, vel : seellees soubz nostre seel etc.

[18-j] Les lettres communes et de justice qui sont ou nom de mondit seigneur le chancelier de France se signent es requestes de l'ostel et ung des maistres des requestes ordinairesc y doit mettre son nom au chief de la queue, [fol. 196v] ou qui vouldroit on les pourroit signer Par le conseil. Et quant ce sont autres lettres que communes ou de justice qui se commandent par le roy, mesmement lettres de finances, on a acoustumé d'y faire mettre le seel secret du roy en marge au dessus du signe du notaire ou le grant seel en la queue.

[18-k] Item nota que, quant le notaire est homme d'Eglise ou a entencion d'estre, il ne doit pas faire ne signer lettres criminelles, mais s'en doit attendre aux lays.

[18-l] Item nota que lettres qui sont commandees par le roy, voire marquees d'un des maistres des requestes, ne se doivent pas rompre ne dessirer, posé ores qu'on les refuse a seeller en chancelerie ; mais on y fait un neu en la queue, et fait on la response au doz.

[18-m] Item nota que lettres qui touchent partie ne se doivent pas delivrer fors en plaine audience, affin que, se la partie adverse en demande coppie, qu'on la lui face avoir ; sinon, qui veult faire courtoisie a aucun, quant lui mesmes baille la coppie de sa lettre, on la fait collacioner par ung ou deux notaires, puis on la lui delivre en chancelerie, et la coppie en est portee a l'audience, et s'il y a partie qui la demande, on la lui baille. Toutesvoyes on n'a pas acoustumé de bailler a l'audience coppie de lettres qui soient on nom du procureur du roy seulement et sanz autre partie ; aussi ne fait on des lettres qui sont criminelles ne elles ne sont point portees a l'audience qui ne veult.

[18-n] Item nota que les chauffe cires de la chancelerie de France, c'est assavoir ceulx qui seellent, et aussi le varlet chauffe cire qui leur appreste la cire ne doivent point estre clers ne savoir lire n'escrire ; et sont quatre, qui servent chascun par sepmaine. Et est office qui succede d'oir en hoir au plus prouchain masle du lignage ; et ne se doit point vendre, resigner n'eschanger a autre qui ne soit descendu de la ligne. Et ce privilege, comme dient aucuns anciens, donna un roy de France a une bonne dame qu'on appeloit La Choe1, laquelle [fol. 197] l'avoit nourry de lait et fait des curialitez beaucop durant son enfance, et pour ce en voult il recompenser elle et ses enfans et leurs successeurs. Et ont les chauffe cires bons gaiges et beaulx droiz et pluseurs privileges et franchises ; entre les autres, ilz sont francs de tous peages, travers, coustumes, IIIIes, XXmes, impostz et autres subsides, comme les notaires ; et quant le roy chevauche, ilz sont devant lui, coste a coste de celui qui porte l'espee, et ont ceintz entour eulx derriere le doz les seaulx du roy, enfermez en leur coffret, qui doit estre bel et semé de fleurs de lix et la ceinture aussi ; et ont bouche chez le chancelier ou autre qui garde les seaulx en la sepmaine qu'ilz servent. Quant au varlet chauffe cire, il est seul en son office et se peut resigner ou permuer.

[18-o] Les notaires et secretaires prenans bourses ordinaires ou des collacions doivent en la fin de chascun moys bailler a l'audiencier ou autres commis chascun leur cedule certifficatoire, combien ilz ont residé et servy le mois ; autrement ilz seroient privez de leurs bourses du mois. Et a la recepcion du notaire ou secretaire ordinaire, il fait le serement es mains du chancelier, puis se doit faire enregistrer en l'audience et escrire de sa main ou papier ou registre de l'audience le signe manuel dont il veult user en excerçant l'office ; et doit de droit une belle escriptouere garnie ou autre chose equivalant au chancelier, une autre a l'audiencier et une autre au contreroleur ; item doit pour la confrairie des notaires.

[18-p] Item lettre ou il y a rature en lieux vicieux ou souspeçonneux ne doit point estre signee ne seellee, mesmement ou la rasure seroit ou tiltre du prince, en nom ou ou propre nom d'aucun ou en la datte, c'est assavoir depuis le Donné etc.

[18-q] Item les lettres royaulx doivent estre escriptes en froncine ou mouton et non point en veslin, en advorton ne en autre delyé parchemin, pour les rasures qu'on y peut faire sanz ce qu'ilz apperent, au moins bien peu ; et s'aucun y en escrivoit, le notaire ne les doit point signer, mais les faire rescrire en froncine.

[fol. 197v]

[18-r] Item nota que les maistres ordinaires des requestes de l'ostel et les clers, notaires et secretaires du roy sont francs au seel et a quelque dignité, prelature ou preeminence qu'ilz viengnent, ne doivent point paier d'argent pour seel de lettre qui soit pour eulx.

[18-s] Ce prothocole ou formulaire fut fait et composé en ceste maniere par maistre Odart Morchesne, clerc, notaire et secretaire du roy Charles VIIe de son nom, secretaire aussi de reverend pere en Dieu monseigneur M., evesque de Clermont, chancelier de France, l'an mil CCCC XXVI ; et prie ledit maistre Odart a tous qui le visiteront que ce qui y est de bien ilz preignent a gré, et ce qui y seroit a corrigier ou amender ilz le vueillent corrigier charitablement ; car pou y a miz du sien qu'il n'ait trouvé autre part escript, ou qu'il n'en ait veu ainsi user.


a suivi de ou, barré.
b commandes ms.
c ordinaire ms.
1 Rappel de la tradition voulant que Louis IX ait créé l'office de chauffe-cire et qu'il en ait pourvu les quatre enfants d'Yvon la Choue qui avait été sa nourrice (J.-N. Guyot, Ph.-A. Merlin, Traité des droits, fonctions, franchises, exemptions, prérogatives et privilèges annexés en France à chaque dignité, à chaque office et à chaque état, Paris, 1788, p. 447). Le nombre de quatre chauffe-cire donné par Morchesne est récent : il semble ne s'être fixé qu'au début du XVe siècle (Morel, La grande chancellerie, p. 199). Quant à l'hérédité, renforcée par la recherche d'une origine légendaire, elle semble à la fois effective et fragile sous Charles VII et Louis XI, où le roi est lourdement sollicité pour confirmer diverses transactions concernant l'office. Henry de Dannes déclare ainsi tenir son office de chauffe-cire par la succession de son pere Jehan de Dannes… comme par tiltre et auctorité roial comme son propre heritage a lui venu par ligne et succession de sond. feu pere et des prédécesseurs de celui-ci de temps immémorial, quand il l'échange contre un office de notaire et secrétaire du roi (Arch. nat., JJ 176, fol. 230-v, confirmation royale du 22 juin 1447). On voit également le chauffe-cire Pierre Ra éprouver le besoin de faire confirmer par charte royale, en 1463, la cession à son fils de son office royal a heritage, où il dit avoir été reçu en 1432 et confirmé en 1445 (Arch. nat., JJ 199, fol. 6-7).